En matière d'indemnisation du préjudice quel qu'il soit, il appartient à celui qui se dit "victime", de prouver une faute, un lien de causalité et surtout un préjudice.

Pourtant, en droit du travail et depuis près de 25 ans, la Cour de Cassation avait developpé une solution consistant à considérer que le non-respect par l'employeur d'une de ses obligations causait "nécéssairement" un préjudice pour le salarié.

Cette Jurisprudence avait pour conséquence d'exonérer le salarié de prouver la réalité de son préjudice.

La Cour de Cassation sanctionnait ainsi régulièrement les Juges du fond qui avaient débouté un salarié faute de démonstration de l'existence d'un préjudice alors même que ces derniers ne faisaient qu'appliquer la théorie générale du droit. (voir pour un exemple Cass Sociale 17 septembre 2014 n°13-18.850 et Cass Sociale 29 septembre 2014 n° 13-13.661)

La décision de la Cour de Cassation du 13 avril 2016 n°14-28.293 semble sonner le glas de cette jurisprudence et apparait comme un revirement important.

La Cour de Cassation a en effet jugé que : "Mais attendu que l'existence d'un préjudice et l'évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond ; que le conseil de prud'hommes, qui a constaté que le salarié n'apportait aucun élément pour justifier le préjudice allégué, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;"  

La Cour de Cassation réaffirme clairement le principe selon lequel il appartient à "la victime" (en l'espèce le salarié) de prouver tant le principe que le quantum de son préjudice s'il veut obtenir réparation.

Est-ce que cela constitue la fin de la jurisprudence antérieure ?

L'avenir le dira, mais il semble bien que oui.

D'une part, cet arrêt trouvera sa place dans le Rapport annuel de la Cour de Cassation et l'on  sait que seuls les arrêts d'importance y trouvent place.

D'autre part et surtout, la Cour de Cassation a (volontairement ?) utilisé une terminologie générale, applicable à l'ensemble des cas ouvrant droit auparavant à une indemnisation automatique.

Ce retour à la nécéssité de prouver le préjudice évitera sûrement quelques dérives dans les prêtoirs.

Il est aussi source d'une plus grande équité, car il a pu être constaté que l'indemnisation automatique sans preuve de l'ampleur du préjudice menait à des décisions très disparates et à des indemnisations qui confinaient parfois à l'arbitraire.

Salariés, si vous demandez l'indemnisation de votre préjudice, attachez-vous à le démontrer.

Employeurs, si l'on vous demande des dommages et intérêts, pensez à rappeler la jurisprudence de la Cour de Cassation du 13 avril 2016.

                                                                                                                 Maître Jérôme DEBEAUCE