Voici un exemple de la difficulté de la suppression des avis sur internet [1].
Un psychiatre a saisi en référé le TGI de Metz pour trouble manifestement illicite au visa de l’article 809 du Code de procédure civile.
Le trouble manifestement illicite se définit comme une violation évidente d’une règle de droit qui cause un dommage et doit immédiatement être corrigé comme le prévoit l’article 809 du Code de procédure civile : « Le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. »
Le plaignant, en outre, demandait la levée de l’anonymat afin d’être confronté à ses accusateurs.
Par ordonnance de référé du 16 juillet 2019, le Tribunal de Grande Instance de Metz l’a débouté de sa demande de suppression de sa fiche Google business, de la fermeture des commentaires publics, ainsi que de la levée de l’anonymat concernant les avis négatifs [2].
Il s’agit d’un autre exemple qui illustre le peu de considération du développement exponentiel de la « parole libérée » sur les réseaux sociaux.
Le tribunal s’est confortablement réfugié derrière une prétendue liberté d’expression.
Au cas présent, et au contraire des recommandations du RGPD (règlement général sur la protection des données) ou même de l’article 6 de la LCEN (Loi pour la confiance dans l’économie numérique), il a été refusé au plaignant l’identification des auteurs des critiques.
Le problème est double et n’a pas été résolu par la juridiction.
En effet, si l’on suit le raisonnement du tribunal, lequel considère que le consommateur a un droit de critique avéré sur les prestations du professionnel, on ne peut qu’admettre comme légitime la demande d’identification dudit consommateur critique afin de savoir s’il s’agit d’un avis véridique ou d’un avis fantaisiste voire malveillant.
Le cas existe (Voir l’article "La suppression des avis sur internet ou la justice du potentat.").
Les juges du TGI, en se considérant gardien du temple de la liberté d’expression, passent à côté des phénomènes de haine des réseaux sociaux et ne protègent pas la véritable liberté d’expression qui est celle de la liberté d’opinion.
Laisser à Google, entre autres, sous couvert de la liberté d’expression (dont on sait qu’il n’est pas le meilleur) le soin de laisser ou d’ôter des avis est un abandon du pouvoir d’appréciation du juge et un aveu de faiblesse de la Justice.
Reste le point essentiel de l’utilisation des données personnelles :
"Google My Business" n’est pas un simple annuaire ; en permettant un système de notation qui peut être modifié au bon vouloir du prestataire, Google utilise les données personnelles pour son propre profit commercial.
Il est urgent de voir l’étendue du désastre et que la Justice prenne enfin en considération le développement sans contrôle des critiques anonymes.
Enfin, il est fait fi dans ce genre de décisions, qui sont malheureusement habituelles, d’un principe pourtant fondamental du droit français repris par l’article 6 de la CEDH, qui est celui de pouvoir être confronté à son accusateur.
Seul dans des cas exceptionnels, un témoignage anonyme peut être reçu ; or, ne pas lever l’anonymat est une infraction grave, peut-être plus grave encore que l’atteinte à la liberté d’expression pour un débat contradictoire.
Les magistrats devraient être attentifs au nombre de nouvelles procédures dans ce domaine...
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