L'indivision se définit comme la situation de deux ou plusieurs personnes qui sont propriétaires ensemble d'un même bien, sans qu'il y ait division matérielle des parts. Les textes qui réglementent l'indivision (Code civil, art. 815 à 842) n'en donnent pas de définition légale, celle-ci résulte de la jurisprudence.

L’indivision peut être constituée de manière involontaire (régime légal) : c'est le cas, par exemple, en matière de succession (en attendant que la succession soit liquidée) ou de divorce (lors de la dissolution de la communauté conjugale). Elle peut également être volontaire (régime conventionnel), ce qui est le cas lors de l'achat d'un bien à plusieurs. Elle peut aussi résulter d'une donation ou de la dissolution d'une société.

Les droits des divers titulaires doivent être de même nature. Ainsi, le droit de l'usufruitier étant différent de celui de propriétaire, il n'y a pas indivision entre l'usufruitier et le nu-propriétaire d'une même chose, mais démembrement de la propriété (Cour de cassation, 1re chambre civile du 17 octobre 2019, n° 18-23.689). En revanche, il peut y avoir indivision entre plusieurs usufruitiers, plusieurs nus-propriétaires ou plusieurs propriétaires. Cela n'implique pas que les indivisaires soient titulaires de parts indivises égales.

L'organisation de l'indivision, aussi bien légale que conventionnelle, a été remaniée plusieurs fois. La dernière réforme majeure résulte de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions qui a modifié profondément certains des textes fixant le statut juridique de l'indivision.

L'entrée en vigueur de la loi du 23 juin 2006 a été fixée au 1er janvier 2007. Les dispositions relatives au partage s'appliquent à toutes les indivisions existantes au jour de l'entrée en vigueur de la loi et aux successions ouvertes non encore partagées à cette date, sauf s'il existe une instance en cours. Celles qui concernent les successions s'appliquent à toutes les successions ouvertes à compter de son entrée en vigueur, même si le défunt a consenti des libéralités antérieures à celle-ci (L. 23 juin 2006, art. 47).

S’agissant des mesures conservatoires : Les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis sont, selon la Cour de cassation, les « actes matériels ou juridiques ayant pour objet de soustraire le bien indivis à un péril imminent sans compromettre sérieusement le droit des indivisaires ». La formule vise des situations de fait qui sont livrées à l’appréciation souveraine des juges du fond. Le caractère conservatoire est apprécié cas par cas, la décision devant relever la nécessité de la mesure sollicitée.

Tout indivisaire peut-il accomplir seul un acte conservatoire ?

La Cour de cassation dans sa 3e chambre civile du 28 mai 2020 a estimé que « tout indivisaire peut accomplir seul un acte conservatoire ».  

La Cour de cassation estime donc qu’ « en statuant ainsi, alors que l’action engagée, en ce qu’elle avait pour objet la liquidation d’une astreinte prononcée en vue d’assurer la remise en état de biens indivis, constituait un acte conservatoire que tout indivisaire peut accomplir seul, la cour d’appel a violé le texte susvisé, par refus d’application ».

 

  1. Actions constitutives d’actes conservatoires

 

  1. Actes de mesures conservatoires

Les Actions en revendication de la propriété indivise d’une parcelle constituent des mesures conservatoires. Il faut ajouter la propriété indivise d’un cimetière familial et la propriété indivise d’installations de chauffage.

Entre également dans cette ligne, l’action tendant à constater l’aggravation d’une servitude de passage grevant le fonds indivis y compris l’expulsion de l’action ayant pour objet l’expulsion d’un occupant sans droit ni titre, le commandement de quitter les lieux en exécution d’un titre d’expulsion.

Aussi la déclaration de créance à une procédure collective. En effet, tout indivisaire peut déclarer une créance de l’indivision à la procédure collective du débiteur de l’indivision.

Constituent également des actes conservatoires, la réclamation ou la demande relative à une opération d’aménagement foncier agricole (CAA Bordeaux, 4e ch., 2 mai 2002, n° 99BX00257), la demande tendant à faire cesser des voies de fait sur un terrain indivis et à sa remise en état et l’action ayant pour objet la liquidation d’une astreinte.

Enfin, le remboursement d’emprunts peut aussi être considéré comme une mesure nécessaire à la conservation du bien indivis (conservation juridique afin d’éviter la résolution ou la saisie).

 

  1. Défaut de mesures conservatoires

L’un quelconque des indivisaires a le pouvoir de prendre seul les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d’urgence (Code civil, art.  815-2, al. 1er).

En cas de biens indivis grevés d’usufruit, les pouvoirs reconnus à l’indivisaire en matière d’actes conservatoires sont opposables à l’usufruitier dans la mesure où celui-ci est tenu des réparations (Code civil, art.  815-2, al. 4). Un indivisaire nu-propriétaire peut donc obliger l’usufruitier à supporter les réparations d’entretien (conformément aux dispositions de l’article 605 du Code civil). Toutefois, il a été jugé que l’usufruitier ne peut être obligé aux travaux dont la nécessité est apparue avant la naissance de son usufruit (CA Paris, 21e ch. B, 4 mars 1994, n° 92/16 674 : D. 1994, IR, p. 134).

En revanche, ne constitue pas une mesure conservatoire, la résiliation d’un bail, même si les agissements du preneur tendent à compromettre la bonne exploitation du fonds. Cette qualification a également été refusée à une action en recouvrement des loyers, à une action tendant à faire rétablir la hauteur d’un mur mitoyen, à une action en bornage, à une action indemnitaire, les dommages-intérêts dus, ou l’indemnité due par l’assureur de responsabilité devant intégrer l’actif de l’indivision.

Le financement des frais de conservation. L’indivisaire peut employer, à cet effet, les fonds indivis qu’il détient, car il est réputé en avoir la libre disposition à l’égard des tiers. À défaut de fonds de l’indivision, il a le droit d’obliger ses coïndivisaires à participer aux dépenses nécessaires (Code civil, art.  815-2, al. 2 et 3).

En outre, sur la possibilité pour l’indivisaire ne détenant pas de fonds indivis pour financer les mesures conservatoires, d’obtenir des fonds indivis détenus par un tiers ; sur le remboursement de l’indivisaire qui a fait l’avance des frais conservatoires.

 

  1. Prérogatives personnelles des indivisaires

 

  1. Jouissance des biens indivis

Chaque indivisaire a vocation à faire personnellement des actes matériels d’usage et de jouissance sur les biens indivis (Code civil, art 815-9). L’exercice de tels actes nécessite le plus souvent un accord afin de concilier les droits concurrents des indivisaires (tous les indivisaires ont une vocation égale au même usage). Une convention peut ainsi réserver à l’un des indivisaires la jouissance privative d’un bien indivis (si elle porte sur un fonds rural, étant conclue en application d’un texte particulier, l’article 815-9 du Code civil, elle paraît échapper au statut des baux ruraux). Mais une jouissance exclusive peut être conférée tacitement.

L’indivisaire doit utiliser les biens indivis conformément à leur destination et dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires. Il doit également tenir compte des actes passés régulièrement au cours de l’indivision. À défaut d’accord entre les intéressés, l’exercice du droit de jouissance est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal (Code civil, art.  815-9). Le président du tribunal de grande instance appelé à se prononcer sur les dissentiments entre les indivisaires relatifs à l’usage d’un bien indivis statue en la forme des référés et non en référé. Cela signifie qu’il a le pouvoir de statuer au fond lorsqu’il est saisi d’un désaccord entre les indivisaires.

Si un indivisaire outrepasse ses droits, modifie unilatéralement le bien indivis, tout autre indivisaire peut réagir immédiatement, sans attendre le partage, afin de faire cesser les actes abusifs ou excessifs et d’en obtenir réparation. Si un indivisaire occupe l’immeuble indivis depuis de nombreuses années sans avoir versé la moindre indemnité d’occupation et adopte un comportement tendant à retarder la vente de l’immeuble, le juge peut ordonner sous astreinte qu’il le libère, son maintien dans les lieux étant incompatible avec les droits égaux et concurrents de l’autre indivisaire.

 

  1. Indemnité d’occupation privative

L’indivisaire qui jouit privativement d’un bien indivis est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité (Code civil, art.  815-9, al. 2) ; pour l’application à l’indivision en usufruit.

L’indemnité est due même s’il n’est pas établi que le bien indivis ait été productif de revenus. Elle vient compenser la privation des autres indivisaires de l’exercice de leur propre droit d’usage.

Le caractère privatif de l’occupation d’un bien indivis s’apprécie uniquement par rapport aux autres indivisaires. L’occupation impliquant le versement d’une indemnité résulte de l’impossibilité, de droit ou de fait, pour les coïndivisaires d’user de la chose. À l’inverse, aucune indemnité n’est due si l’occupation de l’immeuble par un indivisaire n’exclut pas la même utilisation par les autres indivisaires.

L’occupation privative ne suppose donc pas nécessairement une occupation effective. L’indemnité est due même si la faculté d’occuper les lieux n’est pas effectivement exercée. C’est le cas, lorsqu’un indivisaire détient exclusivement les clés d’un appartement ou d’un immeuble indivis. Cette détention exclusive des clés est jugée constitutive d’une jouissance privative, sauf si l’indivisaire prouve que l’immeuble a été mis à la disposition des coïndivisaires. Mais la condamnation d’un indivisaire ayant quitté les lieux à remettre les clés est insuffisante pour caractériser la jouissance privative. Le fait que le bien indivis ne soit plus occupé que par un seul indivisaire est également impropre à caractériser une occupation privative.

 

 

 

SOURCES :