Réglementation - modification de l'article 145 du code de procédure civile (CPC) par le décret n°2025-619 du 8 juillet 2025

 

1.- L'article 4 du décret n° 2025-619 ajoute deux alinéas (2 et 3) à l'article 145 du CPC relatif au référé-expertise. Le nouvel article, qui entrera en vigueur le 1er septembre 2025, dispose désormais que :

"S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

La juridiction territorialement compétente pour statuer sur une demande formée en application du premier alinéa est, au choix du demandeur, celle susceptible de connaître de l'affaire au fond ou, s'il y a lieu, celle dans le ressort de laquelle la mesure d'instruction doit être exécutée.

Par dérogation au deuxième alinéa, lorsque la mesure d'instruction porte sur un immeuble, la juridiction du lieu où est situé l'immeuble est seule compétente."

Il en résulte que : 

  • si la mesure d'instruction ne porte pas sur un immeuble, la juridiction compétente, est, au choix du demandeur, (1) celle susceptible de connaître de l'affaire au fond, (2) ou cellle dans le ressort de laquelle la mesure d'instruction doit être exécutée. Sur ce point, le décret codifie à droit constant la jurisprudence (Cass. Civ. 2e, 2 juillet 2020, RG n° 19-21.012) ;
  • En revanche, si la mesure d'instruction porte sur un immeuble, la juridiction compétente est celle du lieu où celui-ci est implanté.

 

2.- Sur ce second point, le décret clôt un débat ouvert entre le tribunal judiciaire et la cour d'appel de Paris. 

2.1. - A ce titre, jusqu'à présent, le demandeur bénéficiait d'un droit d'option et pouvait initier une mesure d'instruction in futurum portant sur un immeuble :

  • soit devant la juridiction du lieu de domicile du défendeur (au visa de l'article 42 du CPC) ;
  • soit devant la juridiction du lieu d'implantation de l'immeuble (au visa de l'article 46 du CPC).

2.2.- Toutefois, par trois jugements du 21 juin 2024 (RG n° 23/57361, RG n° 24-50495 et RG n° 24-50031) le tribunal judiciaire de Paris s'est opposé au droit d'option.

Dans le communiqué suivant l'une de ces décisions, il rappelait qu'au regard des "principes de bonne administration de la justice et de proportionnalité [...] la notion de proximité avec le juge est essentielle dans le cadre d’une mesure d’expertise judiciaire portant sur un bien immobilier".

Il en déduisait "qu’en cette matière, la compétence de la juridiction dans le ressort de laquelle la mesure doit être exécutée s’impose à l’exclusion de toute autre" (TJ Paris, 21 juin 2024, communiqué).

2.3.-  Son initiative n'a pas été suivie par la cour d'appel de Paris. Par un arrêt du 24 octobre 2024, suivi, là encore, d'un communiqué, elle a infirmé les jugements et maintenu le droit d'option. La cour d'appel considérait que :

"L'interprétation qui est faite de la combinaison des articles 145, 42 et 46 du code de procédure civile, par une jurisprudence constante, poursuit un objectif légitime de sécurité juridique et de bonne administration de la justice sans porter une atteinte disproportionnée aux droits des parties, notamment au droit d'accès effectif à un tribunal. La seule circonstance que la mesure d'expertise sollicitée concerne un immeuble ne saurait justifier l'abandon de cette jurisprudence."(CA Paris, 24 octobre 2024,  RG n° 24/12032).

 

3.- Le décret n°2025-619 met donc définitivement un terme à cette jurisprudence et s'aligne sur la position du tribunal judiciaire de Paris. 

A compter du 1er septembre 2025, le référé-expertise portant sur un immeuble ne pourra plus être introduit devant la juridiction du domicile du défendeur, mais uniquement devant celle du lieu où il est implanté.

 


Jean-Loup Mirabel

25, rue Etienne-Marcel, 75001, Paris

+33.7.60.63.00.67

jlmirabel@rhizome-avocats.com 

Mirabel avocat - Rhizome Avocats