Dans la saga de l’affaire du DIESELGATE, scandale industriel et sanitaire de constructeurs automobiles poursuivis pour avoir faussé l’efficacité des systèmes de contrôle des émissions polluantes de NOx de certains de leurs moteurs diesel lors des tests d’homologation, se posent des questions relatives à la réparation allouée par les juges.

Dans un litige opposant un particulier à MERCEDES-BENZ GROUP (1), le tribunal régional de RAVENSBOURG a demandé, en substance, à la Cour européenne de justice de l’Union européenne notamment si :

  • le droit de l’Union impose que l’acheteur d’un véhicule ait un droit à réparation fondé sur la responsabilité civile délictuelle du constructeur du véhicule en présence d’un dispositif d’invalidation interdit par le droit de l’Union ;
  • une évaluation du préjudice comprenant l’imputation du bénéfice découlant de l’usage du véhicule est compatible avec le droit de l’Union (2).

A cet égard, on se souvient que la Cour d’appel de PAU dans un arrêt — depuis lors annulé pour ses motifs concernant la prescription (3) — avait alloué au propriétaire du véhicule d’un dispositif interdit :

  • 2 000 euros au titre d’un préjudice matériel, justifié par la décote du véhicule sur le marché de l’occasion du fait des pratiques du groupe VW ;
  • 2000 euros au titre d’un préjudice moral, en équilibrant les circonstances de commercialisation des véhicules ayant floué les consommateurs et, en même temps, l’usage du véhicule — présumé avoir répondu à celui qui en était attendu. Ici, la Cour d’appel de PAU avait retenu un usage du véhicule de 11 ans depuis sa location jusqu’au jour du procès.

Dans le cadre de ces questions, au fil de son développement, la CJUE affirme, en premier lieu, la protection accordée par le règlement N°715/2007 relatif à la réception des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6), ayant un objectif général garantissant un niveau élevé de protection d’environnement. 

De plus, l’arrêt de la CJUE dispose que les Etats membres sont tenus de sanctionner des manquements à l’article 46 de la directive cadre 2007/46/CE par des sanctions devant « être effectives, proportionnées et dissuasives ».

Ce dont il résulte que l’acheteur d’un véhicule à moteur équipé d’un dispositif d’invalidation interdit bénéfice des droits à ce que son véhicule n’en soit pas équipé et de la réparation subséquente en présence d’un dommage.

En second lieu, la CJUE va, tout d’abord, rappeler le principe de l’autonomie des Etats membres sur les modalités de cette réparation et que ceux-ci sont fondés à ne pas octroyer un enrichissement sans cause au propriétaire d’un tel véhicule, ainsi que le principe d’effectivité.

C’est-à-dire qu’une législation nationale ne serait pas conforme au principe d’effectivité en rendant en pratique, impossible ou excessivement difficile une réparation adéquate des dommages découlant d’un tel préjudice.

Mais surtout, la CJUE insiste pour que cette réparation soit adéquate au préjudice subi.

Sur ce, la CJUE préconise à la juridiction de renvoi de vérifier si l’imputation du bénéfice tiré de l’utilisation effective du véhicule en cause assure une réparation adéquate à l’acheteur concerné, dès lors qu’est démontré le préjudice lié à l’installation du dispositif interdit.

Sur ce point, il conviendra, à tout le moins, d’interroger l’imputation relative à l’utilisation effective du véhicule, qui s’avère concrètement à déterminer, selon les véhicules — hors véhicules de collection, en mettant en corrélation le nombre d’années de détention avec le nombre de kilomètres parcourus.

 

Laurent Canoy

Avocat à la Cour

 

Pour Frederik-Karel Canoy

 

1. CJUE, 21 mars 2023, n° C-100/21.

2. Plus particulièrement : alors que ce calcul est opéré sur la base du prix total d’achat du véhicule au lieu du prix du véhicule avec sa moins-value.

3. Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 27 avril 2021, n° 19/03176 ; Cass. 1ère civ., 7 décembre 2022, n°21-19.345.