Le RGPD constitue-t-il une évolution de la jurisprudence du droit à l’oubli ?

 

Pour répondre à cette question, il convient tout d’abord de rappeler ce qu’est le droit à l’oubli et comment il est apparu.

 Le droit à l’oubli a d’abord été évoqué dans la loi dite Informatique et Libertés de 1978 mais il a été réellement établi au niveau européen par la jurisprudence Google Spain de 2014. Dans cette affaire, le droit à l’oubli est mise en œuvre en application de deux critères :

  • Un critère positif constitué par le droit de chacun de disposer de son nom, ce qui comprend l’utilisation du nom et l’autorisation de l’utilisation du nom par les tiers ;
  • Un critère négatif, celui de la limite du droit posé par un critère d’actualité et d’information du public.

Le droit à l’oubli ainsi défini  dans son principe mais reste dans son application relativement flou.

La jurisprudence s’est chargée d’en affiner les contours.

Le Conseil d’Etat dans un arrêt du 24 février 2017 pose une série de questions préjudicielles à la CEDH. Le Conseil demande à la CEDH de lui préciser de quelle manière doit être appliqué le droit européen relatif au droit à l’oubli aux moteurs de recherche, et notamment elle cherche à savoir s’il peut y avoir une acceptation systématique des demandes de déréférencement dans certains cas tels que la suppression d’une donnée utilisée de manière illicite ou d’une donnée inexacte ou incomplète.

Les questions soulevées montrent bien qu’il y a un manque de clarté dans la loi qui ne permet pas toujours de savoir quel droit faire primer entre le droit au respect de la vie privée et la liberté de la presse. Cela explique la pluralité de jurisprudences contradictoires.

En France, la Cour de cassation semble avoir tranché. En effet, dans un arrêt du 12 mai 2016, elle a décidé de faire primer la liberté de la presse sur le droit au respect de la vie privée du demandeur. Depuis cette décision, les juridictions françaises s’en tiennent à cette interprétation en refusant quasiment systématiquement les demandes de déréférencement (affaire CADOUDAL).

Il découle pourtant de l’arrêt Google Spain que les moteurs de recherche ont une présomption de responsabilité.

Le RGPD a finalement permis d’unifier les règles en la matière.

En effet, le Règlement Général sur la Protection des Données entré en vigueur le 25 mai 2018 a proprement consacré le droit à l’oubli, et ce sous deux formes : le droit à l’effacement des données et le droit au déréférencement.

Les citoyens européens ont alors un plus grand contrôle sur leurs données mais reste à voir l’efficacité du RGPD, et notamment son application. En effet, il est facile de voir les problèmes qu’il risque de se poser : trop grand nombre de demandes, problèmes techniques…

 

 

De l’utilisation efficace de la procédure en déréférencement

Force est de constater que les questions sur le sujet du déréférencement continuent de se poser.

En effet, la CEDH a rendu le 28 juin 2018 une décision de refus de déréférencement.

En l’espèce, deux allemands avaient demandés à ce que leurs noms soient retirés d’articles relatifs à un meurtre pour lequel ils ont été condamné.

Bien que les critères de recevabilité d’une telle demande n’ont cessé d’être affinés avec le temps, jusqu’au sein de la CEDH, cette affaire est un exemple en matière de procédure à suivre puisqu’elle nous montre que le droit à l’oubli ne peut pas être acquis à l’encontre des éditeurs de contenu.

Les requérants n’ont donc pas attaqué les bonnes personnes, il aurait été plus judicieux de leur part de demander un déréférencement desdits articles les mentionnant auprès des moteurs de recherche.

Pour préserver le droit à l’information, peut-être faut-il laisser la possibilité au public de se connecter directement sur les sites d’information et de laisser l’information libre sur ces sites-là ?

Dans ce cas, c’est la diffusion de cette information hors de propos (parce qu’elle ne concerne pas des demandes liées à l’actualité) qu’il faut couper.

C’est la logique du déréférencement en demandant au diffuseur d’arrêter de diffuser.