1. Qu’est-ce que l’indemnité temporaire de retraite ?
L’indemnité temporaire de retraite (ITR) est un dispositif qui vise, pour certains fonctionnaires et militaires retraités résidant en outre-mer, à compenser un coût plus élevé de la vie par rapport à la métropole.
Ces fonctionnaires bénéficient ainsi d’une majoration du montant en principal de leur pension par application d’un taux, qui varie selon le territoire de résidence, et dans la limite de montants plafonds fixés par les textes applicables.
Il importe toutefois de préciser que l’ITR, comme son nom l’indique, est temporaire : elle a vocation à disparaitre progressivement, et ne sera plus attribuée à de nouveaux bénéficiaires à compter du 1er janvier 2028.
2. Quelles sont les conditions pour en bénéficier ?
Les conditions de bénéfice de l’indemnité sont prévues au II de l’article 137 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008, et impliquent de justifier :
- D’un lieu de résidence effective au sein d’un territoire d’outre-mer (La Réunion, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, la Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna et la Polynésie française) ;
- D’un nombre d’années de services effectifs dans l’une des collectivités ouvrant droit à l’indemnité ou d’une éligibilité pour l’octroi des congés bonifiés au regard de la collectivité dans laquelle l’intéressé justifie de sa résidence effective (centre des intérêts moraux et matériaux sur l’un des territoires d’outre-mer) ;
- D’une durée d’assurance suffisante ou bien d’une pension dont le montant n’a pas fait l’objet de l’application d’un coefficient de minoration.
En outre, pour prétendre au bénéfice de ladite indemnité, il importe impérativement que la demande soit présentée dans le délai de cinq ans suivant la radiation des cadres :
« 3. En l'espèce, il résulte de l'instruction que M. A a été radié des cadres le 26 février 2018 et a présenté sa demande le 24 mai 2023, soit plus de cinq ans après sa radiation des cadres. Par suite, nonobstant la circonstance qu'il remplissait les conditions d'effectivité de résidence en outre-mer dès lors qu'il réside à Nouméa et qu'il y a le centre de ses intérêts matériels et moraux, il ne pouvait prétendre au bénéfice de l'indemnité temporaire de retraite sur le fondement des dispositions du II de l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, dès lors qu'il a présenté cette demande plus de cinq ans après sa radiation des cadres. Par suite, M A n'est pas fondé à soutenir qu'il avait droit au versement de l'indemnité temporaire de retraite. » (Tribunal administratif de Rennes, 06/06/2025, n° 2302811).
3. Dans quels cas le versement de l’indemnité temporaire de retraite peut-il être suspendu ou interrompu ?
L’article 9 du décret n° 2009-114 du 30 janvier 2009 prévoit le maintien du versement de l’ITR pour le bénéficiaire qui s’absente de son territoire d’outre-mer pour une durée totale inférieure à trois mois au cours d’une même année civile.
En revanche, lorsque la durée cumulée d’absence du territoire d’outre-mer est supérieure à trois mois, les absences entrainent la suspension de l’ITR, et le paiement reprendra à compter du premier jour du quatrième mois suivant le mois de retour du bénéficiaire de l’ITR.
Lorsque le bénéficiaire de l’ITR quitte définitivement le territoire d’outre-mer, l’indemnité n’est plus versée à compter de la date de départ du territoire.
4. Existe-t-il des dérogations pour éviter la suspension de l’ITR en cas d’absence supérieure à trois mois ?
L’article 9 du décret précité prévoit qu’à titre exceptionnel, et sous réserve d’en justifier, les absences pour raisons médicales donnant lieu à évacuation sanitaire ne sont pas décomptées des absences du territoire.
Autrement dit, pour ce type d’absence, le bénéficiaire sera considéré comme toujours présent sur son territoire pour le versement de l’ITR.
Le juge administratif a par ailleurs admis que le bénéficiaire de l’ITR peut également se prévaloir de l’existence d’un cas de force majeure pour éviter la suspension de l’indemnité en cas de dépassement de la durée d’absence autorisée (Conseil d’Etat, 28/08/2022, n° 452627).
Il existe donc plusieurs possibilités permettant au bénéficiaire de l’ITR de solliciter une dérogation d’absence exceptionnelle, afin d’éviter la suspension du versement de l’indemnité.
5. Est-il possible de contester devant le juge administratif le refus de faire droit à la demande de dérogation d’absence ?
Sous réserve de satisfaire aux règles de recevabilité applicables, il est possible d’introduire un recours contentieux à l’encontre de la décision portant rejet de la demande de dérogation et suspension du versement de l’indemnité.
S’agissant du cas de force majeure, l’action ne pourra aboutir favorablement qu’à la condition de rapporter la preuve du caractère extérieur, irrésistible et imprévisible de la situation, c’est-à-dire de démontrer que le bénéficiaire de l’ITR était dans l’impossibilité d’agir autrement qu’en s’absentant de son territoire d’outre-mer.
Bien que délicate à caractériser, la force majeure a néanmoins pu être retenue concernant, par exemple, le cas d’un pensionné ayant dû effectuer un déplacement de Tahiti en métropole pour assister aux obsèques de son père décédé quelques jours plus tôt :
« 5. Il est constant qu'au cours de l'année 2019, Mme B s'est absentée de la Polynésie française pour effectuer six séjours en métropole, le premier du 1er janvier 2019 au 5 janvier 2019, le deuxième du 22 février 2019 au 27 février 2019, le troisième du 25 juin 2019 au 9 août 2019, le quatrième du 29 septembre 2019 au 11 octobre 2019, le cinquième du 18 novembre 2019 au 7 décembre 2019, et le sixième du 16 décembre 2019 au 11 janvier 2020, soit un total de 99 jours d'absence du territoire polynésien, supérieur à la durée de trois mois prévue par l'article 9 du décret du 30 janvier 2009 précité.
6. Il résulte de l'instruction que Mme B était, lors de son avant dernier séjour, au chevet de son père en métropole et que celui-ci est décédé le 14 décembre 2019, sept jours après son retour à Tahiti. La requérante fait valoir à juste titre, dans ces conditions, s'agissant de son dernier déplacement, la date du décès de son père malade étant imprévisible, que son dernier séjour en est la conséquence et obéit, les conditions d'irrésistibilité et d'extériorité étant par ailleurs acquises, à un cas de force majeure, justifiant, pour l'assistance aux obsèques et les réunions familiales qui ont immédiatement suivi, que le dépassement de neuf jours de la durée de trois mois ne donne pas lieu ici à la perte du bénéfice de l'indemnité.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme B est fondée à demander l'annulation de la décision du 19 février 2020 par laquelle l'administrateur général des finances publiques en Polynésie française a refusé de prendre en compte le cas de force majeure qui l'a conduite à être absente du territoire en fin d'année 2019 et de maintenir, en conséquence, le versement de son indemnité temporaire de retraite (ITR). » (Tribunal administratif de Polynésie française, 14/03/2023, n° 2200271).
Il n’apparait donc pas exclu, par principe, que la force majeure puisse ponctuellement être admise, et appliquée à d’autres situations plus heureuses que celle liée au décès d’un proche.
Le Cabinet de Me Julien DI STEPHANO conseille et accompagne les fonctionnaires et les militaires dans leurs démarches visant à obtenir l’indemnité temporaire de retraite et à contester la suspension de son versement.
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