La succession, ou transmission du patrimoine d’une personne décédée à ses héritiers, obéit à des règles très différentes selon les pays. En France comme en Angleterre, la succession est une étape juridique essentielle, mais les principes qui la régissent varient considérablement. Cet article compare les régimes successoraux français et anglais en mettant en lumière leurs différences fondamentales.

1. Principes généraux de la succession en France

 

En France, la succession est régie par des règles strictes appelées dévolution légale, qui s’appliquent en l’absence de testament. La loi désigne les héritiers selon un ordre et un degré de parenté, établissant une hiérarchie entre les proches du défunt. Ce système reflète des préférences présumées du défunt en faveur de ses proches les plus immédiats. Deux mécanismes, la représentation et la fente, permettent d’ajuster ce classement dans certaines situations particulières.

 

La dévolution successorale distingue plusieurs situations :

 

  • En l'absence de conjoint survivant : Les héritiers sont classés en quatre ordres (descendants, ascendants privilégiés et collatéraux privilégiés, ascendants ordinaires, collatéraux ordinaires) selon l’article 734 du Code civil (1). Chacun de ces ordres exclut les suivants.

Les héritiers sont classés en quatre ordres selon l’article 734 du Code civil, chacun excluant les ordres suivants : — les descendants : enfants, petits-enfants, etc. ; — le père et la mère (dit ascendants privilégiés) et les frères et sœurs et leurs descendants (dits collatéraux privilégiés). En l'absence de descendant, le père et la mère reçoivent chacun un quart de la succession ; les frères et sœurs se partageant l'autre moitié. Si le défunt ne laisse qu'un ascendant privilégié, les frères et sœurs reçoivent les trois quarts. S'il n'en laisse aucun, ils reçoivent la totalité ; — les ascendants ordinaires : grands-parents, arrière-grands-parents, etc. ; — les collatéraux ordinaires jusqu'au sixième degré inclus ; — à défaut de testament ou de parents jusqu'au sixième degré, la succession revient à l'État, hypothèse aujourd'hui très exceptionnelle.

 

  • En présence d’un conjoint survivant : Le conjoint non divorcé bénéficie de droits sur la succession selon la composition de la famille (présence ou non de descendants, enfants communs ou non, présence des parents du défunt, etc.). Les droits du conjoint survivant sont précisés par les articles 757 et suivants du Code civil (2), et comprennent notamment le choix entre l’usufruit de la totalité de la succession ou le quart en pleine propriété en présence d’enfants communs, et un quart en pleine propriété en présence d’enfants non communs.

Pour les successions ouvertes depuis le 1 er juillet 2002, les droits du conjoint survivant s'établissent comme :

— en présence d'enfants ou de descendants communs exclusivement, le conjoint a droit, à son choix :

• soit à la totalité de la succession en usufruit,

• soit au quart de la succession en toute propriété ;

— en présence d'au moins un enfant ou descendant qui n'est pas issu des deux époux, le conjoint a droit à un quart en toute propriété ; — en l'absence de descendant, le conjoint reçoit :

• la moitié de la succession s'il est en concours avec le père et la mère du défunt, • les trois quarts de la succession en présence seulement du père ou de la mère du défunt,

• la totalité de la succession si le père et la mère sont prédécédés. Toutefois, dans ce dernier cas, les frères et sœurs du défunt (ou leurs descendants) ont droit à la moitié des biens que le défunt a reçue par donation ou succession de leur parent commun et qui se retrouvent « en nature » dans la succession selon l’article 757-3 du Code civil (3) ;

— en outre en toutes circonstances, le conjoint bénéficie :

• d'un droit d'usage gratuit de son habitation et du mobilier la garnissant pendant un an à compter du décès, droit dont il ne peut être privé par le défunt,

• d'un droit d'usage gratuit de son habitation et du mobilier la garnissant jusqu'à son décès, droit dont il ne peut être privé que par le défunt par un testament authentique.

 

  • La réserve héréditaire : La France protège les héritiers réservataires (descendants principalement, parfois le conjoint) en leur attribuant une part minimale du patrimoine, la « réserve héréditaire », qui limite la liberté de testation du défunt.

Selon les termes de l'article 914-1 du code civil (4), il est héritier réservataire à défaut de descendant et d'ascendant car les libéralités, les donations, les legs et les institutions contractuelles ne peuvent pas excéder les trois quarts des biens.

2. Principes généraux de la succession en Angleterre

Le système anglais de succession diffère notablement du système français.

 

Il se caractérise par :

 

  • La liberté testamentaire : En Angleterre, le principe fondamental est la liberté de disposer de ses biens par testament. Il n’existe pas, en droit interne, de réserve héréditaire comparable à celle du droit français ; le testateur peut donc, sous réserve de certaines exceptions (Family Provision), déshériter totalement ses enfants ou son conjoint

 

  • Succession ab intestat (sans testament) : Si aucune disposition testamentaire n’a été prise, les biens du défunt sont répartis selon les Intestacy Rules. Ces règles établissent une hiérarchie stricte des bénéficiaires : le conjoint survivant est généralement prioritaire, suivi des enfants, puis d’autres membres de la famille (parents, frères et sœurs, etc.). Néanmoins, ces règles ne garantissent aucune part minimale comme le ferait la réserve héréditaire française. Il est donc possible, par exemple, que les enfants n’héritent de rien si un conjoint survivant existe et que les actifs sont modestes.

 

  • Family Provision Act : Afin de prévenir les situations d’injustice ou de précarité, le Family Provision Act 1975 offre aux proches du défunt (conjoint, enfants, personnes à charge, parfois même un cohabitant) la possibilité de contester une succession lorsqu’ils estiment ne pas avoir reçu un soutien raisonnable. Cette action vise à obtenir du juge une réallocation des biens du défunt en leur faveur. Cependant, cette protection reste incertaine : elle dépend du contexte, de la situation financière des demandeurs, et de la volonté manifeste du défunt. Elle ne saurait être comparée à la garantie automatique et intangible qu’offre la réserve héréditaire en droit français.

3. Comparaison des régimes successoraux

Aspect

France

Angleterre

Réserve héréditaire

Oui, au profit des descendants (et parfois conjoint)

Non, liberté quasi totale du testateur

Succession ab intestat

Dévolution légale stricte par ordre et degré

Intestacy Rules, hiérarchie des ayants droit

Possibilité de déshériter

Non (pour les héritiers réservataires)

Oui, sauf recours possible des proches auprès du juge

Protection du conjoint

Droits successoraux précis, part variable

Droit à une part selon l’Intestacy Rules ou recours

Fiscalité

Impôt sur la part de chaque héritier

Estate duty sur l’ensemble de la succession

4. Successions franco-anglaises et droit international privé

Depuis le 17 août 2015, le règlement européen n° 650/2012 (5)  (dit « règlement Successions ») s’applique à la plupart des successions internationales impliquant un ressortissant ou des biens situés dans l’Union européenne, à l’exception notable du Royaume-Uni qui n’est pas partie à ce règlement. Ce texte offre notamment la possibilité au défunt de choisir la loi nationale applicable à l’ensemble de sa succession.

 

En effet, le Royaume-Uni a choisi de ne pas participer au règlement. Ainsi, les successions impliquant la France et l’Angleterre sont soumises à un régime complexe, dans lequel il est essentiel de distinguer :

 

  • La localisation des biens (meubles, immeubles)
  • La nationalité et la résidence du défunt
  • L’existence ou non d’un testament et le choix de loi applicable

 

Il peut ainsi arriver que la loi française s’applique à certains biens situés en France tandis que la loi anglaise s’applique à d’autres biens situés outre-Manche, selon les règles de conflit de lois respectives.

5. Fiscalité successorale comparée

En France, les droits de succession sont calculés sur la part recueillie par chaque héritier, selon un barème progressif et des abattements qui dépendent du lien de parenté.

 

En Angleterre, c’est l’ensemble du patrimoine successoral (estate) qui est imposé (estate duty), avec des abattements et un taux d’imposition qui s’applique sur le total de la succession avant répartition entre les héritiers. Les abattements et exonérations sont également différents, notamment pour le conjoint survivant qui bénéficie d’une exonération totale au Royaume-Uni.

 

SOURCES :

 

  1. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006430952
  2. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006431087
  3. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006431238
  4. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006433720
  5. https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32012R0650
  6. https://www.lexbase.fr/texte-de-loi/reglement-ue-n-6502012-du-parlement-europeen-et-du-conseil-04072012-relatif-a-la-competence-la-loi-a/L8525ITW.html#:~:text=Testez%2Dnous-,R%C3%A8glement%20(UE)%20n%C2%B0%20650%2F2012%20du%20Parlement%20europ%C3%A9en,d'un%20certificat%20successoral%20europ%C3%A9en