Cass., Soc., 31 mai 2011

Bien que les faits remontent à 2007, une décision à lire et à méditer dans une période de sortie de crise au cours de laquelle les entreprises doivent faire preuve de flexibilité si elles veuillent se maintenir.

L'histoire d'un salarié qui a contesté le caractère personnel de son licenciement après avoir "fait la fine bouche" sur un poste qui lui était proposé et alors que les chiffres de l'entreprise parlaient d'eux même...

Dans le cadre d'un projet de réorganisation de ses forces de vente, la SA VIRAX proposait à Monsieur X..., par courrier du 8 décembre 2006 le poste de directeur de l'administration commerciale et de la formation.

Elle lui exposait en quoi consistait cette fonction, lui indiquait que sa rémunération resterait inchangée et qu'il disposait d'un délai de réflexion au terme duquel un refus de sa part donnerait lieu à un éventuel licenciement.

Par courriers des 27 décembre 2006 et 17 janvier 2007, Monsieur X... sollicitait de son employeur des précisions concernant ses conditions de rémunération, le calcul de la prime d'objectifs 2007, les frais de déplacement, les frais d'hébergement et de restauration, l'indemnité de bureau, les formations linguistique, informatique et à l'administration des ventes et le stage de formateur.

Par courrier en réponse des 5 et 26 janvier 2007, la Société fournissait à Monsieur X... les précisions sollicitées.

La lettre du 5 janvier 2007 mentionnait explicitement que la Société attendait une réponse pour le 19 janvier 2007 au plus tard et qu'au terme de ce délai, un refus de sa part donnerait lieu à un éventuel licenciement.

Monsieur X..., non satisfait des réponses obtenues, demandait d'autres précisons ou formulait de nouvelles exigences envers son employeur.

Par courrier du 6 février 2007, il indiquait qu'il ne refusait pas ce poste mais demandait ce qu'il adviendrait si, à terme, la Société estimait qu'il y avait inadéquation au poste proposé compte tenu de son profil et des compétences requises.

Il persistait à interroger la société sur l'indemnité transactionnelle KHEOPS et le redressement fiscal afférent ; que cependant, cette indemnité prévue au terme d'un accord transactionnel signé entre lui et la société VIRAX le 17 octobre 2003 après que celui-ci ait renoncé au bénéfice d'une préretraite, est totalement étrangère à la proposition de poste faite le 8 décembre 2006 et il ne peut lui être reproché à l'employeur de ne pas avoir répondu sur ce point.

Les premiers juges ont retenu qu'au regard des réponses apportées, des compétences et du niveau de responsabilité de Monsieur X... dans l'entreprise, la Société avait été surprise de ses difficultés à prendre sa décision et qu'elle en avait déduit qu'il ne souhaitait pas se prononcer sur la proposition de poste qui lui était faite et qu'elle n'avait eu d'autre choix que de le licencier ;qu'il suffit d'ajouter que ce comportement traduit un manque de loyauté de la part de Monsieur X... dans l'exécution de son contrat de travail, ainsi que le relève à juste titre la lettre de licenciement.

C'est également par une exacte appréciation des éléments de la cause que le Conseil a jugé que le licenciement n'était pas intervenu pour un motif économique, ce qui rendait sans fondement la demande relative à la priorité de réembauchage.

Le jugement entrepris a été donc confirmé en ce qu'il a estimé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse.

Commentaire, la chambre sociale devrait aller au bout de la logique et condamner la partie qui succombe aux dépens!

- LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé par la société Virax le 31 août 1992 en qualité d'adjoint chef de région Toulouse, occupait, en dernier lieu, au sein de cette société, l'emploi de directeur des ventes France ; qu'à la suite d'une réorganisation de ses forces de vente, la société a proposé au salarié le 8 décembre 2006 le poste de directeur de l'administration commerciale et de la formation ; que celui-ci n'ayant pas accepté cette modification, l'employeur l'a licencié pour motif personnel le 6 mars 2007 ; que, contestant son licenciement, M. X... a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en dommages-intérêts pour non-respect du droit individuel à la formation alors, selon le moyen :

1°/ qu'aux termes de l'article 20 de l'accord national du 20 juillet 2004 relatif à la formation professionnelle «La mise en oeuvre du droit individuel à la formation est de l'initiative du salarié, en accord avec son employeur» (alinéa 1er). Elle donne lieu à un accord passé entre l'employeur et le salarié, (...), ou à une demande écrite du salarié (2e alinéa). L'accord ou la demande d'exercice du droit individuel à la formation porte sur une action de formation telle que définie à l'article 18 du présent accord, ils doivent comporter les mentions suivantes : nature de l'action de formation ; intitulé de l'action ; modalités de déroulement de l'action ; durée de l'action ; dates de début et de fin de l'action ; coût de l'action ; dénomination du prestataire de formation pressenti (3e alinéa)» ; qu'en énonçant par motifs propres que «la demande présentée n'étant pas conforme (aux exigences du 3e alinéa), M. X... ne peut, ainsi que l'ont relevé les premier juges, bénéficier d'une quelconque indemnisation à ce titre» et par motifs adoptés que «pour bénéficier du Droit individuel à la formation (DIF) M. X... aurait dû avant la fin de son préavis présenter un dossier précis à son employeur concernant la formation souhaitée, ce qui na pas été le cas et qu'il ne peut donc prétendre à des dommages et intérêts à ce titre», sanction non prévue par l'article 20 de l'accord du 20 juillet 2004, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°/ que les juges ne doivent pas dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; que par courrier du 17 avril 2007, le salarié avait indiqué «souhaiter partager ces heures entre une formation informatique et un recyclage en langue anglaise» ; qu'en affirmant toutefois, par motifs propres, que «s'il est établi que par courrier du 17 avril 2007, M. X... a demandé à bénéficier de ce droit, force est de constater qu'il ne mentionne pas la formation précise dont il sollicite la prise en charge par la société Virax», la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cet écrit et violé l'article 1134 du code civile ;

Mais, attendu que la cour d'appel qui a, sans dénaturation, relevé que la demande du salarié n'était pas conforme aux prescriptions de l'article 20 de l'accord national du 20 juillet 2004 relatif à la formation professionnelle en ce qu'elle ne mentionnait pas la formation précise dont il sollicitait la prise en charge par l'employeur, ce dont il se déduisait qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à ce dernier, a, à bon droit, débouté M. X... de sa demande en dommages-intérêts pour non-respect du droit individuel à la formation ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et, attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les quatrième et cinquième moyens, qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article L. 1233-3 du code du travail ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement abusif et pour non-respect de la priorité de réembauchage, l'arrêt, après avoir relevé que le poste de directeur de l'administration commerciale et de la formation lui avait été proposé à la suite de la réorganisation des forces de vente de la société Virax, retient que le licenciement n'est pas intervenu pour un motif économique ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors que la réorganisation de l'entreprise à l'origine de la proposition de modification du contrat de travail du salarié par changement de son emploi présentait un caractère économique, la cour d'appel, à qui il appartenait de rechercher si cette réorganisation était destinée à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et déboute M. X... de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement abusif et pour non-respect de la priorité de réembauchage, l'arrêt rendu le 15 avril 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy "