L’article L.761-1 du Code de justice administrative prévoit que :

« Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. »

Lorsque dans le cadre d’une instance contentieuse, le juge administratif est saisi d’une demande sur le fondement de l’article L.761-1 du Code de justice administrative, il peut mettre à la charge de la partie perdante une somme d’argent qui vise à couvrir une partie des frais engagés au titre de sa requête ou de sa défense par la partie « gagnante » dans le cadre de cette procédure, le plus souvent il s’agira des honoraires d’avocat. 

Si ce mécanisme est largement connu des justiciables, le présent article se propose néanmoins de procéder à un rappel des conditions dans lesquelles les frais de justice auxquels la partie perdante a été condamnée par le juge administratif doivent être réglés (I), et peuvent aussi être réclamés dans le cadre d’une procédure d’exécution introduite sur le fondement de l’article L. 911-4 du Code de justice administrative (II).

 

1. La condamnation au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative doit être payée avec les intérêts de retard :

 

L’article 1231-7 du Code civil pose le principe selon lequel : 

« En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement. (…) »

Par ailleurs, l’article L.313-3 du Code monétaire et financier dispose que : 

« En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision. (…) »

Il résulte de la combinaison de ces dispositions, également applicables aux décisions rendues par les juridictions administratives, que même en l’absence de demande en ce sens et même lorsque le juge ne l’a pas explicitement prévu, tout jugement (ou tout arrêt) prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts de retard, à compter du jour de son prononcé jusqu’à son exécution, au taux légal puis au taux majoré, s’il n'est pas exécuté dans les deux mois de sa notification[1].

Il n’en va différemment que lorsque le juge décide, dans sa décision, de différer le point de départ des intérêts.

S’agissant de la condamnation de la partie perdante au paiement des frais de justice sur le fondement de l’article L.761-1 du Code de justice administrative, il est considéré qu’elle constitue également une indemnité, au sens des dispositions précitées, qui fait courir les intérêts de retard dans les mêmes conditions[2].

Compte tenu de sa nature, la somme allouée au titre de l’article L.761-1 ne saurait toutefois produire d’intérêts de retard à une date antérieure à la décision juridictionnelle qui l’accorde[3].

Il convient donc de vérifier, lors du paiement de la somme mise à la charge de la partie perdante par le juge administratif sur le fondement de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative, qu’elle est bien assortie des intérêts de retard calculés à compter de la date du prononcé de la décision s’agissant des intérêts au taux simple, et de l’expiration du délai de deux mois suivant sa notification s’agissant des intérêts au taux majoré. 

A défaut de paiement des frais de justice et des intérêts dus, il pourra alors être utilement recouru, selon les cas, à la procédure de paiement forcé prévue à l’article L.911-9 du Code de justice administrative, ou bien directement à la procédure d’exécution prévue à l’article L.911-4 du même Code.

 

2. La condamnation au paiement d’une somme sur le fondement de l’article L.761-1 peut être sollicitée dans le cadre d’une procédure d’exécution introduite sur le fondement de l’article L. 911-4 du Code de justice administrative :

 

En vertu de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative, la possibilité de solliciter du juge la condamnation de la partie perdante au paiement des frais de justice est applicable « dans toutes les instances ».

A ce titre, il est également possible de solliciter une telle condamnation dans le cadre, notamment, d’une procédure visant à obtenir l’exécution d’une décision rendue par le juge administratif sur le fondement de l’article L. 911-4 du Code de justice administrative.

Cet article prévoit que :

« En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution.

Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. »

Ces dispositions permettent ainsi à la partie intéressée, dans le respect des conditions de délai prévues à l’article R.921-1-1 du Code de justice administrative, de demander directement à la juridiction qui a rendu la décision[4], d’en assurer l’exécution et, le cas échéant, d’en définir les mesures d’exécution, fixer un délai d’exécution et prononcer une astreinte.

Cette procédure peut donc être introduite pour obtenir le paiement forcé de frais de justice auxquels la partie perdante a été condamnée, mais pas uniquement, puisque l’exécution d’une décision ne se limite pas, le plus souvent, au seul paiement de l’article L. 761-1. 

Concrètement, une fois saisi d’une demande d’exécution sur le fondement de l’article L.911-4 précité, le Président de la Cour ou du Tribunal peut, après une phase administrative au cours de laquelle le débiteur est invité à présenter ses observations, soit procéder au classement administratif de la demande d’exécution, soit ouvrir, par ordonnance, une procédure juridictionnelle.

La procédure juridictionnelle est ouverte, conformément aux dispositions de l’article R.921-6 du Code de justice administrative, dans les cas suivants : 

  • si le Président estime nécessaire de prescrire des mesures d’exécution par voie juridictionnelle, et notamment de prononcer une astreinte ;
  • si le demandeur le sollicite dans le mois qui suit la notification de la décision du Président de la juridiction saisie de procéder au classement administratif de la demande d’exécution ;
  • à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la saisine de la juridiction, sauf si le Président de la juridiction estime que les diligences accomplies sont susceptibles de permettre, à court terme, l’exécution de la décision auquel cas il informera le demandeur que la procédure juridictionnelle ne sera ouverte, le cas échéant, qu’à l’expiration d’un délai supplémentaire de quatre mois.

Une fois la procédure juridictionnelle ouverte, il est prévu par l’article R.921-6 du Code de justice administrative, que l’affaire est « jugée et instruite d’urgence ».

L’affaire est alors classiquement inscrite à une audience au cours de laquelle les parties disposeront de la possibilité de présenter des observations orales.

La juridiction peut néanmoins décider de ne pas audiencier l’affaire et de prononcer, par exemple, un non-lieu à statuer, par une ordonnance prise sur le fondement de l’article R.222-1 du Code de justice administrative, dans le cas où la requête serait devenue sans objet, postérieurement à son introduction, du fait de l’exécution intervenue en cours d’instance.  

Dans l’une ou l’autre de ces hypothèses, la juridiction peut mettre à la charge de la partie perdante une somme à régler à l’autre partie au titre des frais exposés pour les besoins de l’instance introduite aux fins d’exécution, sur le fondement de l’article L.761-1 du Code de justice administrative.

Ainsi, s’agissant d’une demande d’exécution d’une décision ayant condamné une partie au paiement des frais de justice sur le fondement de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative, le juge de l’exécution pourra contraindre cette dernière au paiement de cette somme et/ ou des intérêts de retard, et la condamner, une nouvelle fois, au paiement d’une somme identique sur le même fondement[5].

Enfin, comme dans toutes les instances, le juge de l’exécution dispose également de la faculté, s’il estime la requête en exécution abusive, d’infliger au demandeur une amende sur le fondement de l’article R. 741-12 du Code de justice administrative[6].


[1] Par exemple, Cour administrative d’appel de Paris, 31 janvier 2023, 22PA00369

[2] Par exemple, Cour administrative d’appel de Versailles, 11 juillet 2024, 22VE02354 ; Conseil d’État, 30 mars 1994, n° 142026

[3] Conseil d’État, 26 octobre 1994, n° 128413

[4] Sauf en cas d’appel auquel cas la demande doit alors être formulée, en application notamment de l’article R.921-2 du Code de justice administrative, auprès de la juridiction supérieure saisie du litige, y compris en cas de rejet de l’appel - Cour administrative d’appel, 15 mars 2024, 21PA02655

[5] Voir par exemple, Cour administrative d’appel de Lyon, 14 octobre 2021, n° 21LY00890

[6] Conseil d’État, 16 juin 2000, 209899 ; Cour administrative d’appel de Paris, 15 septembre 2023, 22PA00713