Cas d’espèce :  Cour d’appel de Bourges,  Chambre 1, 25 janvier 2024, n° 22/01200

Dans un arrêt d’espèce portant sur une fin de prise en charge prononcée par une maison d’accueil spécialisée (MAS) aux motifs d’une inadéquation entre les moyens dont dispose l’établissement et les besoins de la personnes accompagnée (en l’espèce une jeune fille atteinte du syndrome de Cornelia de lange), la cour d’appel de Bourges a :

  • Énoncé que le contrat de séjour ne constituait pas un contrat de consommation de sorte que le Code de la consommation ne lui était pas applicable.

 

Cette décision d’espèce ne saurait toutefois valoir pour l’ensemble des établissements et services médico-sociaux, les contrats de prestation en service autonomie étant par exemple soumis aux dispositions du Code de la consommation relatives à la signature des contrats hors établissement (cf. cahier des charges définissant les conditions techniques minimales d'organisation et de fonctionnement des services autonomie à domicile mentionnés à l'article l. 313-1-3 du code de l'action sociale et des familles)

 

  • Reconnu la responsabilité contractuelle de l’organisme gestionnaire pour ne pas avoir actualisé chaque année le projet d’accompagnement personnalisé de la résidente, contrairement aux prescriptions des articles D. 311, V et D. 311 VI du Code de l’action sociale et des familles (CASF).

 

Sur ce point, la Cour a précisé que la modification de l’emploi du temps des activités d’une année sur l’autre ne saurait valoir actualisation du projet d’accompagnement personnalisé.

 

Si la cour n’a pas plus expliqué sa position, il faut en effet rappeler que l’actualisation du projet personnalisé suppose une démarche pluridisciplinaire et concertée, impliquant la personne accompagnée et le cas échéant ses représentants légaux.

 

  • Reconnu la responsabilité contractuelle de l’organisme gestionnaire dans la résiliation du contrat de séjour.

 

La Cour considère que l’organisme gestionnaire a violé l’article L. 311-4-1 du CASF pour avoir prononcé la rupture de la prise en charge alors même que la résidente ne bénéficiait pas d’une autre solution d’accueil adaptée.

 

Dans la présente situation, l’établissement d’accueil estimait que les besoins de la résidente ne correspondaient plus aux moyens dont il disposait. Lors du dernier projet personnalisé – non signé par les parents – un séjour d’évaluation clinique à l’hôpital avait été proposé par l’établissement, l’hôpital étant au demeurant disposé à effectuer cette évaluation.

 

Face au refus des parents, le juge des contentieux de la protection (juge des tutelles) avait été saisi par l’organisme gestionnaire et un mandateur ad ’hoc avait été désigné pour évaluer et rechercher un mode de prise en charge adapté.

 

Dans les suites de cette désignation, l’établissement avait prononcé la fin de la prise en charge en se fondant sur « l’inadéquation notoire et persistante, constatée par deux avis médicaux, entre l’évolution de son état de santé de la majeure et les moyens dont dispose la MAS » .

 

Retenant le caractère simplement temporaire de l’accueil au CHU aux fins d’évaluation clinique, la cour a estimé que l’établissement avait violé l’article L. 311-4-1 du CASF.

 

Ce faisant, la Cour a généralisé l’application de cette disposition à l’ensemble des établissements et services sociaux et médico-sociaux alors que son application aux seuls établissements pour personnes âgées dépendantes peut se poser.

 

La Cour considère également que l’organisme gestionnaire a violé l’article L. 241-6 du Code de l’action sociale et des familles puisqu’il a prononcé une fin de prise en charge sans décision préalable concordante de la CDAPH.

 

Elle estime donc qu’un établissement médico-social ne peut mettre fin à une prise en charge s’il n’a pas au préalable obtenu l’accord de la MDPH.

 

En l’espèce, la question de la réorientation de la résidente semblait effectivement se poser, ce qui pourrait justifier l’obligation de décision préalable de la MDPH, l’article L. 241-6 énonçant, en son dernier alinéa :

 

«  Lorsque l'évolution de son état ou de sa situation le justifie, l'adulte handicapé, ou, s'il n'est pas apte à exprimer sa volonté, la personne chargée à son égard d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne, en tenant compte de son avis, les parents ou le représentant légal de l'enfant ou de l'adolescent handicapé ou l'établissement ou le service peuvent demander la révision de la décision d'orientation prise par la commission. L'établissement ou le service ne peut mettre fin, de sa propre initiative, à l'accompagnement sans décision préalable de la commission. »

 

Mais quid d’une fin de prise en charge sans réorientation au sens de changement de la catégorie d’établissement ?

 

Un établissement peut-il mettre un terme à l’accompagnement sans décision préalable ?

 

Doit-il attendre pour cela d’avoir trouvé une solution de remplacement, ce qui – dans cette attente - fait porter sur l’organisme gestionnaire d’importantes responsabilités notamment lorsque sont en cause la santé et la sécurité de la personne accompagnée, mais également parfois des autres pensionnaires et du personnel ?

 

Que peut-il / doit-il faire pour les protéger et se protéger ? Solliciter des moyens supplémentaires ? La mise en place de PAG ?

 

Pour intéressante qu’elle soit, cette décision d’espèce – qui a censuré la position des juges de premières instance qui n’avait débouté les parents de leur action – laisse en suspens les questions de fond qui se posent quant aux prérogatives des établissements sociaux et médico-sociaux en matière d’admission et de sortie des personnes en situation de handicap.

 

#241-6 #handicap #maisond’accueilspécialisée #contrat de séjour #CASF #findepriseencharge  #corneliadelange