L’indemnité « réparant » le licenciement prononcé après le 23 septembre 2017

 

« Faites ce que je dis et non ce que j’ai fait ». (Casimir DELAVIGNE)

En l’espèce, ce que le candidat Macron a dit, le Président élu a fait…

Cinq Ordonnances qui concernent le droit du travail, ont été publiées au Journal Officiel du 23 septembre 2017.

 

Parmi ces cinq Ordonnances, l’Ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la «prévisibilité et la sécurisation des relations de travail» concernera davantage le salarié dans son quotidien.

Outre l’article 1 de cette Ordonnance qui institue un code du travail numérique appelé à entrer en vigueur au 1er janvier 2020 et une formulation quelque peu déroutante selon laquelle l'employeur ou le salarié qui se prévaudrait des informations obtenues au moyen du « code du travail numérique » serait, en cas de litige, présumé de bonne foi [on peut s’interroger à la fois sur le sens et l’intérêt de cette précision], il y est question de la barémisation des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l’encadrement des délais de recours en cas de rupture du contrat de travail, de modèles de lettre de licenciement, de la possibilité de préciser la motivation du licenciement après sa notification, du licenciement économique, de la rupture conventionnelle collective, de la possibilité d’aménager par accord de branche étendu certains points de la législation sur les CDD et l’intérim, du CDI de chantier ou d'opération, du télétravail et de l’inaptitude physique.

Arrêtons-nous à quelques règles qui vont modifier grandement la matière du licenciement et qui sont d’application immédiate puisqu’elles s’appliquent aux licenciements prononcés postérieurement à la publication de ladite Ordonnance (23septembre 2017).

 

Hier, le juge lorsqu’il était en présence de plusieurs motifs de licenciement dont l’un était illicite (atteinte à une liberté fondamentale, discrimination, harcèlement, etc.), ce dernier motif suffisait à juger le licenciement nul sans qu’il soit besoin d’examiner les autres motifs.

Aujourd’hui, le juge a l’obligation d’examiner les autres motifs afin de rechercher l’existence ou non d’une cause réelle et sérieuse de licenciement, peu importe que l’on soit en présence d’un motif illicite.

Ainsi, en l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement, le juge a ainsi le pouvoir de minorer l’indemnisation du salarié ayant fait l’objet d’un licenciement nul, avec toutefois un plancher d’indemnisation qui reste fixé à 6 mois de salaire et sans aucun plafond.

 

Hier, l’article L 1235-3 du code du travail prévoyait en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité à la charge de l’employeur et payée au salarié, cette indemnité ne pouvant être inférieure aux salaires des 6 derniers mois.

Lorsque licenciement concernait un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise ou un salarié appartenant à une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, ce salarié pouvait prétendre en application de l’article L 1235–5 en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi, c’est-à-dire une indemnité pour laquelle il n’y avait ni minimum, ni maximum.

Il existait par ailleurs depuis la loi Macron (Déjà lui) du 6 août 2015 un référentiel indicatif du montant de l'indemnité susceptible d'être allouée au salarié en cas de litige portant sur la rupture du contrat de travail, en fonction notamment de son ancienneté, de son âge et de sa situation du demandeur par rapport à l'emploi (art. L. 1235–1, alinéas 5 à 7 du code du travail).

Aujourd’hui, tout cela disparaît. L’Ordonnance crée en effet un barème qui s’applique aux contentieux consécutifs à des licenciements prononcés après le 23 septembre 2017.

En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, si le salarié ou l'employeur refuse une réintégration dans l'entreprise, le juge accorde au salarié une indemnité dont le montant est compris entre les planchers et plafonds fixés dans le tableau ci-dessous, en fonction de l’ancienneté du salarié (art. L. 1235-3 nouveau du code du travail).

Ce barème s’impose également en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail ou de prise d’acte du contrat de travail jugée aux torts de l’employeur (art. L. 1235-3-2 nouveau).

Cette indemnité se cumule, le cas échéant, avec les indemnités versées, en matière de licenciement économique, en cas de non-respect de la priorité de réembauche (dont le minimum passe du fait de l’Ordonnance de 2 mois de salaire à un mois) et celle versée en cas de nullité de la procédure de licenciement dans les entreprises d'au moins 50 salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins 10 salariés dans une même période de 30 jours (dont le minimum passe du fait de l’Ordonnance de 12 mois de salaire à 6 mois), mais dans la limite des montants maximaux prévus par le barème (art. L. 1235-3 nouveau du code du travail).

 

Barème Article L 1235-3 nouveau

Ancienneté du salarié dans l'entreprise 

(En années complètes)

Indemnité minimale

(En mois de salaire brut)

Indemnité maximale

(En mois de salaire brut)

0

Sans objet

1

1

1

2

2

3

3,5

3

3

4

4

3

5

5

3

6

6

3

7

7

3

8

8

3

8

9

3

9

10

3

10

11

3

10 ,5

12

3

11

13

3

11,5

14

3

12

15

3

13

16

3

13,5

17

3

14

18

3

14,5

19

3

15

20

3

15,5

21

3

16

22

3

16,5

23

3

17

24

3

17,5

25

3

18

26

3

18,5

27

3

19

28

3

19,5

29

3

20

30 et au-delà

3

20

 

En outre, en cas de licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés, ce sont les montants minimaux fixés ci-dessous qui s’appliquent, par dérogation à ceux mentionnés ci-dessus.

 

Ancienneté du salarié dans l'entreprise 

(En années complètes)

Indemnité minimale 

(En mois de salaire brut)

0

Sans objet

1

0,5

2

0,5

3

1

4

1

5

1,5

6

1,5

7

2

8

2

9

2,5

10

2,5

 

Hier, les indemnités versées pour réparer le préjudice né d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou abusif étaient versées sans préjudice des indemnités de rupture, c’est-à-dire de l’indemnité légale, conventionnelle ou contractuelle de licenciement et de l’indemnité compensatrice de préavis.

Aujourd’hui, pour déterminer le montant de l'indemnité à l’occasion de ces licenciements, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture.

Autrement dit, le coût d’un licenciement pour un employeur est significativement réduit et encadré, le juge perdant son pouvoir souverain d’appréciation.

Rappelons que ces barèmes ne s’appliquent pas en cas de licenciement nul. Dans ce cas, le salarié, s’il ne demande pas à réintégrer l’entreprise ou si la réintégration est impossible, a droit à une indemnité d’au moins 6 mois de salaire (art. L. 1235-3-1 nouveau). Aucun plafond n’est prévu.

Les cas de nullité sont désormais codifiés à l’article L. 1235-3-1 nouveau du code du travail.

Il s’agit :

  • De la violation d’une liberté fondamentale, entendue comme une atteinte au droit de grève, au droit d’ester en justice ou à la liberté syndicale ;

 

  • Des faits de harcèlement moral ou sexuel ;

 

  • Du licenciement discriminatoire ;

 

  • Du licenciement faisant suite à l’action en justice du salarié en matière d’égalité professionnelle ;

 

  • Du licenciement faisant suite à la dénonciation par le salarié de crimes et délits ;

 

  • De l’exercice d’un mandat par un salarié protégé ;

 

  • De la protection attachée au congé de maternité ou de paternité et au statut de victime d’accident du travail ou de maladie professionnelle.

 

Hier, le salarié justifiant d’un contrat de travail à durée indéterminée, avait droit sauf en cas de faute grave ou lourde à une indemnité de licenciement dès lors qu’il totalisait une année d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur.

Aujourd’hui, cette condition d’ancienneté passe à 8 mois.

 

Et le mouvement ne s'est pas arrêté là !

3 jours à peine après cette Ordonnance, le décret 2017-1398 portant revalorisation de l’indemnité légale de licenciement a été publié au JO du 26 septembre 2017.

Le montant de l’indemnité légale est désormais égal à (c. trav. art. R. 1234-2 modifié) :

  • 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté pour les 10 premières années (contre 1/5ème de mois antérieurement, soit une augmentation de 25 %) ;

 

  • 1/3 de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années au-delà de 10 ans d’ancienneté (sans changement).

 

Autrement dit, la modification améliorera uniquement la situation des salariés ayant au plus 10 ans d’ancienneté.

L’indemnité de licenciement ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l’entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines.

Il est désormais expressément précisé qu’en cas d’année incomplète, l’indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets (c. trav. art. R. 1234-1 modifié), ce que les Conseils de Prud’hommes et Cour d’Appel appliquaient déjà.

Le décret a également modifié les modalités de calcul du salaire de référence pour le calcul de l’indemnité légale de licenciement lorsque la durée de service du salarié dans l’entreprise est inférieure à 12 mois.

Ainsi, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité légale de licenciement est désormais, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié (c. trav. art. R. 1234-4 modifié) :

  • Soit la moyenne mensuelle des 12 derniers mois précédant le licenciement ;
  • Soit la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant le licenciement, si la durée de service est inférieure à 12 mois ;
  • Soit le 1/3 des 3 derniers mois.

Ce décret a également des conséquences sur le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle ainsi que sur celui de l’indemnité de mise à la retraite.

En effet, le salarié signataire d’une convention de rupture conventionnelle ainsi que le salarié mis à la retraite doivent percevoir une indemnité au moins égale à l’indemnité légale de licenciement (c. trav. art. L. 1237-7 et L. 1237-13).

 

Me Jean-Luc Chouraki

Avocat spécialiste en droit du travail