La mise sous tutelle est une mesure de protection juridique prévue par le Code civil, visant à protéger les personnes majeures dont les facultés mentales ou corporelles sont altérées au point de ne plus pouvoir exprimer leur volonté ou gérer leurs intérêts. Cependant, une telle décision peut faire l'objet d'une contestation si elle est jugée inappropriée ou injustifiée.
Contester une mise sous tutelle est un droit pour toute personne concernée ou pour ses proches. Cette contestation doit reposer sur des bases solides, qu’il s’agisse d’une insuffisance de motivation, d’un non-respect des principes légaux ou de nouveaux éléments démontrant l’inutilité de la mesure.
- Les fondements juridiques de la mise sous tutelle
La mise sous tutelle repose sur plusieurs principes directeurs, notamment ceux de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité.
En vertu de l'article 428 du Code civil (1) :
- La mesure ne peut être décidée que si elle est strictement nécessaire pour protéger la personne.
- Elle doit être subsidiaire, c’est-à-dire qu’un régime moins contraignant comme la curatelle ou la sauvegarde de justice doit être privilégié si cela suffit à protéger la personne.
- Elle doit être proportionnée à l'état de la personne protégée.
Pour être placée sous tutelle, deux conditions cumulatives doivent être remplies :
- Une altération médicalement constatée des facultés mentales ou corporelles empêchant l’expression de la volonté de la personne (C. civ., art. 425 (2).
- La nécessité pour cette personne d’être représentée d’une manière continue dans les actes de la vie civile (C. civ., art. 440 (3).
Le certificat médical circonstancié établi par un médecin inscrit sur une liste du procureur de la République est obligatoire à peine d'irrecevabilité de la demande de mise sous tutelle (C. civ., art. 431(4) ; C. pr. civ., art. 1218 (5). Ce certificat doit détailler l’altération des facultés, son évolution possible et ses conséquences sur la capacité de la personne à gérer seule ses intérêts (C. pr. civ., art. 1219 (6).
- Les motifs de contestation d’une mise sous tutelle
Une mise sous tutelle peut être contestée pour plusieurs raisons, notamment :
- Absence de constat médical conforme : Si le certificat médical n’a pas été établi par un médecin inscrit sur la liste du procureur ou si ses conclusions ne justifient pas la mise sous tutelle (Civ. 1re, 15 juin 1994, n° 92-19.680 (7) ; Civ. 1re, 29 juin 2011, n° 10-21.879 (8).
- Non-respect des principes de nécessité et de proportionnalité : Si une mesure moins contraignante (curatelle ou sauvegarde de justice) aurait suffi pour protéger la personne (Civ. 1re, 7 nov. 2012, n° 11-23.494 (9) ; C. civ., art. 428 (1).
- Insuffisance de motivation du jugement : Les juges doivent expliquer pourquoi la tutelle est nécessaire, en détaillant les éléments justifiant une représentation continue dans les actes de la vie civile (Civ. 1re, 12 oct. 2022, n° 21-14.887(10).
- Éléments nouveaux : Si des faits ou des preuves nouvelles démontrent que la tutelle n’est plus nécessaire ou que la situation de la personne a évolué (Civ. 1re, 11 mai 2016, n° 15-21.241 (11).
- Les démarches pour contester une mise sous tutelle
4.1. Le recours devant la juridiction compétente
Le recours contre une décision de mise sous tutelle doit être formé devant la cour d’appel compétente. Ce recours obéit à des règles précises, notamment :
Le délai pour contester une mise sous tutelle est fixé à 15 jours à compter de la notification du jugement (C. pr. civ., art. 1239 (12).
Si la notification intervient à une personne résidant en outre-mer, le délai est augmenté d’un mois (C. pr. civ., art. 644). (13)
Le recours peut être formé par une déclaration au greffe de la juridiction de première instance ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (C. pr. civ., art. 1242 (14) ; Cass. 1re civ., 11 juill. 2013, n° 12-23.091 (15).
La lettre recommandée n’est pas une formalité substantielle, mais elle est recommandée pour éviter les contestations sur la date de dépôt du recours (Cass. 1re civ., 11 juill. 2013, n° 12-23.091 (15).
Le recours à un avocat n’est pas obligatoire en matière de contestation de tutelle (C. pr. civ., art. 1239 (12).
4.2. Les arguments à présenter lors du recours
Pour contester une mise sous tutelle, il est essentiel de présenter des arguments solides, tels que :
- L’absence de justification médicale suffisante : Par exemple, si le certificat médical ne décrit pas une altération des facultés empêchant l’expression de la volonté (Civ. 1re, 3 janv. 2006, n° 02-19.537) (16).
- L’évolution de la situation de la personne protégée : Si la personne a recouvré une partie de ses facultés ou si une mesure moins contraignante suffit désormais à la protéger.
- Le non-respect des droits fondamentaux : Toute atteinte disproportionnée aux libertés individuelles ou à la dignité de la personne protégée peut être invoquée (C. civ., art. 415 (17).
- Décisions possibles de la cour d’appel
Une fois le recours examiné, la cour d’appel peut :
- Confirmer la mise sous tutelle : Si elle estime que les conditions légales sont remplies et que la mesure est nécessaire.
- Réformer la décision de mise sous tutelle : En la remplaçant par une mesure moins contraignante, comme une curatelle ou une sauvegarde de justice.
- Annuler la décision de mise sous tutelle : Si les conditions légales ne sont pas réunies ou si la procédure est entachée d’irrégularités.
- Pourvoi en cassation
Si la décision de la cour d’appel est contestée, un pourvoi en cassation peut être formé. Le délai pour se pourvoir en cassation est de deux mois à compter de la notification de l’arrêt d’appel (C. pr. civ., art. 612 (18). La personne protégée peut également former seule un pourvoi en cassation si la décision attaquée concerne un acte strictement personnel (Civ. 1re, 6 nov. 2013, n° 12-23.766 (19).
SOURCES :
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038311088
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006427435
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006427481
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038310450
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038810487#:~:text=Version%20en%20vigueur%20depuis%20le%2025%20juillet%202019,-Modifi%C3%A9%20par%20D%C3%A9cret&text=Celui%2Dci%20pr%C3%A9cise%2C%20dans%20la,relatif%20notamment%20%C3%A0%20son%20autonomie.
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038810482
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007032762
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000024292566/
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000026608949
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000046437360?init=true&page=1&query=21-14.887&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000032531655
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038810391
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000034747120
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000021538160
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000027702002
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007049978
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006427566
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006410964
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000028175011
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