J'étais hier invité au "Grand Palais" de Lille pour la remise des Chênes d'Or ou trophée récompensant les entreprises familiales selon des critères reposant sur le choix et la volonté de demeurer une entreprise familiale, longévité, adaptation de l'activité à son marché, développement d'un savoir-faire familial, évolution du chiffre d'affaires.
Le positionnement des banques et en particulier celui de Frédéric OUDEA est porteur d'espoir pour les PME: soutenir l'entreprise individuelle, familiale, celle qui crée des emplois dans la "vraie vie"...
Dans la longue recherche universitaire que j'ai menée, longtemps seul, courant après "l'Arlésienne du droit communautaire", selon le Pr Synvet, je rêvais d'entreprise au service des hommes.
Par un coup de baguette magique "ABRACADABRA" on m'a demandé de prendre en main les travaux d'un groupe et de contribuer à l'écriture d'une loi dans laquelle nous avons déposé un esprit.
Cet esprit, celui de la vraie entreprise qui conserve des valeurs et sait concilier productivité, rentabilité, partage du travail et des richesses, je l'ai retrouvé hier soir exprimé par des hommes d'action et de pouvoir.
Les business plan que nos étudiants avaient imaginés au travers les universités de Paris, Odense, Heidelberg, Krackovie, Rome etc... pour faire émerger un groupe pour l'exploitation d'une idée reposent sur des chiffres mais également sur ce que les anciens appellent "l'affectio societatis".
C'était un bonheur pour mon ego que de voir que l'aride recherche universitaire me vallait après des années encore une note en référence dans le Wikipedia...!
Mais j'ai adoré dans cet hommage à l'entreprise individuelle en plein coeur de la crise, hommage rendu par des financiers qui se sont engagés à aider les entreprises animées par une éthique et des valeurs à transmettre; j'ai adoré voir un rêve se réaliser.
Et tout cela m'a encore renvoyé à un discours de Jean JAURES et oui, Colombani se réfère à JAURES!
Un discours ou il est question de l'entreprise de "papa" publié dans la Dépêche de Toulouse le 28 mai 1890 mais que je trouve d'une criante actualité:
"Il n'y a de classe dirigeante que courageuse. À toute époque, les classes dirigeantes se sont constituées par le courage, par l'acceptation consciente du risque. * Dirige celui qui risque ce que les dirigés ne veulent pas risquer.
* Est respecté celui qui, volontairement, accomplit pour les autres les actes difficiles ou dangereux.
* Est un chef celui qui procure aux autres la sécurité en prenant pour soi les dangers.
Le courage, pour l'entrepreneur, c'est l'esprit de l'entreprise et le refus de recourir à l'État ; pour le technicien, c'est le refus de transiger avec la qualité ; pour le directeur du personnel ou le directeur d'usine, c'est la défense de la maison ; c'est dans la maison la défense de l'autorité et, avec elle, celle de la discipline et de l'ordre.
Dans la moyenne industrie, il y a beaucoup de patrons qui sont à eux-mêmes, au moins dans une large mesure, leur caissier, leur comptable, leur dessinateur, leur contremaître : et ils ont avec la fatigue du corps, le souci de l'esprit que les ouvriers n'ont que par intervalles. Ils vivent dans un monde de lutte où la solidarité est inconnue.
Jusqu'ici, dans aucun pays, les patrons n'ont pu se concerter pour se mettre à l'abri, au moins dans une large mesure, contre les faillites qui peuvent détruire en un jour la fortune et le crédit d'un industriel. Entre tous les producteurs, c'est la lutte sans merci : pour se disputer la clientèle, ils abaissent jusqu'à la dernière limite dans les années de crise le prix de vente des marchandises, ils descendent même au-dessous des prix de revient, ils sont obligés d'accorder des délais de paiement démesurés qui sont, selon leurs acheteurs, une marge ouverte à la faillite et, s'ils leur survient le moindre revers, le banquier aux aguets veut être payé dans les vingt-quatre heures.
Lorsque les ouvriers accusent les patrons d'être des jouisseurs qui veulent gagner beaucoup d'argent pour s'amuser, ils ne comprennent pas bien l'âme patronale.
Sans doute, il y a des patrons qui s'amusent, mais ce qu'ils veulent avant tout, quand ils sont vraiment des patrons, c'est gagner la bataille. Il y en a beaucoup qui, en grossissant leur fortune, ne se donneront pas une jouissance de plus ; en tout cas, ce n'est point surtout à cela qu'ils songent. Ils sont heureux, quand ils font un bel inventaire, de se dire que leur peine ardente n'est pas perdue, qu'il y a un résultat positif, palpable, que de tous les hasards il est sorti quelque chose, et que leur puissance d'action s'est accrue.
Non, en vérité, le patronat, tel que la société actuelle le fait n'est pas une condition enviable. Et ce n'est pas avec les sentiments de colère ou de convoitise que les hommes devraient se regarder les uns les autres, mais avec une sorte de pitié réciproque, qui serait peut-être le prélude de la justice !
Jean JAURES"
Donc, au début, je me sentais seul au fond de la salle hier soir, mais j'étais plein de joie et d'admiration pour ces hommes d'action qui recevaient des prix et distinctions méritées.
A la fin, j'étais heureux d'être seul tant la jouissance et les leçons tirées étaient sur l'instant incommunicables à des personnes dépourvues d'une dimension d'esprit que j'aurais pu croiser.
Le fait d'être là, entouré de ces belles histoires me suffisait pour être bien heureux de savoir qu'il y a des trains qui arrivent à l'heure et que les étoiles qui brillent dans le ciel renvoient d'échos des rires d'enfants à ceux qui savent voir et entendre... avec le coeur!
En fait, il faut être pour les autres et se sentir exister dans les yeux d'autres...
"Il y a des personnes dont la présence nous rassure, nous stimule, nous pousse au meilleur de nous mêmes, sans pression d'aucune sorte. Est-ce par mimétisme, parcequ'elles s'estiment elles-mêmes qu'elles nous poussent doucement à nous estimer aussi? Est-ce leur façon de nous regarder, de nous parler, de nous permettre de sentir leur confiance à notre égard? Le résultat est là: Ces personnes sont bénéfiques à notre estime de nous même. Par des actes infimes ou manifestes, elles nous nourrissent et nous révèlent" (1).
Et je pensais à mes amis, chercheurs, chacun dans leur pays, à la formidable écriture de notre livre à Berlin, et aux formidables pensées positives partagées et, à la vie qui va!
Vendredi, c'est philosophie!
Chr. ANDRE, IMPARFAITS, LIBRES ET HEUREUX (Odile Jacob, p. 384)
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