À cette question nouvelle, la Cour de cassation a répondu par l'affirmative aux termes d'un arrêt prononcé le 25 janvier 2024 par la troisième chambre civile (n° 22-14.081, au Bulletin) :

« Vu les articles L. 134-6 et L. 134-8 du code forestier, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2012-92 du 26 janvier 2012 :

4. Selon le premier de ces textes, l'obligation de débroussaillement et de maintien en état débroussaillé, pour les terrains situés à moins de deux cents mètres des bois et forêts, s'applique notamment, en vertu de ses 1° et 2°, aux abords de constructions, chantiers et installations de toute nature sur une profondeur de cinquante mètres ainsi que des voies privées y donnant accès sur une profondeur fixée par le préfet dans une limite maximale de dix mètres, et en vertu de ses 3° et 4°, aux terrains situés dans les zones urbaines des communes, qu'elles soient ou non dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document en tenant lieu.

5. Selon le second, les travaux mentionnés à l'article L. 134-6 sont à la charge, dans les cas mentionnés aux 1° et 2° de cet article, du propriétaire des constructions, chantiers et installations de toute nature, pour la protection desquels la servitude de débroussaillement est établie, et dans les cas mentionnés aux 3° et 4° de cet article, du propriétaire du terrain.

6. Il en résulte qu'un propriétaire ne peut être soumis à une obligation de débroussaillement de son terrain, au titre des 3° et 4° de l'article L. 134-6 du code forestier, que lorsque celui-ci se trouve en zone urbaine.

7. Pour condamner la société Aréas dommages à garantir la société Swisslife des sommes versées en réparation du sinistre subi par M. et Mme [Y], l'arrêt retient que la SCI a manqué à l'obligation de débroussaillement à laquelle elle était tenue en sa qualité de propriétaire d'un terrain non bâti.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher si le terrain de la SCI était situé en zone urbaine, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. »

En d'autres termes, c'est seulement si le terrain non bâti est situé en zone urbaine que l'obligation de débroussaillement pèse sur son propriétaire.

 


 

Pour justifier cette solution, il faut se reporter aux faits du litige.

Le 16 août 2013, dans le département du Vaucluse, un feu de broussailles déclaré sur un terrain non bâti appartenant à une SCI s'est propagé à la propriété de particuliers, entraînant la destruction de leur maison d'habitation.

La SCI était-elle tenue à une obligation de débroussaillage de son terrain non bâti ?

Il convient de déterminer le champ d'application de cette obligation et le débiteur de celle-ci.

 

ZONE GEOGRAPHIQUE CONCERNEE

Des mesures communes aux bois et forêts classés à risque d'incendie et aux territoires réputés particulièrement exposés aux risques d'incendie sont imposées dans des zones géographiques considérées comme étant particulièrement à risque, à l'instar des régions Aquitaine, Corse, Languedoc-Roussillon, etc.

En application de l'article L. 134-1 du code forestier, elles s'appliquent aux territoires classés à risque d'incendie sont définis à l'article L. 132-1 du même code, ainsi qu'aux départements où les bois et forêts sont particulièrement exposés, mentionnés à l'article L. 133-1 du même code.

Parmi ces mesures, l'obligation légale de débroussaillement est prévue par l'article L. 134-6 du code forestier. Elle est souvent présentée comme une forme de servitude légale d'utilité publique ou communale, et constitue une atteinte au droit de propriété, justifiée par le motif d'intérêt général de prévention des incendies. Cette disposition reprend en substance l'ancien article L. 322-3 du même code, abrogé par l'ordonnance n° 2012-92 du 26 janvier 2012.

Il convient de distinguer, entre autres hypothèses, le cas des constructions et voies privées y donnant accès (I.), des terrains non bâtis (II.).

 

I. - ABORDS DES CONSTRUCTIONS, CHANTIERS ET INSTALLATIONS DE TOUTE NATURE ET DES VOIES PRIVEES Y DONNANT ACCES

Aux termes de l'article L. 134-6, 1° et 2° du code forestierl'obligation de débroussaillement et de maintien en état débroussaillé, pour les terrains situés à moins de deux cents mètres des bois et forêts, s'applique notamment aux abords de constructions, chantiers et installations de toute nature sur une profondeur de cinquante mètres ainsi que des voies privées y donnant accès sur une profondeur fixée par le préfet dans une limite maximale de dix mètres.

Que recouvre la notion de « constructions, chantiers et installations de toute nature » au sens de ce texte ?

Aux termes d'une réponse à une première question ministérielle, il a été considéré que « les constructions de toute nature sont concernées, y compris les piscines. Les dépendances et constructions annexes peuvent être directement attenantes ou proches de la partie habitable des constructions. Un incendie qui s'y propage peut affecter l'ensemble de la construction. Dans le cas spécifique d'une piscine, le débroussaillement périphérique peut, en cas d'incendie, contribuer à la protection de l'équipement et permettre aux services de lutte d'accéder à cette réserve d'eau pour intervenir » (Question de Th. Mariani n° 74547 publiée au JO le 27 septembre 2005, p. 8878 ; réponse publiée au JO le 15 novembre 2005, p. 10519).

Une seconde réponse ministérielle a ajouté qu' « en ce qui concerne les démembrements d'habitation principale, le hangar agricole, le garage et la piscine font partie, dans l'état actuel du droit, des constructions visées par l'obligation de débroussaillement. Pour les piscines, cette opération permet aux pompiers d'accéder en toute sécurité à la réserve d'eau, laquelle permet souvent, dans les cas d'incendies de forêt, de sauver la maison ou celle du voisin » (Question de Th. Mariani n° 1656 publiée au JO le 6 juin 2006, p. 5728, réponse publiée au JO le 7 juin 2006, p. 3958).

Par ailleurs, une « voie privée » au sens de ce texte peut se définir comme « celle qui est la propriété des particuliers qui l'ont établie et qui, lorsqu'elles sont “ouvertes au public, sont soumises à un régime administratif particulier » (G. Cornu, Vocabulaire juridique, 15e éd., PUF, 2024).

En vertu de l'article L. 134-8, 1° du même code, ces travaux-ci sont à la charge du propriétaire des constructions, chantiers et installations de toute nature, pour la protection desquels la servitude de débroussaillement est établie.

 

II. - TERRAINS NON BÂTIS SITUES DANS LES ZONES URBAINES DES COMMUNES

Selon l'article L. 134-6, 3° et 4° du code forestier, l'obligation s'applique également aux terrains situés dans les zones urbaines des communes, qu'elles soient ou non dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document en tenant lieu.

En ce cas, et selon l'article L. 134-8, 2° du même code, ces travaux sont alors à la charge du propriétaire du terrain.

Il en résulte que le propriétaire d'un terrain non bâti est tenu de le débroussailler s'il est situé en zone urbaine. En revanche, cette obligation n'est pas mise à sa charge si ledit terrain nu est situé en zone non-urbaine ; en pareille hypothèse, seuls les propriétaires de terrains sur lesquels des constructions sont établies ou des voies privées y donnant accès, dans les conditions précitées, seront tenus à une telle obligation.

Au cas présent, la Cour de cassation a censuré la décision attaquée en tant qu'elle a considéré que la propriétaire du terrain non bâti était tenue de le débroussailler sans toutefois avoir vérifié l'une des conditions d'application de cette obligation, à savoir la localisation du bien litigieux en zone urbaine.

Ajoutons enfin que les dispositions de l'article 21 de la loi n° 2023-580 du 10 juillet 2023 ayant modifié les articles précités du code forestier ne remettent pas en cause cette solution.