La donation-partage ne constitue pas un partage ordinaire que les attributaires peuvent contester mais un partage fait par l’ascendant de son vivant et selon sa seule volonté. Le partage d’ascendant se forme dès que l’un des enfants a accepté son lot ; le refus de certains bénéficiaires est sans effet sur la validité et l’opposabilité de la donation-partage (Cour de cassation 1ère chambre civile du 13 février 2019, n° 18-11.642 : JurisData n° 2019-001941).

La donation-partage est à la fois une donation et un partage permettant de répartir de son vivant tout ou partie de ses biens entre ses héritiers présomptifs (Code civil article 1076 à 1078-3) en anticipation de la succession. Ayant un domaine exclusivement familial (Code civil, article 1075 à 1075-5), la donation-partage suppose la présence de plusieurs héritiers qui peuvent l'être à des degrés différents (Code civil, article 1078-4 à 1078-10) et nécessite l'intervention d'un notaire.

Les époux peuvent également se faire réciproquement une donation-partage. Le donateur peut effectuer une donation-partage avec réserve d'usufruit. Ainsi, le donateur d'actions peut se réserver la perception des dividendes afférents aux actions qu'il transmet.

La donation-partage est également de façon générale, une donation actuelle consentie par un ascendant à ses enfants, et contenant répartition entre tous les attributaires des biens donnés. Ainsi, de son vivant et sous son autorité, l'ascendant répartit-il son patrimoine, ce qui a généralement l'avantage d'éviter tout litige ultérieur. Certes, le consentement des donataires est nécessaire pour que la donation-partage soit valablement formée.

La donation-partage est irrévocable et immédiate. Mais les causes légales de révocation lui sont applicables : ingratitude, inexécution des charges et survenance d’enfant.

La donation-partage n’est pas rapportable. Certes, elle représente une avance de part, mais puisqu’elle opère un partage égalitaire, il n’y a pas besoin de recourir au rapport pour préserver l’égalité successorale (Cour de cassation, 1ère chambre civile du 4 juillet 2018, n° 16-15.915 : JurisData n° 2018-011768).

Toutefois, les donataires ne sauraient en aucun cas modifier, de leur seule volonté, la composition des lots. A fortiori, ils ne pourraient nullement accepter la répartition des lots au jour de la donation-partage, pour la remettre en cause au jour du décès du disposant. Le partage opéré par voie de donation-partage est en principe définitif, sauf les possibilités de contestations ultérieures, contestations qui ne peuvent uniquement se fonder sur une remise en cause des modalités du partage.

Un vent de contestation ne risquerait-il pas de naître au décès du donateur contre cette égalité arrangée, laissant planer un risque d'action en réduction ?

 

  1. CONDITIONS DES DONATIONS PARTAGES

 

  1. Conditions tenant aux personnes

Donation-partage au profit des présomptifs héritiers. Jusqu'au 1er janvier 2007, le Code civil désignait les donations partages sous la dénomination de partages d'ascendants. En effet, de telles libéralités n'étaient possibles qu'entre ascendants et descendants si l'on excepte la faculté introduite par la loi du 5 janvier 1988 (L. n° 88-15, 5 janv. 1988 : JO, 6 janv.) pour faciliter la transmission d'entreprises.

Désormais, la donation-partage peut être consentie à des personnes qui ne sont pas des descendants du donateur, mais qui ont la qualité de présomptifs héritiers. C'est ainsi qu'une personne célibataire et sans enfants pourra, par donation-partage, transmettre tout ou partie de ses biens à ses frères et sœurs, ou le cas échéant, ses neveux et nièces si ceux-ci, en l'absence de descendants, sont ses présomptifs héritiers.

Le conjoint survivant ayant aujourd'hui la qualité d'héritier, il sera également possible de réaliser une donation-partage entre lui et les descendants (voire un descendant unique).

Donations-partages au profit de personnes non-héritières. La loi du 23 juin 2006 (L. n° 2006-728, 23 juin 2006 : JO, 24 juin) organise dans deux cas une possibilité de donation-partage à laquelle concourent des personnes n'ayant pas la qualité d'héritiers.

La première reprend une technique introduite par la loi du 5 janvier 1988 (L. n° 88-15, 5 janv. 1988 : JO, 6 janv.) permettant de faire concourir à la donation-partage, avec les présomptifs héritiers, des personnes étrangères à la succession lorsqu'une entreprise individuelle ou sociétaire se trouve comprise parmi les biens donnés. Dans ce cas, les étrangers à la succession ne peuvent être allotis qu'au moyen des droits sociaux ou des éléments de l'entreprise individuelle (Code civil, article 1075-2).

La seconde est plus innovante : elle autorise la réalisation d'une donation-partage au profit de descendants de degrés différents. Cette libéralité qualifiée de « transgénérationnelle » répond au souci d'assurer plus rapidement une transmission, partielle ou totale, au profit de bénéficiaires plus jeunes et ce compte tenu de l'accroissement constant de l'espérance de vie.

Elle conduit le disposant à donner non pas à ses enfants mais aux descendants de ceux-ci (Code civil article 1078-4 et s.). Elle suppose obligatoirement l'intervention à l'acte non seulement des bénéficiaires mais aussi de ceux des enfants qui acceptent ainsi de ne pas recevoir leur part et de laisser le donateur transmettre directement à leurs propres enfants (Code civil article 1078-5).

Cette libéralité directe au profit des petits enfants peut ne concerner qu'un enfant ou qu'une partie des biens. Il est dès lors possible de procéder à une donation-partage en présence d'un enfant unique et de l'enfant de celui-ci, chacun recevant par exemple la moitié des biens donnés.

Compte tenu de la rédaction très générale de l’article 1075-1 du Code civil, la libéralité transgénérationnelle peut être réalisée par la voie d'un partage testamentaire.

 

  1. Conditions tenant aux biens

Le partage d'ascendant réalisé par acte entre vifs obéit aux conditions générales de la donation et ne peut donc comprendre que des biens présents. De même, il peut prévoir que certaines dettes déterminées soient mises à la charge des donataires, mais ne peut leur imposer le paiement de dettes qui n'existent pas encore à l'époque du partage d'ascendant.

Le donateur peut comprendre dans le partage d'ascendant tout ou partie de ses biens existants.

Rien ne s'oppose cependant à ce qu'un des donataires soit alloti au moyen d'une soulte payable au décès de ses parents (ou à un autre terme). Cette soulte, qui a le caractère d'une créance, constitue en effet un bien présent qui fera seulement l'objet d'une réévaluation conformément à l’article 833-1 du Code civil.

 

  1. COMMENT CONTESTER UNE DONATION-PARTAGE ?

 

  1. Par principe la donation-partage ne peut être contester comme le rappelle la Cour de cassation en son arrêt du 3 Février 2019 – n° 18-11.642

L'article 1076, alinéa 2, du Code civil, autorise la décomposition de cette opération hybride qu'est la donation-partage. Le texte permet à celui qui entend partager ses biens entre ses héritiers présomptifs de procéder « par actes séparés » : d'abord, une donation de droits indivis ; puis, plus tard (mais toujours sous l'autorité du donateur), une répartition des biens donnés. Cette dissociation peut être source de difficultés lorsque certains enfants qui ont participé au premier acte refusent de venir au second.

En l'espèce, un père de famille avait, dans un premier temps, consenti une donation-partage à ses quatre enfants. Chaque lot était constitué de biens immobiliers, de titres de sociétés et de 15 % des œuvres d'art figurant sur une liste annexée à l'acte. À l'égard de ces œuvres d'art, aucun partage immédiat n'était opéré ; le disposant se réservant la faculté d'y procéder ultérieurement. L'acte initial a été accepté par tous. Mais, lorsqu'est venu le temps de la répartition des œuvres, des dissensions se sont fait jour. Seulement deux des quatre enfants ont accepté le lot constitué par leur père ; l'une des contestataires a même sollicité l'annulation de l'acte de partage en invoquant l'inégalité des lots et une composition contraire aux prévisions de l'acte de donation initial.

La cour d'appel de Paris a refusé de faire droit à cette demande. Dans un arrêt infirmatif solidement motivé, elle a expliqué, d'une part, que la donation-partage « n'aboutit nullement à un partage ordinaire qui pourrait être contesté par les attributaires, mais (qu'elle) constitue un partage fait par l'ascendant de son vivant et qui procède de sa seule volonté » ; d'autre part, « que les donataires copartagés n'ont que la possibilité d'accepter ou de refuser les lots que le donateur a composés, étant précisé que le partage d'ascendant se forme dès que l'un des enfants a accepté son lot, et qu'en l'espèce deux enfants l'ont accepté ».

Le pourvoi en cassation a bien essayé de tirer argument de la force obligatoire du premier contrat, afin d'obtenir une vérification de la conformité du partage à la donation. Mais la Cour régulatrice a rejeté ses critiques, en renouant explicitement avec la motivation des juges parisiens. Pour la première chambre civile, la donation-partage a été régulièrement formée en deux temps et son efficacité n'est pas sujette à contestation.

  1. De manière exceptionnelle, la contestation de la donation-partage peut se faire en cas d’atteinte à la réserve héréditaire

Les possibilités limitées de contestation de la donation-partage. Ainsi que le rappelle la Cour de cassation, la répartition organisée par la donation-partage est à la libre appréciation du donateur. Celui-ci n'est pas obligé d'appeler tous ses héritiers présomptifs (depuis la réforme de 1971, l'omission d'enfant n'est plus une cause de nullité) ; par ailleurs, il lui est loisible de répartir comme il l'entend les biens qu'il distribue. Le seul élément modérateur est l'action en réduction offerte aux héritiers réservataires. L'enfant qui n'a été appelé au partage ou qui n'a pas obtenu sa part individuelle de réserve peut opérer un prélèvement sur les biens existants (Code civil article 1077-1) et, à défaut, demander la réduction des lots excessifs de ses cohéritiers.

À la suite de la Cour de Paris, la Cour de cassation refuse de vérifier si la répartition des œuvres d'art respecte bien les limites définies par l'acte de donation. Pourtant, si certains lots avaient au jour du partage une valeur inférieure aux 15 % donnés indivisément, il aurait été possible d'invoquer une atteinte à l'irrévocabilité spéciale (Code civil article 894 et 944 combinés). Or, conformément à l'adage « Donner et retenir ne vaut », il n'était pas au pouvoir du donateur de reprendre, au moment des allotissements, ce qu'il avait antérieurement donné. Toutefois, l'argument n'a pas été soulevé par le pourvoi ; sans doute parce qu'il ne correspondait pas à la réalité des faits.

Économiquement, le litige trouvait sa source dans la forte augmentation de valeur de certaines œuvres d'art entre les deux actes. On était loin, en conséquence, d'une révocation implicite de la donation par le partage.

La donation-partage permet de gratifier dans un acte unique une assez large diversité de personnes : présomptifs héritiers, réservataires ou non, enfants communs et non communs, descendants de degrés différents, tiers appelés à recevoir l'outil professionnel du disposant.

La réserve héréditaire. L'héritier est le continuateur de la personne du défunt. Il est immédiatement titulaire des droits et actions qui lui ont été transmis à cause de mort et, grâce à la saisine, il est habile à les mettre en œuvre.

L'action en réduction est une action spéciale par laquelle un héritier réservataire peut obtenir des bénéficiaires de libéralités consenties par le de cujus au-delà de la quotité disponible la restitution de la part excédentaire de ces libéralités afin de rétablir la réserve héréditaire qui a été entamée.

Le descendant, qui n'a pas concouru à la donation-partage ou qui a reçu un lot inférieur à sa part de réserve, peut exercer l'action en réduction s'il n'existe pas à l'ouverture de la succession des biens non compris dans le partage et suffisants pour composer ou compléter sa réserve, compte tenu des libéralités dont il a pu bénéficier (Code civil article 1077-1).

Cette action est la seule susceptible d'être exercée contre la donation-partage. Son exercice est subordonné à la condition qu'il n'existe pas de biens suffisants : c'est dire que l'enfant qui n'aurait reçu aucun bien dans la donation-partage ou qui aurait refusé d'accepter son lot, ne pourra remettre en cause les attributions faites par l'ascendant s'il existe des biens suffisants pour compléter sa réserve. En aucun cas l'action en réduction ne peut avoir pour but de parvenir à l'égalité dans le partage.

SOURCES :

 

  1. https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000026607753&fastReqId=689070995&fastPos=1
  2. https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070721&idArticle=LEGIARTI000006433311
  3. https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000038161200&fastReqId=749741213&fastPos=1
  4. https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000029790347&fastReqId=1767928843&fastPos=1