Visée par les articles 1515 à 1519 du Code civil, la clause de préciput est une convention offrant à l’époux bénéficiaire, en cas de survie, la faculté de prélever, avant le partage et sans qu’aucune contrepartie ne soit due, une certaine somme ou certains biens faisant partie de la communauté. La clause de préciput constitue une modalité de partage, à titre gratuit (à la différence de la clause de prélèvement :et à titre particulier (à la différence de la stipulation de parts inégales et de la clause d’attribution intégrale de la communauté.

Intérêts de la clause – La clause de préciput présente des intérêts identiques à ceux relevés au sujet de la clause de prélèvement moyennant indemnité. Elle présente, toutefois, un intérêt supplémentaire par rapport à cette dernière, à savoir son caractère gratuit. La clause de préciput peut ainsi être utilisée afin de compenser des apports inégaux faits par les époux au moment du mariage, ou de permettre à l'époux entrepreneur de devenir propriétaire de son entreprise, de son fonds, de son exploitation, sans avoir à verser une quelconque indemnité, ou encore pour favoriser le conjoint survivant.

Bénéficiaires – L'article 1515 du Code civil prévoit que la clause de préciput peut être stipulée au bénéfice, soit de l'époux survivant, soit de l'un des époux nommément désignés s'il survit à son conjoint. En cas de dissolution de la communauté du vivant des époux, l'article 1518 du Code civil précise qu’« il n'y a pas lieu à la délivrance actuelle du préciput ; mais l'époux au profit duquel il a été stipulé conserve ses droits pour le cas de survie, sous réserve de l'article 265 ».

Concernant le préciput portant sur une espèce donnée de biens, celle-ci est un ensemble de biens déterminables par leur nature ou leur affectation, telle la clause de préciput visant le mobilier du ménage, les meubles meublants ou encore les meubles affectés à une entreprise commerciale. L'objet particulier de ce préciput conduit à souligner qu'il peut être, dans ce cas, soit illimité, c'est-à-dire sans qu'un plafond maximum en quantité ou en valeur ait été fixé par les parties, soit limité, lorsque le préciput ne pourra être exercé qu'à concurrence d'un certain montant ou d'une certaine quantité, soit mixte, lorsque les parties auront stipulé que l'époux bénéficiaire pourra prélever tous les biens faisant l'objet du préciput, à charge pour cet époux d'indemniser la communauté lorsque le prélèvement excédera une certaine valeur.

 

  1. De la clause de préciput

 

  1. Gain de survie

Le préciput ne paraît qu’être stipulé qu’au profit du survivant des époux, d’après les termes de l’article 1515 du Code civil. En théorie il est susceptible d’être maintenu au profit du survivant, malgré la survenance d’un divorce, par l’effet des articles 265 du Code civil et suivants.

En pratique, il est devenu rarissime, et inopportun de rencontrer des avantages matrimoniaux stipulés pour le cas de dissolution autres que le décès.

Autrement dit :

  • Ou bien la communauté est dissoute par le décès de l’un des époux et le préciput offre immédiatement au survivant une faculté de prélèvement,

 

  • Ou bien la communauté est dissoute par une autre cause, et le préciput est caduc par l’effet même des termes de la clause qui le contient.

 

Un doute subsiste cependant sur la possibilité de prévoir un préciput avec effet immédiat en cas de dissolution de la communauté du vivant des époux. Constituant ainsi un gain de survie, elle permet donc à l’époux bénéficiaire de réclamer au moment de la dissolution le bien objet du préciput.

 

  1. Effets de la clause

L’article 1516 du Code civil tranche la question de la nature de la clause de préciput en précisant que le préciput « n’est point regardé comme une donation, soit quant au fond, soit quant à la forme, mais comme une convention de mariage et entre associés ».

 La formule « entre associés », signifie, de manière un peu ambiguë, que la clause de préciput constitue une opération de partage, de sorte que l’époux bénéficiaire exerce la clause en qualité de copartageant et non de donataire.

C’est, du reste, cette nature d’opération de partage qui explique que l’époux bénéficiaire ne peut exercer le préciput que sur l’actif net commun. Elle explique également l’application de l’effet déclaratif du partage, de sorte que l’époux attributaire sera réputé être propriétaire du bien prélevé dès le jour de la dissolution de la communauté.

En outre, lorsque les époux sont mariés dans le cadre d’un régime communautaire, lors du décès de son conjoint, le conjoint survivant récupère, en plus de ses biens propres, la moitié des biens communs, et une part dans l’actif successoral.

La clause de préciput permet de récupérer une part plus importante. Par exemple, les époux peuvent prévoir que sera transmis un appartement ou une maison ou un contrat d’assurance-vie au conjoint survivant.

La clause de préciput peut concerner un bien immobilier ou mobilier, mais également un contrat d’assurance-vie qui a été alimenté par des fonds communs aux deux époux. La clause peut s’opérer en totale propriété, mais aussi en usufruit ou nue-propriété.

 

  1. La contestation de la clause préciputaire

 

  1. Contester la clause de préciput par une action en retranchement

Le principe qui sous-tend l'action en retranchement est d'une grande logique. Si un époux s'est remarié sous un régime communautaire alors qu'il avait déjà des enfants, et a consenti à son nouveau conjoint des avantages matrimoniaux destinés à accroître les droits de ce même conjoint dans la communauté, les enfants dont il s'agit, s'ils n'avaient disposé d'aucun recours, se seraient trouvés définitivement lésés en cas de prédécès de leur auteur. Faute, en effet, d'être rattachés au conjoint survivant par un lien de filiation qui leur eût permis de venir ultérieurement à la succession de celui-ci sauf l'éventualité toujours aléatoire d'en hériter en qualité de légataires ils auraient perdu tout droit sur les biens constitutifs des avantages matrimoniaux bénéficiant audit conjoint.

C'est pour éviter pareille situation qu'a été instituée l'action en retranchement. Étant observé toutefois que même exercée avec succès, elle ne réinvestit pas les enfants non communs de l'intégralité des droits qui eussent été les leurs en l'absence d'avantages matrimoniaux au profit du survivant ; elle a seulement pour but et pour effet de leur fournir, dans la succession du prémourant, la fraction de leur réserve entamée par ces mêmes avantages matrimoniaux considérés, en la circonstance, comme constituant des donations.

Antérieurement à la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001, le bénéfice de l'action en retranchement n'était formellement conféré qu'aux seuls enfants issus d'un précédent mariage et la disposition légale avait été interprétée de manière stricte par la Cour de cassation. Cette attitude était certainement discutable dans la mesure où elle privait de toute initiative en la matière les enfants naturels du prédécédé, dont les intérêts étaient pourtant identiques à ceux des enfants légitimes et qui, au surplus, leur étaient assimilés à tous autres égards. C'est pourquoi la loi précitée – qui, par ailleurs, assimilait également aux enfants légitimes les enfants dits « adultérins » – a modifié ce qui était alors le second alinéa de l'article 1527 du Code civil afin d'ouvrir le bénéfice de l'action à tous les « enfants qui ne seraient pas issus des deux époux. ».

Enfants communs – Les enfants communs, issus tant de l'époux prédécédé que de son nouveau conjoint, bénéficiaire des avantages matrimoniaux, sont dépourvus de toute possibilité d'exercer l'action en retranchement. Il avait pu être soutenu que certains arrêts étaient susceptibles d'être interprétés dans un sens différent. Mais cette opinion n'a pas prévalu. Se trouvent dans une situation identique les enfants ayant fait l'objet d'une adoption plénière de la part de l'époux prédécédé et de son nouveau conjoint puisque ces enfants sont entièrement assimilés à des enfants communs de l'un et de l'autre.

Bénéfice du retranchement – Lorsque, l'action en retranchement ayant été exercée, il apparaît qu'effectivement, les avantages matrimoniaux dont bénéficie le conjoint survivant excèdent la quotité disponible entre époux, ces avantages se trouvent réductibles. Dans la mesure toutefois où cette action constitue, fondamentalement, une action en réduction, elle a vocation à reconstituer la réserve globale dans la teneur qui aurait dû être la sienne en l'absence d'avantages matrimoniaux excessifs. Par conséquent, alors que les enfants communs n'ont pas qualité pour exercer l'action, ils bénéficient néanmoins, en leur qualité d'héritiers réservataires du prémourant, du résultat de son exercice.

 

  1. Contester la clause de préciput qui empiéterait sur la réserve héréditaire

Selon l’article 912 issu de (L. no 2006-728 du 23 juin 2006), la réserve héréditaire est la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s’ils sont appelés à la succession et s’ils l’acceptent.

L’action en réduction est une action spéciale par laquelle un héritier réservataire peut obtenir des bénéficiaires de libéralités consenties par le de cujus au-delà de la quotité disponible la restitution de la part excédentaire de ces libéralités afin de rétablir la réserve héréditaire qui a été entamée. En effet, la réserve héréditaire, telle que définie à l’article 912 du Code civil, est sanctionnée par la réduction des libéralités excédant la quotité disponible.

L’action en réduction est une action spéciale par laquelle un héritier réservataire peut obtenir des bénéficiaires de libéralités consenties par le de cujus au-delà de la quotité disponible la restitution de la part excédentaire de ces libéralités afin de rétablir la réserve héréditaire qui a été entamée. Son but, selon l’expression de Demolombe, « est de ramener finalement toutes les libéralités excessives au taux de la quotité disponible ».

C’est la seule sanction prévue par la loi en cas de dépassement de la quotité disponible. L’exercice de l’action en réduction est donc absolument indispensable pour faire réduire une libéralité empiétant sur la réserve héréditaire. C’est pourquoi la demande de réduction d’une libéralité excessive n’est soumise à aucun formalisme particulier.

Ainsi, toute clause de préciput qui excéderait, la réserve héréditaire qui d’ordre public, devra être réduite par l’action des héritiers réservataires (l’action en réduction n’appartient qu’aux seuls héritiers réservataires, c’est-à-dire, pour reprendre la formule de l’article 921 du Code civil, “à ceux au profit desquels la loi fait la réserve” (Cass. req., 1er juill. 1913 : DP 1917, 1, p. 46), ce qui est en parfaite conformité avec la fonction de la réduction qui est la protection de la réserve héréditaire. Par ailleurs, parmi lesdits héritiers réservataires, seuls ceux qui ont accepté la succession).

 

SOURCES :