Dans un précédent article, j'avais traité des conséquences de l'arrêt du 17 septembre 2020 de la Cour de Cassation par lequel la Juridiction suprême exige de l'appelant qu'il sollicite dans le dispositif de ses conclusions l'infirmation ou la réformation totale ou partielle du jugement à peine de confirmation du jugement de première instance par la Cour d'appel.

L'arrêt avait pris soin de préciser que cette solution ne s'appliquera qu'aux instances introduites après le 17 septembre 2020.

  • Cour de cassation, 2e chambre civile, 17 septembre 2020 - n°18.23.626
  • https://consultation.avocat.fr/blog/jeremy-mainguy/article-37859-caducite-de-l-appel-ou-confirmation-du-jugement-en-cas-d-omission-par-l-appelant-d-une-demande-d-infirmation-ou-de-reformation-du-jugement-dans-ses-conclusions.html

Cet arrêt apportait une difficulté supplémentaire aux praticiens de la procédure d'appel.

Rappelons que le décret n°2017-891 du 6 mai 2017 a créé l’article 910-4 du Code de procédure civile, lequel énonce :

« A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. »

Ainsi, par cet article, l'appelant ne peut compléter son dispositif par d’éventuelles conclusions rectificatives afin d'éviter la sanction posée en cas d'erreur de sa part.

La lecture de l'arrêt de la Cour de cassation du 4 février 2021 tend à démontrer que les magistrats du Quai de l'Horloge ont décidé de rajouter une difficulté supplémentaire aux praticiens, appelant à une vigilance toujours plus importante dans la rédaction des conclusions en cause d'appel.

En effet, la Cour énonce que l'appelant doit solliciter non seulement l'infirmation ou la réformation du jugement mais aussi demander à la Cour de statuer de nouveau par la formulation d'une prétention.

A défaut, la Cour devra confirmer le jugement :

"5. Il résulte de la combinaison des articles 562 et 954, alinéa 3, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n 2017-891 du 6 mai 2017, que la partie qui entend voir infirmer le chef d'un jugement l'ayant déboutée d'une contestation de la validité d'un acte de procédure, et accueillir cette contestation doit formuler une prétention en ce sens dans le dispositif de ses conclusions d'appel.

6. Il ressort des énonciations de l'arrêt, se référant aux dernières conclusions d'appel déposées pour M. et Mme K., que, dans le dispositif de leurs conclusions d'appel, ces derniers se bornaient à solliciter l'infirmation du jugement frappé d'appel, sans réitérer la contestation de la validité de la signification du jugement du tribunal de commerce rejetée par ce jugement.

7. Il en résulte que la cour d'appel ne pouvait que confirmer le jugement de ce chef."

  • Cour de cassation, 2e chambre civile, 4 Février 2021 – n° 19-23.615

Cette décision a rapidement été reprise par les Juges du fond.

En effet, la Cour d'appel de VERSAILLES dans un arrêt du 16 mars 2021 a fait usage de ce principe en confirmant un jugement de première instance au motif que l'appelant avait formulé les prétentions suivantes dans le dispositif de ses conclusions :

"Par d'uniques conclusions notifiées le 4 mars 2020, Mme Isabelle B. demande à la cour, au fondement des articles 778 et 852 du code civil, de :

- Dire et juger qu'elle a bénéficié de présents d'usage.

- Infirmer le jugement rendu le 4 novembre 2019 en toutes ses dispositions.

- Condamner Mme Martine L. à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner Mme Martine L. en tous les dépens."

  • Cour d'appel, Versailles, 1re chambre, 1re section, 16 Mars 2021 – n° 19/08512

Sa lecture est de nature à provoquer des sueurs chez le praticien puisque l'appel avait été interjeté le 9 décembre 2019 et l'appelant avait conclu le 4 mars 2020.

C'est au cours du délibéré que la Cour a relevé d'office ce moyen tiré de la publication de l'arrêt du 4 février 2021.

Cette Jurisprudence s'applique donc pour les instances introduites avant l'arrêt du 4 février 2021.

Ces différentes décisions permettent de définir qu'un dispositif de conclusions d'appel établi par l'appelant doit être rédigé comme suit en principe :

"- Infirmer la décision déférée en ce qu'elle a :

(liste des chefs de jugement critiqués)

Statuant à nouveau :

- (rappel des prétentions de première instance)

Confirmer le jugement déféré pour le surplus.

Condamner (l'intimé) à payer à (l'appelant) la somme de 1.000.000 euros (note : petite blague du mois d'avril) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel."

Cet article n'engage que son auteur.

Maître Jérémy MAINGUY

Avocat au Barreau de l'AVEYRON

Spécialiste en droit immobilier

Contact : jmainguy.avocat@gmail.com - 07 49 40 40 07