Dans un arrêt 30 Octobre 2019, la Cour d’appel de ROUEN a jugé que l’installation de panneaux photovoltaïques sur le toit d’une maison, provoquant des éblouissement dans certaines pièces de l’immeuble voisin, constitue un trouble anormal de voisinage (CA ROUEN, 1re chambre civile, 30 octobre 2019, n° 17/05940).

La lecture de l’arrêt est très intéressante car la Cour relève que, malgré la rareté du trouble et son caractère très localisé (troubles seulement à certaines périodes de l’année et sur un créneau horaire réduit et pendant les seuls jours d’ensoleillement), ces éblouissements constituent un trouble anormal de voisinage.

Le propriétaire de l’immeuble à l’origine du trouble a été condamné à enlever les panneaux de son toit ainsi qu’à indemniser son voisin des différents préjudices subis (préjudice de jouissance….).

Le vendeur des panneaux a été condamné à le garantir et à le relever indemne de toute condamnation.

Cet arrêt reflète la multiplication des contentieux de voisinage et l’application d’un régime reportant facilement les condamnations sur les professionnels du bâtiment.

Il est jugé que nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage (Cass. civ. 3°, 4 février 1971, Bull. cass., n°78, 79 et 80 ; Cass. civ. 3°, 11 avril 2019, n°18-13.928).

Les troubles anormaux de voisinage peuvent être définis comme sont des désagréments divers causés par un voisin (bruits, odeurs, poussières, fumées, privation de vue, privation de lumière… et désormais éblouissement !) et qui excèdent les inconvénients ordinaires de voisinage.

La responsabilité pour les troubles anormaux de voisinage est une responsabilité sans faute, c’est-à-dire que le demandeur n’a qu’à démontrer l’existence d’un trouble anormal de voisinage pour obtenir la condamnation du propriétaire de l’immeuble à l’origine du dommage à lui réparer son préjudice (Cass. civ. 3°, 18 Juin 2013, n° 12-10.249).

Cette responsabilité a été étendue rapidement aux constructeurs dans l’hypothèse où ce sont les travaux de construction qui sont à l’origine du trouble anormal du voisinage (Cass. civ. 3°, 30 juin 1998, n°96-13.039).

Elle a même été étendue aux architectes, alors qu’ils ne mettent jamais un coup de pioche sur les chantiers (Cass. civ. 3°, 28 avril 2011, n°10-14.516) !

Le lecteur ne devra pas s’y tromper, l’extension de cette responsabilité aux constructeurs est motivé par la volonté d’offrir un recours aux propriétaires de l’immeuble à l’origine du trouble anormal de voisinage.

A titre d’illustration, la Cour de cassation a facilité le recours du propriétaire poursuivi contre son constructeur puisque le maître d’ouvrage (celui qui fait construire), qui indemnise le voisin subissant le trouble, peut obtenir la condamnation de son constructeur sans avoir à démontrer une faute de ce dernier (Cass. civ. 3°, 21 juillet 1998, n°96-22.735).

Or, les constructeurs sont en principe garantis au titre des dommages causés aux tiers dans le cadre de leur police d’assurance si bien que ce sont les plus souvent les assureurs qui règlent la note d’une responsabilité extensive, créée dans un souci de juguler les conflits de voisinage en offrant une issue civile et pécuniaire à des tensions pouvant déboucher sur des drames.

Un tel régime met à l’abri le particulier commandant des travaux puisqu’il pourra se retourner contre les différents professionnels intervenant sur le chantier en cas litige avec ses voisins.

L’arrêt de la Cour d’appel de ROUEN commenté est intéressant puisque, dans ce litige, le propriétaire condamné s’était contenté d’acquérir les panneaux pour les poser ensuite.

La responsabilité du vendeur est retenue au motif qu’il a manqué à son obligation d’information et de conseil en n’indiquant pas à l’acquéreur les inconvénients prévisibles découlant l’installation des panneaux à l’égard de ses voisins :

« Toutefois, ainsi que le soutient M. V., il appartenait à la société XXX, en sa qualité de professionnelle, de s'assurer que l'implantation des panneaux pourrait être mise en oeuvre compte tenu du voisinage environnant tout en assurant à son client une jouissance paisible des produits installés.

Seule la société XXX, en connaissance de son produit, de l'incidence des conditions d'exploitation de celui-ci sur le toit de M. V., était en mesure de prévoir les conséquences que cette installation aurait sur les conditions d'habitation des voisins au regard de la technique utilisée au moyen de panneaux vitrés.

Or, la société venderesse ne justifie pas avoir attiré l'attention de M. V. sur les inconvénients prévisibles de l'installation de ces panneaux.

Ce manquement contractuel, sans lequel M. V. aurait été à même de renoncer à son acquisition en toute connaissance de cause, est en lien direct avec la condamnation de ce dernier à faire procéder à la dépose de ces panneaux.

La société XXX sera en conséquence condamnée à le garantir des condamnations prononcées à son encontre, à supporter le coût de la dépose des panneaux solaires et à lui rembourser la somme de 21'158,49 euros. »

Cet arrêt conduit à une extension importante des obligations du vendeur à l’égard de l’acquéreur.

Il lui appartient non plus seulement de vérifier l’adéquation du bien acheté au regard des besoins de l’acquéreur mais aussi de vérifier son impact et les risques de son utilisation à l’égard des tiers !

Concrètement, cela conduit les vendeurs de pompe à chaleur ou d’installations photovoltaïques à réaliser une véritable enquête de voisinage en étudiant l’impact futur de l’installation au regard du niveau de tolérance estimé des voisins….

Au regard du droit actuel, il est conseillé aux professionnels de redoubler de vigilance dans la réalisation des projets en informant le maître d’ouvrage du risque de recours par les tiers en cas de doute.

Pour les particuliers assignés par des voisins pour trouble anormal de voisinage au titre de travaux réalisés, il leur est conseillé de rechercher la responsabilité de son constructeur et de son assureur.

 

Maître Jérémy MAINGUY

Avocat au Barreau de l'AVEYRON (Rodez)

Spécialiste en droit immobilier

Autres domaines d'intervention : droit civil général, droit pénal, droit de la famille et la réparation des dommages corporels.