Cass. 3e civ. 16-11-2017 n° 16-23.685 F-D

I. LES FAITS

Trois kinésithérapeutes sont associés d’une SCI (société civile immobilière) et d’une SCM (société civile de moyens). L’un deux, qui était gérant des deux sociétés, voit son mandat de gérant expirer.

La mésentente entre les associés conduit l’un des associés à solliciter la désignation d’un administrateur provisoire afin que celui-ci représente lesdites sociétés dans les procédures de dissolution qu’il entend engager pour mésentente.

 

II. LA PROCEDURE

La Cour d’appel confirme l’ordonnance désignant un administrateur provisoire en considérant que l’absence de gérant constitue un dysfonctionnement grave, la mésentente étant au surplus confirmée par l’administrateur désigné.

Dans son arrêt en date du 16 novembre 2011, la Cour de cassation censure l’arrêt de la Cour d’appel au motif qu’elle aurait dû rechercher si la société ne fonctionnait pas sans difficulté en dépit de l’absence de gérant.

 

III. LA SOLUTION

La solution de la Cour de cassation paraît logique.

Il est constant en effet que la désignation d’un administrateur provisoire chargé de représenter une société, qui est une mesure exceptionnelle, est conditionnée par la démonstration de deux conditions cumulatives :

  • L’existence d’un péril imminent ;
  • L’absence de fonctionnement normal de la société.

(Cass. com., 6 févr. 2007, n° 05-10.008 ; Cass. com., 25 janv. 2005, n° 00-22.457).

En l’espèce la seule absence de représentant légal ne suffisait pas à démontrer que ces conditions étaient réunies.

La Cour de cassation invite en effet les juges du fonds, à rechercher si l’absence de gérant conduisait à un fonctionnement anormal ou, autrement dit, selon ses propres termes, à des « difficultés » de fonctionnement.

En effet, en dépit de la vacance de la gérance, il est possible d’admettre que les initiatives d’un associé ou d’un gérant de fait, permettent à une société de fonctionner sans blocage.

Il nous semble néanmoins que l’absence de représentant légal d’une société soit, par nature, une situation anormale et provoque de ce point de vue un fonctionnement anormal.

La solution de la Cour est sur ce point critiquable.

Cependant, à imaginer que le fonctionnement anormal ait pu être caractérisé en l’espèce, l’on peut estimer que les juges auraient dû également caractériser l’existence d’un péril imminent.

S’agissant de cette dernière condition, la seule absence de gérant n’étant selon nous pas suffisante pour caractériser l’existence d’un péril imminent (s’agissant en particulier d’une SCI ou SCM), la censure de la Cour de cassation est de ce point de vue justifiée.

 

CONSEIL : En l’espèce, l’associé à l’origine de la demande aurait dû demander non la désignation d’un administrateur provisoire mais celle d’un mandataire ad hoc chargé d’organiser une assemblée générale aux fins de désignation d’un nouveau gérant sur le fondement de l’article 1846 alinéa 5.