La libéralité-partage, catégorie dont fait partie le testament-partage, consiste en effet pour le disposant à réaliser « entre ses héritiers présomptifs, la distribution et le partage de ses biens et de ses droits » (C. civ., art. 1075) (1).

 

Le testament-partage est un document écrit par lequel le testateur exprime ses dernières volontés concernant la répartition de ses biens après son décès.

 

Contrairement au testament ordinaire, il va plus loin en effectuant personnellement la distribution précise de ses biens et droits entre ses héritiers ou légataires, avec une attribution dite privative et spécifique.

 

Contrairement à la donation-partage, le testateur réalise seul cette répartition sans la participation ni le consentement de ses gratifiés, c'est-à-dire sans leur présence ou leur approbation.

 

  • Les conditions pour faire un testament-partage

 

En ce qui concerne le testament-partage, les exigences en termes de forme et de fond sont les mêmes que celles d'un testament ordinaire.

 

  • Les conditions liées au testateur

 

Pour rédiger un testament-partage de manière valide, le testateur doit remplir plusieurs conditions relatives à la validité des libéralités, telles que définies par les articles 901 et suivants du Code civil (2). Il doit être mentalement sain, consentir sans vices (erreur, dol et violence) et posséder la capacité juridique nécessaire.

 

  • La rédaction du testament- partage

 

Le testament-partage est strictement personnel, ce qui signifie qu'il n'est pas possible de rédiger un testament pour deux personnes. Il peut prendre trois formes différentes, et aucune autre (sauf cas très exceptionnels), sous peine de nullité :

 

  • Le testament olographe rédigé de la main du testeur seul ;
  • Le testament authentique rédigé devant notaire ;
  • Le testament mystique ou secret rédiger seul, cacheter et sceller devant notaire.

 

Le testateur rédige intégralement son testament lui-même ou avec le notaire si nécessaire,  à la main afin de garantir qu'il est l'auteur de ces lignes, pouvant être contestées ultérieurement. Il doit également indiquer précisément la date du document (jour, mois et année) et apposer sa signature, car une fausse datation et l'absence de signature peuvent entraîner la nullité du testament.

 

Quant à la rédaction, il n'est pas nécessaire d'utiliser des formulations spécifiques pour qu'un testament-partage soit considéré comme valide.

Cependant, l'indication de cette intention peut s'avérer utile pour éviter d'éventuelles ambiguïtés de qualification, à condition que cette déclaration ne contredise pas le contenu effectif du testament.

 

  • Le contenu du testament-partage

 

Le testament-partage offre au testateur l'opportunité d'exprimer ses dernières volontés et de transmettre ses biens en spécifiant leur répartition précise et individuelle.

 

En ce qui concerne ses biens, le testateur peut léguer tous les biens meubles et immeubles dont il est propriétaire. Pour un dirigeant d'entreprise, cela peut inclure sa société ou d'éventuelles valeurs mobilières qu'il détenait. Les responsabilités liées à ses fonctions de dirigeant d'entreprise peuvent également être transmises à une personne désignée par un mandat à effet posthume.

 

En revanche, le disposant ne peut inclure dans un testament-partage des biens dépendants de la communauté tant que celle-ci n’est pas dissoute. Cette faculté est limitée aux biens dont chacun d’eux a la propriété et la libre disposition. (Cass. 1re civ., 5 déc. 2018, no 17-17493)(3)

 

Par ailleurs, le testateur ne peut pas procéder à une répartition libre de ses biens. Il est tenu de respecter les règles successorales, stipulant que le testateur ne peut exclure ses héritiers réservataires (enfants ou conjoint en l'absence d'enfants) d'une certaine part, dénommée réserve héréditaire. Quant à la part restante, appelée quotité disponible, le testateur a le droit de la transmettre à la ou aux personnes de son choix.

 

Les dispositions de dernières volontés introduites par l'expression « je déclare léguer » ne peuvent être assimilées à un testament-partage, car elles ne conduisent pas à un partage équitable et global de la succession pour prévenir l'indivision. (Arrêt de la Cour d'appel de Riom en date du 7 novembre 2023, numéro 22/000175.) (4)

 

Les biens qui ne figurent pas dans l’acte pourront être attribués ou partagés selon les règles de la dévolution successorale.

 

  • L’exécution du testament-partage

 

Après l'ouverture de la succession, la différence notable avec le testament ordinaire réside dans le fait que cela entraîne les effets d'un partage, et les héritiers ne peuvent contester ce partage. Ils recueillent ainsi leur part conformément à ce qui était prévu dans le testament-partage.

 

La libéralité-partage a un caractère irrévocable. Les biens du défunt spécifiés dans l'acte ne sont plus sujets à un partage ultérieur. Les bénéficiaires ont simplement le choix d'accepter ou de renoncer à la succession, sans la possibilité de demander un nouveau partage. Il n'est pas envisageable de refuser le lot constitué par le défunt et de demander plutôt un partage conventionnel.

 

Le testament-partage est assimilé à un véritable partage, il donne donc lieu à un droit d’enregistrement proportionnel de 2,50% dans un délai de trois mois après le décès du testateur. Cependant, il n’est pas assujetti au droit fixe de testament (125€).

 

  • La portée du testament-partage

 

Sa portée est également notablement plus limitée, comme le souligne une décision de la 1re Chambre civile de la Cour de cassation en date du 5 décembre 2018 (Civ. 1re. 5 déc 2018, F-P+B, n°17-17.493)(3). En l’espèce, le legs de la quotité disponible est-il compatible avec une qualification en testament-partage ?

 

La Cour de cassation offre une réponse didactique à la première problématique soulevée. Interrogée par les requérants sur l'interprétation du dernier testament, la Cour de cassation répond en se référant aux dispositions des articles 1035 et 1036 du Code civil (5). Ainsi, tous les biens, qu'ils soient communs ou propres aux époux, sont attribués aux héritiers présomptifs, illustrant clairement la volonté des testateurs de procéder à la répartition et au partage des biens, même si une partie de la succession tend à favoriser l'un ou l'autre des héritiers. La question demeure de savoir si une atteinte éventuelle à la réserve héréditaire aurait eu un impact sur la situation.

 

  • La contestation d’un testament-partage

 

  1. L’action en réduction

 

Cependant, si le partage porte atteinte à la réserve héréditaire, les héritiers réservataires lésés pourront exercer une action en réduction, conformément aux dispositions de l’article 1077-2 du Code civil (10). En effet, la réserve étant d’ordre public, ils ne peuvent pas être déshérités sur cette part variable selon le nombre d’enfants du défunt.

 

  • Déterminer la masse partageable

 

Les héritiers détiennent des droits intangibles que le défunt ne peut altérer. Le montant de ces droits est défini en fonction du patrimoine du défunt.

 

Avant d'entamer toute procédure de réduction, il est essentiel de reconstituer le patrimoine du défunt tel qu'il aurait été s'il n'avait pas effectué de libéralités. L'objectif est de déterminer les droits légitimes des héritiers réservataires en reconstituant la masse à partager.

 

Pour ce faire, il est nécessaire d'établir un inventaire complet de tous les biens du défunt au jour du décès, incluant leur valeur, et de déduire les dettes. Cette démarche permet d'obtenir l'actif net successoral.

 

Par la suite, il convient également d'ajouter à la masse à partager les donations réalisées de son vivant qu'il s'agisse d'avances sur héritage ou en dehors de la succession. Ces donations seront réintégrées dans le patrimoine à la valeur qu'elles avaient au jour de l'ouverture de la succession, après soustraction des charges qui y sont associées. Une fois cette masse reconstituée, il est nécessaire d'imputer ces libéralités pour procéder au partage.

 

  • Atteinte à la réserve héréditaire

 

La réserve héréditaire représente la portion inaliénable des biens destinée impérativement aux héritiers réservataires. Cela constitue une garantie minimale d'héritage pour les héritiers réservataires. La partie restante, connue sous le nom de quotité disponible, demeure la seule fraction dont le défunt peut disposer librement.

 

L'étendue de la réserve héréditaire varie en fonction des règles de succession, dépendant du nombre d'enfants du défunt et de la présence ou non d'un conjoint. En l'absence de conjoint et d'enfants, aucune réserve héréditaire n'est établie.

 

Si le défunt ne respecte pas les règles successorales en consentant des donations ou legs dont la valeur totale excède la quotité disponible, les héritiers lésés ont le droit d'engager une action en réduction pour la part excédentaire.

 

 

 

Seuls les héritiers réservataires ou leur ayant droit ont le droit d'engager une action en réduction contre une libéralité qui porte atteinte à leurs droits, excluant ainsi les donataires, légataires non-héritiers légaux et créanciers du défunt.

 

Ils bénéficient d'une période de 5 ans à partir de l'ouverture de la succession, ou de 2 ans à partir de la connaissance de la libéralité préjudiciable à leurs droits dans la limite de 10 ans après le décès, pour exercer cette action.

 

En présence d’un testament-partage, c'est-à-dire si le défunt a effectué des legs, la réduction s'appliquera en priorité sur ces legs au prorata, sauf si le testateur a spécifiquement prévu une attribution préférentielle pour certains legs.

 

La réduction peut être effectuée soit en nature, par la restitution du bien et des fruits correspondants à l'excédent, soit en valeur, par le versement d'une indemnité équivalente au dépassement de la quotité.

 

  1. L’action en nullité

 

En toute circonstance, les héritiers ont la possibilité de demander la nullité du testament-partage si ses conditions de validité légales n'ont pas été respectées (sain d'esprit, absence de vice du consentement, capacité, rédaction manuscrite, etc.). Ils peuvent également le faire en cas d'inexécution des obligations prévues par le testament, conditionnant son exécution, et en cas d'ingratitude.

 

Certaines causes de nullité sont particulières au testament-partage.

 

  • Demande de nullité en cas d’attributions facultatives

 

Les testaments qui ne prévoient que des attributions facultatives pour leurs bénéficiaires ne peuvent être qualifiés de testaments-partages, qui est un acte d’autorité par lequel le testateur impose le partage. (Civ. 1re, 13 avr. 2022, FS-B, n° 20-17.199) (6).  Au visa des articles 1075 (1) et 1079 du Code civil (7), elle énonce en attendu de principe que « le testament-partage est un acte d’autorité par lequel le testateur entend imposer le partage ». Or tel n’était nullement le cas puisque la cour d’appel avait constaté que « les attributions prévues par les testaments présentaient un caractère facultatif pour leurs bénéficiaires ». Ces actes ne pouvaient donc pas être des testaments-partages et la cassation est prononcée pour violation des articles 1075 (1) et 1079 du Code civil. (7)

 

  • Demande de nullité du testament-partage portant sur les biens de la communauté ou indivis

 

Le testament-partage ne peut porter que sur des biens dont le testateur a la propriété et la libre disposition, ce qui exclut les biens communs ou indivis.

 

Si les ascendants peuvent partager, par anticipation, leur succession, cette faculté est limitée aux biens dont chacun d’eux a la propriété et la libre disposition et ne peut être étendue aux biens communs ni aux biens propres de leur époux. (Cass. 1e civ. 5-12-2018 n° 17-17.493)(3). En l’espèce, il s’agit d’un cas dans lequel un frère et une sœur contestent la nullité du testament-partage qui concerne des biens de communauté, arguant notamment que l'article 1423 du Code civil (8) valide le legs de biens communs. Cependant, cet argument est rejeté dans un considérant de principe catégorique, soulignant « que si les ascendants peuvent partager, par anticipation, leur succession, cette faculté est limitée aux biens dont chacun d’eux a la propriété et la libre disposition et ne peut être étendu aux biens communs ni aux biens propres de leur époux ; qu’ensuite, les dispositions de l’article 1423 du Code civil ne peuvent s’appliquer qu’aux légataires et non aux héritiers, dont les parts doivent être déterminées au moment même du décès de l’ascendant et ne sauraient être subordonnées au résultat futur et incertain du partage ultérieur de la communauté. »

 

Pour garantir toutefois l'efficacité de ces dispositions, il est recommandé de les accompagner d'une clause pénale sanctionnant l'héritier qui chercherait à les contester, étant donné qu'il s'agit d'une irrégularité n'affectant que des intérêts privés.

 

En revanche, des biens communs peuvent être inclus par les époux dans une donation-partage conjonctive, ou même par un seul des époux dans une donation-partage ordinaire à condition que le conjoint intervienne à l’acte pour donner son consentement.

 

  1. La requalification en testament ordinaire

 

Un testament-partage peut fréquemment être qualifié de l'une des trois manières suivantes, soit il s'agit d'un testament ordinaire comportant des legs préciputaires, si le testateur a cherché à favoriser ses héritiers ; soit il s'agit d'un testament ordinaire comportant des legs rapportables, si le testateur a eu l'intention d'attribuer, d'allotir, de réaliser un partage ; soit enfin il s'agit d'un testament-partage, si le défunt a souhaité proposer ce partage de manière libérale ou l'imposer par un acte d'autorité.

 

Dans le cas où le testament-partage comporte une clause pénale, le testateur déclare alors exclure du partage, c'est-à-dire "exhéréder", l'héritier qui contesterait le partage qu'il a décidé. Ainsi, la clause pénale vise à renforcer les allotissements en dissuadant les bénéficiaires de ce testament-partage d'intenter une action en contestation, sous peine d'être exclus de la succession ou, tout du moins, de voir leur part de réserve réduite.

 

Toutefois, cette clause pénale ne fait pas obstacle à une action en justice fondée sur l'article 1075-4 du Code civil (9), visant à obtenir une réévaluation de la soulte. En effet, le copartageant ne remet pas en question le partage, mais demande simplement la bonne exécution de celui-ci.

 

 

SOURCES :

  1. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006435751#:~:text=Toute%20personne%20peut%20faire%2C%20entre,partage%20ou%20de%20testament%2Dpartage.
  2. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006433635
  3. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037819402?isSuggest=true
  4. https://justice.pappers.fr/decision/a953eda251b9809a460a7eb84f0f5a03
  5. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006434776
  6. https://www.courdecassation.fr/decision/62566d413b20a89542a2c15c
  7. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006435338
  8. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006439565
  9. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006436039
  10. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006435319