En droit de la fonction publique, la discipline est régie par le Titre III du Code général de la fonction publique (CGFP) comprenant les articles L. 530-1 à L. 533-6 CGFP.

L’article L. 530-1 CGFP énonce que : « Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. Les dispositions de cet article sont applicables aux agents contractuels ».

!! Il est à noter que pour les militaires, ce sont les dispositions des articles L. 4137-1 et suivants du Code de la défense.

!! Pour les fonctionnaires de la police nationale, les militaires de la gendarmerie nationale et les sapeurs-pompiers professionnels, ce sont les dispositions des articles L. 634-1 et suivants code de la sécurité intérieure.

Les sanctions disciplinaires peuvent prendre différentes formes (I), mais elles doivent toujours respecter les règles procédurales (II) afin de protéger l’agent qui a possibilité de contester la sanction injustifiée (III).

I. LES SANCTIONS DISCIPLINAIRES

A. DÉFINITION

Sanction disciplinaire

Une sanction disciplinaire est une décision prise par l’autorité administrative en qualité d’employeur à l’encontre de l’un de ses agents publics visant à réprimer un manquement aux obligations ou une faute commise dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions (Article L. 125-1 et suivants du Code général de la fonction publique (CGFP)).

Sanctions déguisées

Il arrive que l’administration fasse délibérément usage de « sanctions déguisées », qui sont caractérisées par la volonté de l’administration de sanctionner l’agent (élément subjectif) et l’existence d’atteinte à la situation professionnelle de l’agent (élément objectif) (CE, 9 juin 1978, Spire), tout en contournant la procédure disciplinaire formelle.

Il peut s’agir, par exemple, d’une mutation d’office, d’un changement d’affectation pris en considération de la personne, d’un retrait de fonctions, d’une « placardisation », etc.

Dans le tel cas de « sanctions déguisées », il est possible de contester cette mesure et d’obtenir la condamnation de l’administration du fait de son illégalité et du non-respect des garanties disciplinaires (CE, 5 avril 1996, n°144017).

B. LES ÉCHELLES DE SANCTIONS DISCIPLINAIRES

Les sanctions disciplinaires applicables à la fonction publique diffèrent selon l’appartenance de l’agent au groupe de la fonction publique (Fonction Publique d’État (FPE), Fonction Publique Territoriale (FPT), Fonction Publique Hospitalière (FPH), et selon son statut (stagiaire, contractuel, ou titulaire).

De manière générale, on peut présenter les sanctions disciplinaires en quatre (4) groupes classés par ordre croissant de gravité :

GROUPES

SANCTIONS

1er

- avertissement

- blâme

- exclusion temporaire de 1 à 3 jours

2ème

- radiation du tableau d’avancement

- abaissement d’échelon à l’échelon inférieur

- exclusion temporaire de 4 à 15 jours

- déplacement d’office / mutation d’office (FPE uniquement)

3ème

- rétrogradation au grade inférieur

- exclusion temporaire de 16 jours à 2 ans

4ème

- mise à la retraite d’office

- révocation

 

II. LA POURSUITE DISCIPLINAIRE

En cas de poursuite disciplinaire de l’agent par l’administration, cette dernière doit respecter un certain nombre de droits et garanties essentiels (A) et des formalités procédurales (B).

A. LES DROITS ET GARANTIES DE L’AGENT POURSUIVI

Lorsqu’une procédure disciplinaire est engagée contre l’agent, ce dernier dispose de droits et de garanties pour éviter tout arbitraire prévus par les article L. 532-4 et suivants CGFP.

Principe de légalité

Toutes les sanctions doivent être prévues par des textes législatifs ou réglementaires. En principe, il ne peut pas y avoir de sanction disciplinaire sans texte (CE, 11 mars 1932, Hirigoyen, n°17956).

Principe de proportionnalité

La sanction infligée par l’administration doit être proportionnelle à la gravité de la faute commise par l’agent (CE, 9 juin 1978, Sieur Lebon).

Principe de non-rétroactivité

L’effet rétroactif d’une sanction disciplinaire n’est pas possible. Une sanction disciplinaire ne prend effet que pour l’avenir et à compter de sa notification à l’agent concerné (CE, 31 mai 1968, Moreau, n°72114).

Principe « non bis in idem »

Une sanction disciplinaire ne peut être sanctionnée plusieurs fois pour les même faits (CE, 23 avril 1958, Commune de Petit-Quévilly). Toutefois, de manière exceptionnelle, la règle non bis in idem n’interdit pas que deux sanctions soient prises pour les mêmes raisons si et seulement si l’agent persiste dans son refus d’obtempérer : le juge administratif considère alors qu’il s’agit de faits nouveaux (CE, 27 mai 1998, n°144274).

Droit à l’information et à la communication du dossier individuel

Dès qu’une procédure disciplinaire est engagée, l’agent a le droit d’en être informé et d’obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de toutes les annexes.

Principe du contradictoire et droit d’être assisté

Dès qu’une procédure disciplinaire est engagée, l’agent a le droit de présenter des observations écrites et/ou orales, et même de citer des témoins afin de se défendre devant les accusations.

Il a également le droit à l’assistance d’un ou plusieurs défenseurs de votre choix (collègue, syndicat, avocat, etc).

B. LA PROCÉDURE DISCIPLINAIRE

Ouverture de la procédure disciplinaire

La procédure disciplinaire doit impérativement être engagée dans les trois (3) ans à compter du jour où l'administration a connaissance des faits reprochés et susceptibles d’être sanctionnés.

En cas de poursuites pénales, ce délai est interrompu.

Conseil de discipline

La consultation d’un conseil de discipline est obligatoire pour certaines infractions.

Il est saisi par un rapport de l’administration employeur, qui doit comporter l’énoncé des faits reprochés et les circonstances dans lesquelles ils sont intervenus.

Le conseil de discipline peut ordonner une enquête afin d’obtenir davantage d’informations sur le contexte des faits reprochés à l’agent.

L’agent concerné doit faire l’objet d’une convocation devant le conseil de discipline par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) au moins 15 jours avant la tenue de la séance.

Lors du conseil de discipline, l’agent peut faire valoir ses droits d’être entendu et assisté.

A l’issue de la séance, le conseil de discipline rend un avis motivé sur la sanction proposée par l’administration, qui peut être favorable soit défavorable. Dans le cas d’un avis défavorable, il émet une proposition de sanction qu’il considère comme la plus appropriée, mais il peut également proposer de ne pas prononcer de sanction du tout. Cet avis est ensuite communiqué à l’agent concerné ainsi qu’à son administration.

Décision de l’administration

Contrairement aux idées reçues, l’avis émis par le conseil de discipline ne lie pas l’administration. Cette dernière peut donc choisir de suivre ou non l’avis du conseil de discipline. L’administration rend ainsi sa propre décision motivée qui doit comporter une sanction proportionnée à la faute commise.

III. LES RECOURS CONTRE LES SANCTIONS DISCIPLINAIRES

L’agent dispose de voies de recours afin de contester la sanction infligée (A) et peut obtenir gain de cause comme en attestent quelques exemples récents de jurisprudences (B).

A. VOIES DE RECOURS

Types de recours et portées

La décision de sanction disciplinaire peut faire l’objet d'un recours gracieux et/ou hiérarchique et/ou d’un recours contentieux dans le délai de deux (2) mois devant le tribunal administratif compétent.

Les procédures d’urgences (dits « référés ») sont également envisageables en matière de sanctions disciplinaires.

Office et contrôle du juge

L’office du juge administratif en matière de sanction disciplinaire est assez limité en ce que le juge de l’excès de pouvoir ne peut qu’annuler la sanction ou rejeter le recours en annulation formé par l’agent concerné.

Le juge administratif exerce un contrôle normal sur les sanctions infligées aux agents publics : il contrôle ainsi si les faits reprochés à un agent public constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes (Conseil d'État, Ass., 13 novembre 2013, M. Dahan), en tenant compte du contexte, de la manière de servir de l’intéressé et de ses antécédents disciplinaires.

B. ACTUALITÉS JURISPRUDENTIELLES

Tribunal administratif d’Amiens, 16 mai 2024, n°2203198

Le Tribunal administratif d’Amiens a jugé le 16 mai 2024 que la décision du centre hospitalier Georges Decroze par laquelle une agente des services hospitaliers titulaire a été suspendue de ses fonctions à titre conservatoire pour une durée de quatre (4) mois par une décision du 4 avril 2022, puis « jusqu'à ce qu'il soit statué sur les suites à donner aux faits motivant [la] suspension par la décision en litige du 4 août 2022 » était intervenue en violation des dispositions des articles L. 531-1 et suivants du code général de la fonction publique et a prononcé l’annulation de la décision : « il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une procédure disciplinaire eût été engagée dans un délai raisonnable ensuite, le centre hospitalier ne pouvait suspendre de nouveau Mme A au-delà de la durée de quatre mois ». (TA  Amiens, 16 mai 2024, n°2203198).

Tribunal administratif de Mayotte, 28 mai 2024, n°2201177

Le Tribunal administratif de Mayotte a jugé le 28 mai 2024 que la décision du 26 janvier 2022 du recteur de l’académie prononçant la sanction disciplinaire d’exclusion temporaire de fonctions pour une durée d’un (1) mois à l’encontre d’un enseignant contractuel n’était pas motivée en ce qu’elle ne précisait pas suffisamment les faits reprochés l’ayant conduit à prononcer une telle sanction. En conséquence, le tribunal administratif a prononcé l’annulation de la décision prononçant une sanction disciplinaire pour défaut de motivation puisqu’elle ne permettait pas à l’intéressé de connaître avec précision les faits à l’origine de la sanction prise par son employeur. (TA Mayotte, 28 mai 2024, n°2201177).

Tribunal administratif de Bordeaux, 12 juillet 2024, n°2203174

Le Tribunal administratif de Bordeaux s’est prononcé sur une sanction disciplinaire déguisée infligée par le CHU de Bordeaux à un agent, consistant en une décision de mutation temporaire prise en considération de la personne. Le Tribunal administratif a annulé la décision en ce qu’elle était entachée d’une erreur de droit et qu’elle méconnaissait les règles du contradictoire. (TA Bordeaux, 12 juillet 2024, n°2203174).