Par une décision n° 494592 en date du 6 mai 2025, le Conseil d’Etat a précisé les règles applicables à la procédure d’avancement de grade par inscription au tableau d’avancement.
Dans cette affaire, il a annulé la délibération du Conseil supérieur des chambres régionales des comptes arrêtant le tableau d’avancement au grade de conseiller président pour l’année 2024 au motif de l’intervention irrégulière d’une commission d’audition créée ad hoc.
En effet, après avoir précisé : « qu'il appartient au Conseil supérieur des chambres régionales des comptes, seul compétent pour établir le tableau d'avancement au grade de conseiller président de chambre régionale des comptes, de procéder à un examen approfondi de la valeur professionnelle des candidats, dans les conditions fixées par l'article R. 224-7 du code des juridictions financières. Si aucune disposition ni aucun principe ne fait obstacle à ce qu'il confie dans ce cadre, de sa propre initiative et sous son contrôle, à un comité restreint, le soin de l'assister pour examiner les candidatures à l'inscription au tableau d'avancement qui lui sont soumises, notamment en auditionnant les candidats, l'appréciation d'un tel comité ne saurait lier le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes, auquel il incombe ensuite d'examiner chacune des candidatures pour établir le tableau d'avancement. »
Le Conseil d’Etat juge qu’en l’espèce, cette commission d’audition : « qui n'a pas été créée à l'initiative du Conseil supérieur des chambres régionales des comptes, et qui n'est pas placée sous son contrôle, a eu pour effet de porter atteinte aux prérogatives que ce dernier tient des articles L. 220-12 et R. 224-7 du code des juridictions financières pour établir le tableau d'avancement au grade de conseiller président de chambre régionale des comptes. »
Cette décision vient confirmer l’absence de caractère immuable des tableaux d’avancement ; elle constitue l’occasion de rappeler les règles régissant le contentieux du tableau d’avancement dans la fonction publique.
1. La possibilité de contester le tableau d’avancement devant le juge administratif :
Tout fonctionnaire intéressé peut contester, dans le cadre d’un recours formé dans le délai de recours contentieux - soit en principe deux mois à compter de la publication ou de la notification de l’acte attaqué - la légalité d’un tableau d’avancement et / ou de celle des promotions décidées sur le fondement de ce tableau (par exemple, Conseil d’Etat, 21/09/2023, n° 464800).
Une telle action est également par principe ouverte aux syndicats et associations de fonctionnaires.
S’agissant du cas particulier des militaires, l’action contentieuse est subordonnée, à peine d’irrecevabilité, à la saisine préalable de la Commission des recours des militaires, en application et sur le fondement de l’article R. 4125-1 du Code de la défense (pour un exemple d’irrecevabilité manifeste à défaut de saisine préalable de ladite Commission, voir notamment, concernant le cas d’un gendarme, Tribunal administratif d’Amiens, 19/12/2023, n° 2103976).
La recevabilité des conclusions dirigées à l’encontre d’un tableau d’avancement diffère selon que le nombre d’inscrits se trouve limité ou non par les textes applicables.
Lorsque le nombre des agents susceptibles d’être inscrits au tableau d’avancement n’est pas limité, le requérant peut demander l’annulation du tableau en tant seulement que son nom n’y figure pas. A l’inverse, lorsque le nombre de promouvables comporte un maximum, le tableau d’avancement est considéré comme indivisible, de sorte que seules sont recevables des conclusions tendant à l’annulation du tableau dans son intégralité.
En effet, dans ce cas, des conclusions tendant à l’annulation partielle du tableau sont déclarées irrecevables (Conseil d’Etat, 27/04/2011, n° 326936).
Il convient donc de vérifier ce point et de diriger correctement ses conclusions lors de l’introduction de la requête contentieuse.
2. Le contrôle du juge administratif sur la légalité du tableau d’avancement :
Lorsqu’il est saisi de conclusions tendant à l’annulation d’un tableau d’avancement, le juge administratif peut être amené, en fonction des termes de la requête, à examiner le bien-fondé de moyens relevant aussi bien de la légalité externe (incompétence de l’auteur de l’acte, vice de forme et de procédure) que de la légalité interne (erreur de fait, erreur de droit, erreur manifeste d’appréciation, détournement de pouvoir).
Afin de lui permettre d’exercer son contrôle, il appartient à l’Administration de donner au juge les motifs de la décision portant refus d’inscription au tableau d’avancement d’un agent, quand bien même une telle décision n’est pas au nombre des décisions individuelles refusant aux intéressés un avantage auquel ils ont droit et qui doivent être motivées (Conseil d’Etat, 12/02/2003, n° 218983).
S’agissant de l’évaluation de la valeur professionnelle et de la comparaison des mérites respectifs des différents candidats à l’avancement, le contrôle du juge administratif est à ce jour restreint, puisqu’il ne censure que les erreurs manifestes d’appréciation commises par l’Administration (par exemple, Conseil d’Etat, 27/09/2006, n° 278776).
L’erreur manifeste d’appréciation sera notamment retenue si l’Administration se borne, en défense, à présenter un exposé de caractère général sur les divers éléments pris en compte lors de l’établissement des tableaux d’avancement (Conseil d’Etat, 12/02/2003, n° 218983, précitée).
Enfin, le juge administratif est susceptible de censurer un tableau d’avancement au titre de l’erreur de droit lorsque, par exemple, l’Administration aura ajouté d’autres critères que ceux prévus par les textes applicables pour distinguer les agents promouvables et arrêter le tableau litigieux :
« Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les tableaux d'avancement attaqués ont été arrêtés par le conseil supérieur des chambres régionales des comptes dans la séance du 12 décembre 1990 ; qu'il ressort du procès-verbal de cette séance que ledit conseil a établi les tableaux d'avancement attaqués en distinguant les anciens élèves de l'Ecole nationale d'administration et les autres conseillers ; qu'ainsi, en prenant en compte un critère autre que celui tiré du mérite et de la valeur professionnelle des magistrats concernés, le conseil supérieur des chambres régionales des comptes a entaché sa délibération d'une erreur de droit ; que, dès lors, il y a lieu d'annuler les tableaux d'avancement aux grades de conseiller de première classe et de conseiller hors classe du corps des chambres régionales des comptes établis pour l'année 1991 ; que les décrets portant nominations aux mêmes grades pour l'année 1991 doivent être annulés par voie de conséquence ; » (Conseil d’Etat, 25/10/1996, n° 123852)
Quoique l’Administration dispose d’une marge de manœuvre importante pour apprécier la valeur professionnelle des candidats et procéder à leur comparaison en vue d’arrêter le tableau d’avancement, la procédure n’en demeure pas moins soumise à des règles, qui visent à en assurer la régularité.
Compte tenu des enjeux que soulève souvent, pour l’agent concerné, le refus par son Administration de l’inscrire au tableau d’avancement au grade supérieur, il peut s’avérer judicieux et utile d’introduire une action, afin de vérifier que la procédure a bien été respectée et que les agents promus sont bien les plus méritants.
En cas d’annulation du tableau d’avancement, et selon les motifs retenus, le juge administratif pourra notamment enjoindre à l’Administration de reprendre la procédure et de procéder au réexamen soit uniquement de l’agent concerné, soit de l’ensemble des candidats, et sous réserve que les nominations prononcées sur la base du tableau annulé ne soient pas devenues définitives.
Le Cabinet de Me Julien DI STEPHANO conseille et accompagne les fonctionnaires et les militaires, quelle que soit leur administration et leur corps d’appartenance, dans leurs démarches visant à contester, devant le juge administratif, la régularité des tableaux d’avancement.
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