En matière de vente immobilière, le vendeur a trois obligations essentielles :

  • une obligation d’information (devoir d’informer l’acheteur des informations dont il a connaissance ou dont il est censé avoir connaissance compte tenu de sa qualité de professionnel de l'immobilier et qui sont nécessaires pour que l’acheteur s’engage en toute connaissance de cause) ;
  • une obligation de garantir le bien immobilier qu’il vend (garantie des vices cachés, garantie d’éviction),
  • une « obligation de délivrance conforme ».

L'obligation de délivrance conforme est souvent méconnue alors qu'il peut s'agir d'un fondement juridique très utile pour l'acheteur qui estime que le bien immobilier reçu du vendeur n'est pas celui "promis".

Quels sont les contours de cette obligation de délivrance conforme ? A partir de quand y-a-t-il manquement à l’obligation de délivrance conforme ? Comment s’apprécie un tel manquement ? Quelles sont les conséquences à tirer d’un manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme ?

L’objet de cet article est de vous apporter des précisions sur cette obligation de délivrance conforme du vendeur.

Les contours de l’obligations de délivrance conforme

S’agissant de l’obligation de délivrance, l’article 1604 du Code civil dispose que : « La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur ».

En clair, le vendeur doit, fort logiquement, mettre l'immeuble vendu à la disposition de l'acheteur.

Mais il en résulte également que le vendeur a l'obligation de délivrer à l'acheteur la chose vendue, ses accessoires et ses fruits.

Ainsi, l’immeuble « livré » doit être conforme aux stipulations contractuelles.

Il doit donc bien évidemment s’agir du « bien promis », tel qu'il a été identifié au contrat avec ses caractéristiques propres.

De plus, le bien vendu doit être délivré dans l'état où il se trouvait lors de la vente : s’il y a eu un avant-contrat préalable (par exemple un compromis de vente), le vendeur devra remettre le bien dans l’état où il se trouvait à la signature du compromis.

En matière de vente d’immeuble à construire, l'immeuble que le vendeur a l'obligation d'édifier devra respecter la description contractuelle de l'immeuble (consistance, qualité, superficie, matériaux, équipements etc).

A noter également que le bien délivré doit correspondre non seulement à l’ensemble des spécifications contractuelles mais aussi aux spécifications figurant dans les documents « extracontractuels » dès lors qu’ils sont entrés dans le champ contractuel (Cass. 3e civ. 17-7-1997 n° 95-19.166).

 

Un manquement à l’obligation de délivrance conforme apprécié au cas par cas

L’étendue de l’obligation de délivrance et les manquements éventuels à cette obligation vont s’apprécier au cas par cas dans la mesure où cela va dépendre des engagements pris par le vendeur dans le contrat de vente.

A titre d’illustration, il a été jugé qu’il y avait manquement à l'obligation de délivrance du vendeur pour une maison qui n'était que partiellement reliée au réseau public d'assainissement alors que l'acte de vente précisait qu'elle y était raccordée (Cass. 3e civ. 28-1-2015 n° 13-19.945).

Il a également été jugé qu’il y avait manquement à l'obligation de délivrance du vendeur pour un appartement qui avait été vendu avec le label « confort acoustique » et qu'il s’est révélé non conforme aux spécifications de ce label (Cass. 3e civ. 26-5-1994).

Un manquement à l’obligation de délivrance a également déjà été constaté pour une pollution résiduelle subsistant sur un terrain alors que l'acte de vente précisait qu'il avait fait l'objet d'une dépollution (Cass. 3e civ. 29-2-2012 n° 11-10.318 :  RJDA 6/12 n° 577).

Attention toutefois, le vendeur peut parfois faire valoir que la délivrance est conforme dès lors que la délivrance a été acceptée sans réserve.

A titre d’illustration, l'acquéreur d'une maison d'habitation a été débouté de sa demande dirigée à l'encontre du vendeur et tendant à le faire condamner au paiement d'une certaine somme représentant le coût des travaux de déplacement d'un coffret électrique de comptage EDF dans la mesure où les juges avaient que l'emplacement du bloc électrique était apparent et que les acquéreurs avaient accepté l'immeuble en l'état (Cass. 3e civ., 22 janvier 1997, n° 100 P, Piron c/ SCI Marina Beach).

De même, il a été jugé que la délivrance d’un terrain pollué était conforme à la convention des parties, dès lors que celle-ci porte sur un terrain comportant un risque de pollution connu de l’acheteur (Cass. 3e civ. 16-1-2013 no 11-27.101 : BPIM 2/13 inf. 137).

En tout état de cause, le respect ou non de l’obligation de délivrance conforme du vendeur va s’apprécier au cas par cas, à la lumière de ce qui avait été « promis » contractuellement.

 

La distinction entre l’obligation de délivrance conforme et la garantie des vices cachés

Selon la Cour de cassation, il convient de distinguer délivrance conforme et garantie des vices cachés.

Selon la jurisprudence, les non-conformités relevant de l'obligation de délivrance se limitent aux cas où les spécifications convenues entre les parties n'ont pas été respectées.

En clair, l’obligation de délivrance conforme va s’appliquer lorsque la chose n’est pas conforme aux prescriptions contractuelles.

La garantie des vices cachés va elle s’appliquer lorsque le bien livré se révèle atteinte d'un défaut affectant son usage normal.

A titre d’illustration, l'absence d'étanchéité d'une toiture-terrasse constitue, selon la Cour de cassation, un vice caché, car il fait « obstacle » à l'utilisation de l'immeuble dans des conditions normales (Cass. 3e civ., 6 oct. 2004, no 02-21.088).

Il convient à ce titre de bien choisir le fondement de son action en Justice contre le vendeur car la Cour de cassation estime que lorsqu’une action a été introduite à tort sur le fondement de la garantie des vices cachés, alors qu'elle aurait dû prospérer sur le fondement de l’obligation de délivrance conforme, le juge saisi de cette action n'a pas à requalifier la demande et à l'examiner du point de vue de l'obligation de conformité (Cass. 3e civ., 8 nov. 2006, n° 05-17.379).

 

Quelles conséquences tirer du défaut de délivrance conforme ? Quels recours ?

Si l'acheteur invoque une délivrance non-conforme au contrat, il devra tout d’abord prouver le défaut de conformité, la preuve pouvant être rapportée par tous moyens.

Il conviendra ensuite pour l’acheteur de mettre en demeure le vendeur.

Enfin et à défaut de succès de sa mise en demeure, il devra envisager de porter l’affaire en Justice.

L’acheteur victime d’un manquement à l’obligation de délivrance aura alors différents recours possibles notamment la possibilité de poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation, de  solliciter une réduction du prix, de provoquer la résolution du contrat ou encore de demander des dommages-intérêts.

Il conviendra à l’acheteur d’agir rapidement au regard de la prescription en agissant notamment dans les deux ans de la vente afin d’éviter toute difficulté (il existe un risque d'être forclos si les juges considèrent que le défaut de délivrance est constitutif d'un vice caché).

En tout état de cause, l’obligation de délivrance conforme a toute son importance en matière de vente immobilière, au même titre que l’obligation d’information et l’obligation de garantie du vendeur.

Elle peut s'avérer être, pour l'acheteur, un fondement très utile à une action en résolution d'une vente ou encore en indemnisation.