Les étrangers qui souhaitent se rendre en France doivent demander aux autorités consulaires françaises un visa de court séjour (inférieur à trois mois) ou de long séjour (supérieur à trois mois). Dans les cas d’un séjour supérieur à trois mois, la délivrance d’un visa de long séjour est même indispensable pour la délivrance d’un titre de séjour temporaire.

Le consulat ou l’ambassade auprès de qui l’étranger a déposé une demande de délivrance d’un visa peut refuser de le lui accorder, sachant que l’autorité consulaire dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour accorder ou refuser un visa et peut se fonder légalement sur toute considération d’intérêt général, telle que par exemple :

- le sérieux et la cohérence du projet d’études envisagé (CE, 19/11/2008, n° 312465) pour la demande de visa de long séjour pour études ;

- l’absence de communauté de vie et d’intention matrimoniale (CAA de Nantes, 01/02/2013, n° 11NT03171) pour la demande de visa d’un conjoint étranger de ressortissant français ;

- la reconnaissance de paternité souscrite dans le seul but frauduleux de faciliter l’obtention de la nationalité française ou d’un titre de séjour temporaire (CE, 30/09/2016, n° 400359) pour la demande de visa d’un parent étranger d’un enfant français ;

- l’absence d’attaches familiales et professionnelles du demandeur dans son pays d’origine peut justifier un risque de détournement de l’objet du visa  (CE, 14/12/2011, n° 336146) pour la demande de visa d’un stagiaire ;

- l’absence de qualification et d’expérience professionnelle (CE, 07/11/2008, n°312435) pour la demande de visa du salarié étranger, etc…

Le demandeur se verra alors notifier par courrier la décision de refus la décision de refus de délivrance du visa qu’il a sollicité.

Les motifs justifiant le refus sont indiqués par des cases qui ont été cochées, tels que par exemple :

« le document de voyage présenté est faux/falsifié » ;

« vous n’avez pas fourni la preuve que vous disposez de ressources suffisantes pour couvrir vos frais de toute nature durant le séjour en France, ou vous n’êtes pas en mesure d’acquérir légalement ces moyens » ;

« il existe des éléments suffisamment probants et des motifs sérieux permettant d’établir que vous séjournerez en France à d’autres fins que celles pour lesquelles vous demandez un visa » ;

« les informations communiquées pour justifier les conditions du séjour sont incomplètes et/ou ne sont pas fiables » ;

« vous faites l’objet d’une mesure vous interdisant le retour sur le territoire français » ;

« vous présentez un risque de menace pour l’ordre public / la sécurité publique / la santé publique » ;

« il existe des doutes raisonnables quant à votre volonté de quitter le territoire des Etats membres avant l’expiration du visa » ;

« il existe un risque de détournement de l’objet du visa à des fins de maintien illégal en France après l’expiration de votre visa ou pour mener en France des activités illicites », etc…

Tout l’intérêt est de savoir si le demandeur peut et, si oui, comment contester une décision de refus de délivrance du visa qu’il a sollicité auprès de l’autorité consulaire de son pays d’origine.

Clairement, sans le moindre doute, l’étranger peut contester cette décision de refus dans un délai de deux mois à compter de la date de notification figurant sur le tampon de La Poste au niveau de l’enveloppe, et non pas la date figurant sur la décision. C’est pourquoi il est vivement conseillé de conserver précieusement l’enveloppe.

Ceci étant précisé, le demandeur peut exercer plusieurs types de recours dès réception de la décision.

Dans l’ordre chronologique, il peut d’abord exercer un recours gracieux auprès du consulat où il a déposé sa demande de visa (I). Cela dit ce recours gracieux n’aboutit que très rarement, puisque l’absence de réponse du consulat est fréquente. Il est quand même recommandé de l’exercer, car il permet de donner plus de poids au recours devant la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France (CRRV), qui est au contraire déterminant (II). Ce recours est obligatoire pour pouvoir effectuer en dernière instance un recours contentieux devant le juge administratif (III).

 

I.- Le recours gracieux devant le consulat

Si le demandeur souhaite faire un recours gracieux, il devra le faire le plus rapidement possible, dès le commencement du délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision de refus, car ce recours ne suspend pas le délai en question.

Le recours gracieux consiste à contester la décision auprès de l’autorité consulaire ou diplomatique qui l’a prise.

Il faut alors adresser une lettre recommandée avec accusé de réception au service consulaire auprès duquel la demande de visa a été déposée, afin de prouver ultérieurement que ledit recours a bien été effectué.

Le demandeur doit expliquer dans sa lettre les raisons justifiant sa demande de visa. Il devra joindre à ce courrier les documents et pièces justificatives sur lesquels il se fonde pour développer son argumentation. Il doit joindre également soit une copie du courrier rejetant sa demande de visa, soit la copie de la demande ou tout autre document attestant du dépôt de la demande s’il s’agit d’un refus implicite, c’est-à-dire un refus résultant de l’absence de réponse du consulat.

En cas de rejet du recours gracieux (rejet explicite), ou en l’absence de réponse de l’autorité consulaire (rejet implicite), le demandeur n’a pas d’autre choix que de saisir la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France (CRRV), avant de pouvoir exercer un recours contentieux devant le tribunal administratif territorialement compétent.

 

II.- Le recours préalable obligatoire devant la CRRV

La Commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France (CRRV) est une instance étatique pré-juridictionnelle à compétence nationale chargée d’examiner les recours formés contre les refus de visa avant tout recours contentieux devant le Tribunal administratif de Nantes. Son rôle est de prévenir tout contentieux judiciaire et de permettre au demandeur de visa de bénéficier d’un nouvel examen de sa demande.

La CRRV sert de guichet unique basé à Nantes. C’est pourquoi le recours doit être par courrier recommandé avec accusé de réception avec tous les documents justifiant les arguments à l’adresse suivante :

Commission de recours contre les refus de visa d’entrée en France (CRRV)

BP 83609

44036 NANTES Cedex 1

Ce recours devant la CRRV doit être formé dans un délai de deux mois, soit à compter de la notification de la décision de rejet de la demande de visa. Si l’intéressé ne saisit pas la Commission dans les délais, il perd toute possibilité d’attaquer la décision de refus de visa devant le juge administratif.

Il est obligatoire de faire ce recours, de préférence avec l’aide d’un avocat qui est le mieux à même de développer des arguments juridiques pertinents de nature à contredire les cases cochées en tant que motifs d’ordre juridique.

Ce recours préalable obligatoire est indispensable, à peine d’irrecevabilité du recours contentieux devant le juge administratif.

La CRRV peut :

- soit accueillir favorablement le recours et alors recommander au Ministre des Affaires étrangères et/ou au Ministre de l’Intérieur d’accorder le visa demandé (avis favorable explicite),

- soit rejeter le recours en précisant les raisons justifiant sa décision (rejet explicite),

- soit ne pas répondre au recours dans le délai de deux mois (rejet implicite).

En cas de rejet explicite ou implicite, le demandeur peut, en dernier lieu, saisir le juge administratif par le biais d’un recours contentieux.

 

III.- Le recours contentieux devant le juge administratif

Si la CRRV n’a pas répondu dans un délai de deux mois, le demandeur peut exercer un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Nantes. 

Ce recours contentieux permet de demander au juge administratif l’annulation de la décision de refus de visa, assortie d’une injonction de délivrer le visa s’il a été illégalement refusé (A).

En cas d’urgence, le demandeur peut saisir le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes d’une demande de suspension de la décision de refus de visa (B).

          A.- Le recours en annulation

Sachant que la CRRV dispose d’un délai de deux mois pour rendre sa décision, à l’issue de ce délai, le demandeur devra déposer un recours en annulation dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de rejet de la commission ou de la décision du Ministre des Affaires étrangères et du Ministre de l’Intérieur. Mais il peut aussi être déposé dans les deux mois suivant la saisine de la CRRV si celle-ci n’a pas rendu de décision. 

Il s’agit d’un recours pour excès de pouvoir qui est, en règle générale, préparée par un avocat. Par le biais de ce recours, le juge administratif vérifiera si l’administration a commis ou non une erreur manifeste d’appréciation. Les arguments susceptibles d’être invoqués devant le tribunal administratif sont les suivants :

- Il faut démontrer que les raisons avancées pour venir en France sont exactes et que la demande de visa n’est en rien justifier par une volonté de contourner la loi ou d’en faire un usage illégale.

- Il est aussi possible d’invoquer la violation d’un droit fondamental garanti par des traités internationaux dont la France est signataire, tels que, par exemple, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantissant le droit à la vie privée et familiale.

          B.- Le référé-suspension

Dans l’attente du jugement au fond du juge administratif sur l’annulation du refus de visa, il est possible de saisir le juge des référés du tribunal administratif de Nantes en cas d’urgence d’une demande de suspension de la décision attaquée.

Pour ce faire, il faut qu’il y ait un doute légitime et sérieux sur la légalité de la décision attaquée et que la demande soit justifiée par l’urgence.

Le juge administratif statuera alors dans un délai de 48h.

En tout état de cause, il est recommandé de déposer concomitamment un recours pour excès de pouvoir et un référé-suspension devant le même tribunal administratif.

 

Maître Mourad MEDJNAH

Avocat à la Cour d'appel de Paris

Docteur en droit – Enseignant

Cabinet d’avocats Medjnah

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