Le 23 septembre dernier, le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2017 a été présenté par Marisol TOURAINE (Ministre des Affaires Sociales et de la Santé) et Christian ECKERT (Secrétaire d'État auprès du ministre de l'Economie et des Finances, chargé du Budget). A la lecture de celui-ci, deux éléments essentiels ont attiré notre attention.  

 

LA LIBERTE DE CHOIX DE L’ASSUREUR DE NOUVEAU MENACEE :

Sorties par la porte, les désignations reviennent par la fenêtre

Deux amendements pour le moins identiques (n° 357 et 381) ont été déposés afin de réintégrer à l’article L 912-1 du code de la sécurité sociale, les fameuses clauses de désignation. Celles-ci avaient été déclarées inconstitutionnelles par le Conseil Constitutionnel en juin 2013 et cette inconstitutionnalité avait récemment été réaffirmée par le Conseil d’Etat le 8 juillet 2016, au motif qu’elles sont contraires au droit de la concurrence et à la liberté d’entreprise. Comme l’on pouvait s’y attendre, les deux amendements ont été très rapidement rejetés le mercredi 19 octobre puisque recueillant un avis « défavorable » de la Commission des Affaires Sociales.

Bien que la Commission des Affaires Sociales ait rejeté ces deux amendements, rien n’empêche les députés de procéder à d’autres dépôts afin que leurs amendements soient discutés en séance publique à l’Assemblée Nationale. Ainsi, deux nouveaux amendements strictement identiques aux précédents ont été déposés le 20 octobre dernier (amendements n°253 et n°349 ).

L'article L 912-1 du code de la sécurité sociale sera désormais rédigé de la fçon suivante :

« 1° Après le deuxième alinéa du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les accords peuvent également prévoir la mutualisation de la couverture des risques décès, incapacité, invalidité ou inaptitude. À cette fin, dans le respect des conditions définies au II, ils peuvent organiser la sélection d’au moins deux organismes mentionnés à l’article 1er de la loi n° 891009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques ou institutions mentionnées à l’article L. 3701 du code des assurances permettant la mutualisation d’un socle commun de garanties défini par l’accord à travers des contrats de référence. Les entreprises entrant dans le champ d’application de l’accord ont l’obligation de souscrire un des contrats de référence, à l’exception de celles qui ont conclu un accord collectif antérieur de même objet.

2° Au premier alinéa du II, après le mot : « recommandation », sont insérés les mots : « ou la mutualisation ».

3° À la première phrase du III, après le mot : « recommandation », sont insérés les mots : « ou de la mutualisation ».

Cet amendement a été adopté par l’Assemblée nationale le 27 octobre en première lecture.

L’objectif poursuivi est d’autoriser la construction de régimes de prévoyance lourde au niveau des branches, le pilotage de ces régimes reposant sur une co-désignation d’au moins deux organismes assureurs. Pour ne pas rappeler les vieux démons des mouvements de contestation suscités par l’article 1er de la Loi de Sécurisation de l’Emploi, les rédacteurs prennent le soin de parler de « mutualisation » plutôt que de « désignation. »

 

L’avis du Conseil Constitutionnel et l’état de droit menacés ?

Indépendamment du jeu politique, la question qui se pose est de savoir si le Conseil Constitutionnel retoquera ou non ce nouveau concept « mutualisation » à l’occasion du contrôle de constitutionnalité de la Loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2017.

Rien n’est moins sûr. En effet, dans sa décision du 13 juin 2013, le Conseil Constitutionnel avait laissé entendre dans son considérant n°11 qu’un système de co-désignation pouvait être conforme à la Constitution « si le législateur peut porter atteinte à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle dans un but de mutualisation des risques, notamment en prévoyant que soit recommandé au niveau de la branche un seul organisme de prévoyance proposant un contrat de référence y compris à un tarif d’assurance donné ou en offrant la possibilité que soient désignés au niveau de la branche plusieurs organismes de prévoyance proposant au moins de tels contrats de référence, il ne saurait porter à ces libertés une atteinte d’une nature telle que l’entreprise soit liée avec un cocontractant déjà désigné par un contrat négocié au niveau de la branche et au contenu totalement prédéfini ».

 

LE CASSE-TÊTE DU CHEQUE SANTE DESTINE AUX SALARIES PRECAIRES

Institué par l’article 34 de la LFSS 2016, le « versement santé » (encore souvent appelé « chèque santé »), est un dispositif permettant aux salariés « précaires » de bénéficier d’une aide au paiement de leur complémentaire santé de la part de leur employeur sous conditions précises.

 

La DUE, outil simple de mise en place du versement santé dans l’entreprise

Le versement santé peut être mis en place par Décision Unilatérale de l’Employeur (DUE) mais seulement jusqu’au 31 décembre 2016. Ce délai trop court avait fait l’objet d’une tentative de prorogation par le biais de l’article 62 de la Loi Travail. Mais le Conseil Constitutionnel l’avait considéré comme un « cavalier législatif » puisque sans lien, même indirect, avec l’objet de la Loi dans laquelle il était inscrit. Nous avions alors annoncé un probable retour dans le cadre du PLFSS 2017.

Le député Dominique TIAN a déposé un amendement au PLFSS 2017 pour supprimer la date du 31 décembre 2016 dans l’article 34 de la LFSS 2016 et ainsi prolonger la possibilité de mettre en œuvre un « versement santé » par voie de DUE. Cet amendement prévoit également la possibilité de mise en place du chèque santé dans l’entreprise par référendum en marge de la DUE. La Commission des Affaires Sociales a validé le 1er volet de l’amendement le rapporteur ayant jugé trop complexe le second. Il a été adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale ce jeudi 27 octobre.

 

Un champ d’application malheureusement encore indéterminé

Malgré tout l’intérêt que peut représenter cet amendement, nous observons à regret qu’il ne tranche pas l’épineuse question du champ d’application du chèque santé soulevée par la mauvaise articulation existante entre la loi et ses décrets d’application.

Le bénéfice du versement santé est-il un droit pour tous les salariés précaires, l’acte fondateur (DUE, accord de branche, …) ayant uniquement pour vocation d’en limiter l’accès aux CDD de moins de 3 mois et aux temps partiels de moins de 15 heures.

Les Conseils de Prud’homme trancheront probablement la question.

 

Le Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, a été adopté en 1ère lecture par l'Assemblée nationale, le 2 novembre 2016. Il fera ensuite la navette avec le Sénat. Son adoption définitive intervient généralement dans le milieu du mois de décembre.