Le 9 avril 2019, Miroir Social organisait un atelier en partenariat avec Exceptio Avocats et Actelior sur les conséquences du reste à charge 0 en optique, dentaire et audition. Un levier de négociation dans les entreprises autant qu’au niveau des branches, sur des registres différents.

C’est progressivement que se met en place la réforme du 100 % santé visant à réduire à 0 le reste à charge pour les assurés des complémentaires en optique, dentaire et audition sur des niveaux de prestations qui ne soient pas bas de gamme. Quel changement attendre dans l’équilibre des contrats ? Cela va mener à revoir toutes les garanties de base et les changements seront d’autant plus importants lorsque les niveaux de prise en charge en dentaire et audition étaient faibles, notamment au niveau des branches. Globalement, une baisse du coût est attendue pour l’optique mais une hausse est annoncée pour le dentaire. La hausse est aussi au programme de l’appareillage auditif qui ne représente aujourd’hui quasiment rien dans les remboursements des complémentaires tant le reste à charge de 60 % pèse sur les velléités de s’équiper. Cela va changer alors que 25 % des dépenses en audio-prothèses sont le fait de personnes de moins de 65 ans.


L’audio-prothèse se découvre dans les contrats collectifs

« Avec l’allongement de la vie au travail, la part des salariés concernés par un équipement va augmenter mais il n’y aura pas d’effet consumériste. Les audio-prothèses ne sont pas des produits d’appels comme peuvent l’être des lunettes », souligne Louis Gohdhino, président du Syndicat national des audioprothésistes (UNSAF), qui insiste sur le tabou que constituent les problèmes d’audition dans le monde professionnel alors que les expositions augmentent, notamment par le développement des espaces ouverts de travail. Ce représentant des praticiens considère que le plafonnement à 1 700 € du remboursement est d’un niveau compatible avec des produits de qualité. « De nouveaux équilibres vont pouvoir se négocier sur les prestations. Cela ne doit pas être un prétexte pour s’en tenir aux paniers de soins. Il y a une vraie marge de manoeuvre dans le cadre du contrat responsable pour réaffecter les économies générées sur certains postes de dépenses », explique Jean-Marc Bailly, avocat associé du cabinet Exceptio, qui souligne que les salariés qui étaient auparavant couverts à minima en dentaire vont bénéficier d’une hausse du pouvoir d’achat mais que le coût va être très conséquent pour les complémentaires ». Il y a encore beaucoup d’inconnues pour les conséquences directes et indirectes du 100 % santé sur les coûts des contrats des complémentaires. « Pour anticiper des sur-consommations, on pourrait voir les contrats être bordés par des prises en charge progressives à défaut de strict délai de carence. En audio-prothèses par exemple, il sera désormais possible de s’équiper pour tester. Il y a là le risque d’un effet d'aubaine », note David Echevin, directeur général du cabinet d’actuaires Actelior. Les seniors devenant les plus gros consommateurs en dentaire et en audio-prothèses, le paramètre de l’âge va peser plus qu’avant sur la consommation des garanties.

Appel d’air renforcé sur les sur-complémentaires


Chez Total, le contrat des actifs s’est d'ores et déjà calé sur le plafond de remboursement à 1 700 euros en audio-prothèses après trois jours de négociation pour remettre le contrat en cohérence sur le 100 % santé. A partir du premier janvier 2020 le forfait sur les montures pour adultes passera de 150 à 100 € et de 120 à 100 € pour les enfants avec une baisse attendue de 3% des coûts sur ce poste. « C’est une décision qui acte notre volonté de ne pas faire de l’optique un levier de consommation. Il a fallu argumenter pour que la sur-complémentaire ne comble pas cette baisse du remboursement », explique Bruno Henri, représentant du Sictame Unsa de Total. Une sur-complémentaire facultative mise en place
en janvier 2016 pour compenser le plafonnement des remboursements des dépassements d’honoraires. “ Avec le 100 % santé, la pression va être encore plus forte pour élargir les garanties proposées dans le cadre des sur-complémentaires, non responsables, dont les niveaux de consommation ne sont pas sans conséquence sur le socle responsable du contrat ”, précise Bruno Henry en soulignant au passage que « l’évolution récente de la fiscalité rend les cotisations de moins en moins efficaces en termes de prestations. »

Levier de prévention dans les branches


« Le 100 % santé constitue une excellente occasion pour donner tout son sens à la prévention au niveau des branches car cette réforme peut avoir une incidence directe sur le coût global des contrats. Cette prévention ne peut s’envisager dans de bonnes conditions qu’au sein des branches professionnelles (en mutualisant des fonds), ce qui suppose que les entreprises jouent le jeu de la solidarité en adhérant à un des assureurs recommandés par les partenaires sociaux », considère Diego Léon, secrétaire national de la fédération de la formation et de l’enseignement privé CFDT. Il faut le reconnaître, aujourd’hui, il n’est pas évident de faire le lien entre la prévention et les économies que celles-ci génèrent. La réforme à donc de quoi donner de la matière aux actions de prévention prévues dans les clauses de haut degré de solidarité (alimentées par 2 % des cotisations) des branches. Et Diego Léon de conclure : « cette réforme devrait permettre de lutter contre le renoncement aux soins, phénomène constaté notamment chez les personnes les plus précaires, à condition que les équipements référencés 100% santé soient effectivement de bonne qualité ».

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