Suite à sa validation, par le Conseil Constitutionnel, le 3 décembre 2020 (décision n°2020-807), la loi n°2020-1525 d’accélération et de simplification de l’action publique du 7 décembre 2020 a été publiée au Journal Officiel le 8 décembre 2020.

Ladite loi contient, dans son titre IV « Diverses dispositions de simplification », trois articles consacrés à la modification du code de la commande publique. Ces articles s’inscrivent, pour partie, dans le prolongement des mesures temporaires prévues par les ordonnances édictées pendant l’état d’urgence sanitaire (ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 et ordonnance n° 2020-738 du 17 juin 2020).

 

I. Rehaussement temporaire du seuil de passation des marchés de travaux sans publicité ni mise en concurrence

L’article 142 de la loi ASAP prévoit que, jusqu'au 31 décembre 2022 inclus, les acheteurs peuvent conclure un marché de travaux sans publicité ni mise en concurrence préalables pour répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 € hors taxes.

Le montant cumulé des lots conclus sans publicité ni mise en concurrence ne doit pas excéder 20% de la valeur totale estimée de tous les lots.

Par ailleurs, le législateur rappelle le principe selon lequel les acheteurs veillent à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu'il existe une pluralité d'offres susceptibles de répondre au besoin.

Ces dispositions sont applicables pour les consultations engagées ou les avis d’appel public à la concurrence envoyés à compter du 8 décembre 2020.

Pour rappel, en application du n° 2020-893 du 22 juillet 2020 portant relèvement temporaire du seuil de dispense de procédure pour les marchés publics de travaux et de fourniture de denrées alimentaires prévoyait la possibilité de passer des marchés de travaux sans publicité ni mise en concurrence préalables pour répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 70 000 euros HT.

Ainsi, ce dispositif temporaire est prorogé et élargi.

 

II. Introduction de la notion d’intérêt général à l’article L.2122-1 du code de commande publique

L’article 131 de la loi ASAP introduit la notion d’intérêt général au sein de l’article L.2122-1 du code de la commande publique. Ainsi, il est désormais possible pour l’acheteur de passer un marché sans publicité ni mise en concurrence lorsque le respect d’une telle procédure est manifestement contraire à l’intérêt général.

 

III. Dérogations aux règles de la commande publique en cas de circonstances exceptionnelles

L’article 132 de la loi ASAP introduit dans le code de la commande publique deux nouveaux livres intitulés « Dispositions relatives aux circonstances exceptionnelles ».

Ainsi, en application des articles L. 2711-1 et L. 3411-1 du code de la commande publique, un décret peut prévoir, sur tout ou partie du territoire, l'application d’une partie ou de l’ensemble des mesures prévues par le code de la commande publique en cas de circonstances exceptionnelles, pour une durée ne pouvant excéder vingt-quatre mois.

Les dispositions relatives aux circonstances exceptionnelles concernent les marchés publics et les concessions en cours d’exécution, en cours de passation et ceux dont la procédure de passation n'est pas encore engagée.

1. Concernant les procédures engagées, il est prévu que l’acheteur peut, en cours de procédure, adapter les modalités de la mise en concurrence (articles L.2711-3 et L.3411-3 du code de la commande publique) et prolonger les délais de réception des offres et candidatures (L.2711-4 et L.3411-4 du code de la commande publique).

2. Concernant les contrats en cours d’exécution dont le terme intervient pendant la période de circonstances exceptionnelles, il est prévu qu’ils peuvent être prolongés par avenant au-delà de la durée prévue par le contrat lorsque l'organisation d'une procédure de mise en concurrence ne peut être mise en œuvre (article L.2111-5 et L.3411-5 du code de la commande publique).

La durée de prolongation est encadrée en ce qu’elle ne peut excéder la durée de la période de circonstances exceptionnelles, augmentée de la durée nécessaire à la remise en concurrence à l'issue de l'expiration de cette période. Dans le cas des accords-cadres, la durée totale ne peut en principe dépasser quatre ans pour les pouvoirs adjudicateurs et huit ans pour les entités adjudicatrices.

Par ailleurs, il est prévu que lorsque le titulaire ne peut respecter le délai d’exécution d’une ou plusieurs obligations du contrat ou que cette exécution en temps et en heure nécessiterait des moyens dont la mobilisation ferait peser sur le titulaire une charge manifestement excessive, le titulaire peut demander, avant l’expiration d’une part, du délai contractuel et, d’autre part, de la période de circonstances exceptionnelles, une prolongation des délais d’exécution.

Le délai est alors prolongé d'une durée équivalente à la période de non-respect du délai d'exécution résultant directement des circonstances exceptionnelles.

Ces dispositions s’appliquent nonobstant toute stipulation contraire, à l'exception de celles qui se trouveraient être plus favorables au titulaire du marché public ou au concessionnaire (articles L.2711-6 et L.3411-6 du code de la commande publique)

Enfin, l’article L.2711-8 du code de la commande publique prévoit que le titulaire d’un marché public qui « est dans l'impossibilité d'exécuter tout ou partie d'un bon de commande ou d'un contrat, notamment lorsqu'il démontre qu'il ne dispose pas des moyens suffisants ou que leur mobilisation ferait peser sur lui une charge manifestement excessive » ne peut pas être sanctionné.

Ainsi, il ne peut se voir appliquer les pénalités contractuelles, ni voir sa responsabilité contractuelle engagée pour ce motif.

Par ailleurs, l’acheteur a la possibilité de recourir à un marché de substitution pour satisfaire les besoins qui ne peuvent souffrir d’aucun retard, sans que le titulaire puisse engager sa responsabilité pour ce motif, et ce, nonobstant toute clause contractuelle contraire.

 

IV. Marchés globaux et PME

En application de l’article 131 de la loi ASAP, une part de l’exécution des marchés publics globaux doit être confiée à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans (article L.2171-8 du code de la commande publique) et cette part d’exécution fait l’objet d’un critère sélection des offres (article L.2152-9 du code de la commande publique).

Ces dispositions sont applicables pour les consultations engagées ou les avis d’appel public à la concurrence envoyés à compter du 8 décembre 2020.

Il est prévu par l’article L.2171-8 du code la commande publique que la part du marché qui doit être confiée à des petites et moyennes entreprises ou des artisans est fixée par voie réglementaire.

Ainsi, ledit article ne peut faire l’objet d’une application immédiate.

Toutefois, et pour rappel, l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-738 du 17 juin 2020 portant diverses mesures en matière de commande publique prévoit ledit dispositif en précisant que la part du marché confiée aux petites et moyennes entreprises ou aux artisans « ne peut être inférieure à 10 % du montant prévisionnel du marché sauf lorsque la structure économique du secteur concerné ne le permet pas ».

Ces dispositions s’appliquant jusqu’au 10 juillet 2021, les dispositions réglementaires prévues par l’article L.2171-8 du code de la commande publique devront intervenir avant cette date pour éviter une rupture d’application du dispositif.

A noter également que la loi ASAP prévoit, en son article 143, un nouveau cas de marché global sectoriel en indiquant l’Etat peut confier à un opérateur économique une mission globale portant sur « 5° La conception, la construction, l'aménagement, l'exploitation, la maintenance ou l'entretien des infrastructures linéaires de transport de l'Etat, hors bâtiments » (article L.2171-4 du code de la commande publique).

Enfin, les dispositions relatives aux marchés globaux sectoriels que peut conclure la Société du Grand Paris font également l’objet de modifications (article 144 de la loi ASAP modifiant l’article L.2171-6 du code de la commande publique).

 

V. dispositions applicables aux entreprises en difficulté

L’article 131 de la loi ASAP modifie l’article L.2141-3 du code de la commande publique relatifs aux exclusion de plein droit de la phase candidature. Ainsi, les entreprises qui bénéficient d’un plan de redressement peuvent désormais se porter candidates à un marché public.

 

VI. Harmonisation des règles de modification des contrats publics

Les modifications des marchés publics et des contrats de partenariats antérieurs au 1er avril 2016 demeuraient régies par les textes en vigueur avant le 1er avril 2016. Ainsi, à l’instar du régime applicable aux contrats de concession, l'article 133 de la loi ASAP étend aux marchés publics conclus avant le 1er avril 2016 le dispositif de modification des contrats en cours d’exécution prévu par le code de la commande publique.

 

VII. Modification des règles applicables aux marchés réservés

L’article 141 de la loi ASAP modifie l’article L. 2113-14 du code de la commande publique, qui interdisait qu’une même procédure soit réservée à la fois aux EA et ESAT d’une part et aux SIAE d’autre part. L'acheteur public devait donc choisir de réserver un lot ou un marché pour des personnes handicapées ou pour des personnes en difficulté relevant de l'Insertion par l'Activité Économique.

Désormais, ledit article dispose qu’ « un acheteur peut réserver un même marché ou un même lot d'un marché à la fois aux opérateurs économiques qui répondent aux conditions de l'article L. 2113-12 et à ceux qui répondent aux conditions de l'article L. 2113-13. »

 

VIII. Exclusion du champ d’application du code de la commande publique des marchés de services juridiques

En application de l’article 140 de la loi ASAP, sont dispensés de publicité et de mise en concurrence les services juridiques de représentation légale d’un client par un avocat dans le cadre d’une procédure juridictionnelle, devant les autorités publiques ou les institutions internationales ou dans le cadre d’un mode alternatif de règlement des conflits, ainsi que les services de consultation juridique fournis par un avocat en vue de la préparation d’une éventuelle procédure juridictionnelle.