Le règlement général sur la protection des données (RGPD), entré en vigueur le 25 mai 2018, au sein d’une section consacrée aux droits de la personne concernée, affecte son article 17 à la notion de « Droit à l’effacement » des données à caractère personnel.

Prévu par l’article 17 du RGPD et également connu sous l’appellation de « droit à l’oubli » ou « droit à l’oubli numérique », le droit à l’effacement des données permet à tout citoyen résidant dans un pays membre de l’Union européenne de demander à un organisme d’effacer les données personnelles qui le concernent.

I.Le principe du droit à l’oubli

  • La portée du droit à l’oubli

Le droit à l'oubli est initialement un concept européen. Les premiers jalons d'un droit à l'effacement ont été posés par la loi informatique et liberté de 1978, mais aussi par la directive européenne 95/46 (Directive 95/46/CE du 24/10/1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ) dont l'article 12 b) (désormais abrogé) dispose que toute personne a un droit d'obtenir d'un responsable de traitement, l'effacement des données personnelles qui la concernent lorsque celles-ci sont incomplètes ou erronées.

Toutefois, ce droit à l'effacement a rapidement montré ses limites, notamment en raison des facultés de stockage des données sur internet qui dépassent largement les capacités humaines.

En effet, les moteurs de recherche peuvent conserver les données relatives à un individu pour une période quasi illimitée, et ce, sans faire la distinction entre celles qui mériteraient d'être référencées et celles qui ne devraient plus l'être.

Face à ce constat, l'idée de créer un véritable « droit à l'oubli » a suscité de nombreux débats, notamment entre les régulateurs et les entreprises du net.

Avant le RGPD, le droit à l’oubli numérique ou droit à l’oubli en ligne était un concept qui permettait à tout internaute de demander le déréférencement d’une ou de plusieurs pages contenant des informations sur lui. Il a été instauré par le fameux arrêt Google Spain c/AEPD et Costeja Gonzales de la CJUE daté du 13 mai 2014.

Cet arrêt affirmait qu’en respectant certaines conditions, une personne physique a le droit de demander à un moteur de recherche de supprimer de la liste des résultats des liens pointant vers des pages contenant ses données personnelles une fois que l’on saisit son nom dans la barre de recherche.

Depuis la mise en application du RGPD, le droit à l’oubli a été en quelque sorte renforcé par la consécration d’un droit à l’effacement

Selon l’article 17 du RGPD qui s’applique en France à compter du 25 mai 2018, la personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement l’effacement, dans les meilleurs délais, de données à caractère personnel la concernant et le responsable du traitement a l’obligation d’effacer ces données à caractère personnel dans les meilleurs délais lorsque l'un des motifs suivants s'applique :

a) les données à caractère personnel ne sont plus nécessaires au regard des finalités pour lesquelles elles ont été collectées ou traitées d'une autre manière ;

b) la personne concernée retire le consentement sur lequel est fondé le traitement, conformément à l'article 6, paragraphe 1, point a), ou à l'article 9, paragraphe 2, point a), et il n'existe pas d'autre fondement juridique au traitement ;

c) la personne    concernée s'oppose au traitement en vertu de l'article 21, paragraphe 1, et il n'existe pas de motif légitime impérieux pour le traitement, ou la personne concernée s'oppose au traitement en vertu de l'article 21, paragraphe 2 ;

d) les données à caractère personnel ont fait l'objet d'un traitement illicite ;

e) les données à caractère personnel doivent être effacées pour respecter une obligation légale qui est prévue par le droit de l'Union ou par le droit de l'État membre auquel le responsable du traitement est soumis ;

f) les données à caractère personnel ont été collectées dans le cadre de l'offre de services de la société de l'information visée à l'article 8, paragraphe 1.

Lorsqu'il a rendu publiques les données à caractère personnel et qu'il est tenu de les effacer en vertu du paragraphe 1, le responsable du traitement, compte tenu des technologies disponibles et des coûts de mise en œuvre, prend des mesures raisonnables, y compris d'ordre technique, pour informer les responsables du traitement qui traitent ces données à caractère personnel que la personne concernée a demandé l'effacement par ces responsables du traitement de tout lien vers ces données à caractère personnel, ou de toute copie ou reproduction de celles-ci.

Cette notion de droit à l’oubli peut être définie par sa finalité, en écartant les éventuels risques qu’un individu soit atteint de manière durable par l’utilisation des données qui le concerne à son insu, que celles-ci soient présentes en ligne par sa propre initiative, ou par celle d’une tierce personne.

En plus d’obtenir du responsable du traitement l’effacement des données ayant un caractère personnel, le droit à l’oubli numérique prévoit également d’effacer la diffusion de ces données personnelles, et en particulier quand la personne concernée n’accorde plus son consentement pour leur utilisation.

  • Les limites du droit à l’oubli

Le droit à l’effacement est écarté dans un nombre de cas limité. Il ne doit pas aller à l’encontre :

  1. De l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information ;
  2. Du respect d’une obligation légale (ex. délai de conservation d’une facture = 10 ans) ;
  3. De l’utilisation de vos données si elles concernent un intérêt public dans le domaine de la santé ;
  4. De leur utilisation à des fins archivistiques dans l’intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique ou à des fins statistiques ;
  5. De la constatation, de l’exercice ou de la défense de droits en justice


    II. Ouverture sur un déréférencement mondial au cas par cas

En 2016, la Commission avait prononcé une sanction pécuniaire publique à l’encontre de la société Google qui ne s’était pas conformée à une mise en demeure de la Présidente de la CNIL, de rendre effectif le déréférencement sur l’ensemble des versions nationales de son moteur de recherche Google Search. Pour la CNIL, lorsqu’il était fait droit à la demande d’une personne, seul un déréférencement mondial était de nature à permettre une protection effective des droits des personnes.

La société Google avait alors saisi le Conseil d’État au motif que les mesures adoptées depuis mars 2016 étaient suffisantes, à savoir un mécanisme de redirection automatique vers la version nationale du site utilisé par l’internaute et un blocage de l’accès à un contenu déréférencé, à tout internaute identifié comme localisé sur ce territoire.

Dans sa décision du 27 mars 2020, le Conseil d’État tranche définitivement ce contentieux. En tirant les conséquences nécessaires de la décision rendue par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) dans son arrêt du 24 septembre 2019, le Conseil d’État annule la sanction de la CNIL, mais précise les marges de manœuvre de la Commission pour protéger efficacement les personnes.

Par la décision du 27 mars 2020 :

  • Le Conseil d’État rappelle que le manquement reproché à la société Google doit être jugé selon les dispositions de la loi du 6 janvier 1978 modifiée transposant la directive du 24 octobre 1995, la sanction de la CNIL datant de 2016.
  • Ensuite, le Conseil d’État rappelle le principe du déréférencement européen (avant l’intervention de la CNIL, le déréférencement était limité au pays du demandeur).
  • Enfin, le Conseil prend acte que le législateur français n’a pas adopté de dispositions spéciales permettant, en France, à la CNIL d’opérer un déréférencement excédant le champ prévu par le droit de l’Union. En l’absence d’intervention du législateur, la CNIL ne peut dès lors qu’ordonner un déréférencement européen.

Faisant application de cette grille d’analyse à la sanction prononcée en 2016, le Conseil d’État n’a pu que constater que la décision de la CNIL, en ordonnant un déréférencement mondial, au lieu d’un déréférencement européen, était contraire aux règles précisées en 2019 par la CJUE.

III. Le droit à l’oubli en pratique

  • Comment exercer son droit à l’effacement ?

L’exercice du droit à l’effacement est une procédure relativement simple. Dans un premier temps, la personne concernée doit identifier l’organisme à contacter, c’est-à-dire l’entreprise qui assure le traitement des données.

Il faudra ensuite se rendre sur la page d’information consacrée à l’exercice des droits sur la plateforme de ladite entreprise, en cliquant entre autres sur « politique vie privée », « politique confidentialité » ou « mentions légales ».

L’exercice du droit d’effacement peut être exercé par divers moyens :

  • Par voie électronique (formulaire de déréférencement, adresse mail, bouton de téléchargement, etc.)
  • Par courrier

A la suite de l'affaire Google Spain de 2014, Google a mis en place un formulaire de requête en ligne permettant aux internautes de faire une demande de déréférencement. Lorsque Google est saisi d'une requête en déréférencement, le moteur de recherche effectue une analyse au cas par cas pour déterminer si le lien litigieux donne accès à des informations qui s'avèrent « inadéquates, pas ou plus pertinentes ou excessives au regard des finalités du traitement en cause ».

Depuis les mêmes formulaires de déréférencement existe pour les moteurs de recherche YAHOO, BING, QWANT notamment.

En outre, il est très important d’indiquer précisément quelles sont les données que vous souhaitez effacer.

En effet, l’exercice de ce droit n’entraîne pas la suppression simple et définitive de toutes les données vous concernant qui sont détenues par l’organisme.

Si et seulement si, l’organisme à des doutes raisonnables sur votre identité, il peut vous demander de joindre tout document permettant de prouver votre identité, par exemple pour éviter les usurpations d’identité.

En revanche, il ne peut pas vous demander des pièces justificatives qui seraient abusives, non pertinentes et disproportionnées par rapport à votre demande.

La conservation d’une copie des différentes démarches est toujours conseillée, notamment lorsque la personne concernée souhaite saisir la CNIL en cas d’absence de réponse ou de réponse non satisfaisante du responsable de traitement.

  • Que faire en cas de refus ou d’absence de réponse ?

Le responsable du fichier droit procéder à l’effacement dans les meilleurs délais et au plus tard dans un délai d’un mois, qui peut être porté à trois compte tenu de la complexité de la demande.

Dans ce dernier cas, l’organisme doit vous informer des raisons de cette prolongation. En cas de réponse insatisfaisante ou d’absence de réponse sous un mois, vous pouvez également saisir la CNIL afin de procéder au dépôt d’une plainte en ligne.

En outre, le responsable du traitement qui décide de ne pas donner suite à une demande d’exercice du droit à l’effacement se voit dans l’obligation de justifier son refus auprès du propriétaire des données.

Suite à l’application des nouvelles dispositions du RGPD, les entreprises traitant les données personnelles doivent mettre en place les meilleurs mécanismes qui permettent de vérifier que les données collectées ne sont pas conservées au-delà du délai nécessaire, compte tenu des finalités annoncées au départ.

SOURCES :

https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32016R0679

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000886460

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000697074&categorieLien=id

https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A62012CJ0131

https://www.cnil.fr/sites/default/files/atoms/files/decision_du_conseil_detat_-_dereferencement_-_27_mars_2020.pdf