Définition

La garantie contre les vices cachés est l'une des obligations mise à la charge de tout vendeur.

L’article 1603 du Code civil prévoit que le vendeur est soumis à “deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend”.

L’article 1641 du Code civil énonce :

« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. »

L’acquéreur doit agir dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice en application de l’article 1648 du Code civil sauf hypothèses particulières (vente d’animaux domestiques) :

« L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. »

 

Problème

Depuis 2016, il existe un débat sur la nature de ce délai, est-ce un délai de forclusion ou de prescription ?

La question n’est pas anodine pour les avocats, notamment en matière de litige portant sur des ventes immobilières ou de véhicule.

Tant un délai de forclusion qu’un délai de prescription sont tous les deux des délais pour agir en justice pouvant être interrompu par une action en justice mais seul le délai de prescription peut être suspendu.

L’article 2231 du Code civil énonce que l’action en justice fait courir un nouveau délai pour agir de même durée que l’ancien.

Les délais de recours en justice commencent à recourir à compter de la décision rendue par la Juridiction saisie en application de l’article de 2242 du Code civil.

De son côté, la suspension du délai de prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru. 

Ainsi, le délai de prescription ne court pas ou est suspendu pour différentes causes, notamment si le Juge des référés fait droit à une demande de mesure d’expertise présentée avant tout procès en application de l’article 2239 du Code civil.

Ce même texte précise que le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.

Ainsi, lorsque l’Avocat veut faire établir l’existence des désordres affectant un immeuble ou un véhicule vendu ainsi que leur gravité et leur cause, il saisit le Juge des référés, Juge de l'évidence, afin de demander une expertise judiciaire.

Cette demande interrompt le délai pour agir du client jusqu’au jour de la décision du Juge.

Si le Juge fait droit à la demande et que le délai pour agir est un délai de prescription, le délai pour agir a été interrompu par l’action en justice et a été suspendu jusqu’au dépôt du rapport d’expertise judiciaire, ce qui permet de mener les opérations d’expertise avec tranquillité et sérénité car les opérations d’expertise sont souvent longues, notamment en matière de vices affectant un immeuble.

Si le Juge fait droit à la demande et que le délai pour agir est un délai de forclusion, la suspension de la prescription prévue par l'article 2239 du code civil n'est pas applicable aux délais de forclusion si bien que le délai pour agir recommence à courir à compter de la date de la décision ordonnant l’expertise judiciaire.

  • Cass. civ. 3°, 3 juin 2015, pourvoi n° 14-15.796, Bull. 2015, III, n° 55

L’Avocat doit être vigilant si le délai pour agir est bref car, en matière immobilière, certaines expertises durent trois à quatre ans.

Initialement, le délai de recours en garantie des vices cachés était considérée comme un délai de prescription.

Cependant, dans un arrêt inédit du 10 novembre 2016, la Troisième Chambre de la Cour de cassation énonçait qu'il s'agissait d'un délai de forclusion.

  • Cass. civ. 3°, 10 novembre 2016, RG n°15-24.289 :

« Qu'en statuant ainsi, alors que la suspension de la prescription n'est pas applicable au délai de forclusion de la garantie des vices cachés, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; »

Plusieurs Cours d’appel adoptent cette même position, ce qui a engendré un conflit entre plusieurs Cours et des inquiétudes auprès des avocats.

  • CA RENNES, 4° ch., 26 octobre 2017, RG n°14/03685 

Cependant, dans un nouvel arrêt inédit du 20 octobre 2021, la Première Chambre de la Cour de cassation qualifiait le délai de deux ans de la garantie des vices cachés de délai de prescription.

  • Cour de cassation, 1re chambre civile, 20 Octobre 2021 – n° 20-15.070 :

« 4. La cour d’appel a énoncé à bon droit que le délai de deux ans prévu par l'article 1648 du code civil constituait un délai de prescription qui était interrompu par une assignation en référé, conformément à l'article 2241 du code civil, et suspendu lorsque le juge faisait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès, en application de l'article 2239 du même code. »

Les Avocats étaient rassurés.

Or, dans un arrêt publié au Bulletin, la Troisième Chambre civile de la Cour de cassation maintient que le délai de recours en matière de garantie des vices cachés est un délai de forclusion.

  • Cour de cassation, 3e chambre civile, 5 Janvier 2022 – n° 20-22.670, publié au Bulletin :

« 12. Il résulte de l'article 2220 du code civil que les dispositions régissant la prescription extinctive ne sont pas applicables aux délais de forclusion, sauf dispositions contraires prévues par la loi.

13. La suspension de la prescription prévue par l'article 2239 du code civil n'est donc pas applicable aux délais de forclusion (3e Civ., 3 juin 2015, pourvoi n° 14-15.796, Bull. 2015, III, n° 55).

14. La cour d'appel a énoncé, à bon droit, que le délai de deux ans dans lequel doit être intentée l'action résultant de vices rédhibitoires, prévu par l'article 1648 du code civil, est un délai de forclusion qui n'est pas susceptible de suspension, mais qui, en application de l'article 2242 du même code, peut être interrompu par une demande en justice jusqu'à l'extinction de l'instance.

15. Ayant retenu que ce délai de forclusion, qui avait commencé à courir le 11 décembre 2012, avait été interrompu par l'assignation en référé du 28 mai 2013 jusqu'à l'ordonnance du 24 juillet 2013, elle en a exactement déduit qu'à défaut de nouvel acte interruptif de forclusion dans le nouveau délai qui expirait le 24 juillet 2015, Mme [R] était forclose en son action fondée sur la garantie des vices cachés. »

Perspectives

Il est intéressant de noter que la décision du 5 janvier 2022 a été rendue par la Troisième Chambre civile de la Cour de cassation, laquelle tranche les litiges immobiliers (construction, vente immobilière...).

La Première Chambre civile tranche de son côté les litiges en matière mobilière  comme les ventes de véhicule.

Il est urgent que la Cour de Cassation harmonise sa position entre ses différentes Chambres car, un délai ne peut être, de prescription en matière de garantie des vices cachés pour un véhicule automobile, et de forclusion en matière de garantie des vices cachés pour un immeuble…

Cet article n'engage que son auteur.

Maître Jérémy MAINGUY

Avocat au Barreau de l'AVEYRON

Spécialiste en droit immobilier

Contact : jmainguy.avocat@gmail.com - 07 49 40 40 07