Outre l'imposition des bénéfices non encore taxés lorsqu'elle cesse totalement ou partiellement d'être soumise à l'impôt sur les sociétés en France (CGI, art. 221, 2., al 2), le transfert du siège ou d'un établissement d'une société passible de l'impôt sur les sociétés en France vers un État membre de l'Union européenne (UE) ou vers un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance mutuelle en matière de recouvrement d'impôts emporte, lorsqu'il s'accompagne du transfert d'éléments d'actif, l'imposition des plus-values latentes et des plus-values en report ou en sursis d'imposition constatées sur ces derniers (CGI, art. 221, 2., al 3).

Le Conseil d'Etat, par un arrêt en date du 29 novembre 2024, offre un éclairage fort à propos quant à l'articulation de ces dispositions. La société FG Investissements, exerçant en France, a décidé au cours de l'année 2012, du transfert de son siège social au Luxembourg, avant d'obtenir sa radiation du registre du commerce et des sociétés français le 3 avril 2013. Fort de ce constat, l'administration fiscale considérait que le transfert du siège n'était effectif que depuis le 3 avril 2013. Elle a donc procédé à l'imposition des plus-value latentes, et assujetti la société à une cotisation d'IS au titre de l'exercice clos le 30 avril 2013. Face aux rejets devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel de Paris, la société a (utilement) saisi le Conseil d'Etat.

Par sa décision, le Conseil d'Etat réaffirme l'importance à accorder à la chronologie des faits pour déterminer l'application des dispositions de l'article 221, 2. du CGI. D'une part, elle rappelle que "le transfert du siège social d'une entreprise dans un autre État membre de l'Union européenne n'emporte pas, par lui-même, la mise en œuvre de la procédure d'imposition immédiate de l'ensemble des bénéfices réalisés de l'entreprise qui n'ont pas encore été imposés et l'obligation de déclaration de ses résultats à l'administration fiscale prévues à l'article 201 du code général des impôts, cette procédure d'imposition immédiate s'applique, conformément au deuxième alinéa du 2 de l'article 221 de ce code, lorsque ce transfert, indépendamment de la date à laquelle l'administration en a eu connaissance, s'accompagne de la cessation totale ou partielle de son assujettissement à l'impôt sur les sociétés en France", tout en précisant que lorsque "la société poursuit l'exploitation d'une entreprise en France après le transfert de son siège dans un autre Etat membre de l'Union européenne, il y a seulement lieu […] de procéder […] à l'imposition à la date de ce transfert des plus-values en report ou en sursis et des plus-values latentes constatées sur les éléments de l'actif immobilisé transférés en même temps que le siège".

De cet arrêt, trois scenario peuvent être envisagés :

  • Si l'exploitation en France cesse antérieurement ou concomitamment au transfert de siège social, auquel cas l'imposition immédiate des bénéfices non encore imposés s'accompagne de l'imposition des plus-value latentes (avec option pour le paiement échelonné) ;
  • Dans le cas inverse, (i.e., l'exploitation de l'entreprise en France survit au transfert de siège social), seules les plus-values en report ou en sursis et les plus-values latentes sur les éléments de l'actif immobilisé transférés en même temps que le siège sont imposables.

Le Conseil d'Etat censure, pour erreur de droit, l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Paris a considéré que la société requérante avait poursuivi une activité en France jusqu'en avril 2013, en se fondant uniquement sur le fait que cette dernière :

  • Avait conservé des bureaux jusqu'en avril 2013 ; et
  • n'avait clôturé son compte bancaire qu'en octobre 2015, lequel avait enregistré des mouvements bancaires en 2013.

Ces seuls éléments étant insuffisants pour caractériser le maintien d'une exploitation en France, ils ne pouvaient justifier à eux seuls l'imposition de bénéfices nés au cours de l'exercice 2013.