Il arrive aussi souvent que deux ou plusieurs indivisions doivent être liquidées à la même époque, par exemple, au cas de décès d’un époux commun en biens, l’indivision qui a pu suivre la dissolution de la communauté et celle qui est issue du décès (V. dans le cas où il a été fait par un époux un legs à titre particulier sur un bien commun, dont le sort dépend de l’attribution de ce bien dans le lot du testateur et de ses ayants droit, lors du partage de la communauté.
La licitation a vocation à réduire les indivisaires à une part en numéraire. La provenance de la somme à répartir importe peu depuis la réforme de 2006, lorsque chaque intéressé a son compte dans les indivisions confondues. La licitation respecte absolument le principe de l'égalité en valeur qui régit le partage (C. civ., art. 826). Les soultes compensant l'inégalité des lots ne sont dues qu'au moment du partage.
En cas de licitation de la pleine propriété, un des coïndivisaires peut être autorisé, par justice, à passer seul un acte pour lequel le consentement d'un ou des autres coïndivisaire(s) était nécessaire, lorsque le refus de celui-ci met en péril « l'intérêt commun » (C. civ., art. 815-5 et 817, in fine). A la demande d'un nu-propriétaire, le juge ne peut pas, par contre, ordonner la vente de la pleine propriété d'un bien grevé d'usufruit contre la volonté de l'usufruitier.
La Cour de cassation considère que la licitation d'un immeuble, qui ne peut être facilement inclus dans un lot, est valablement ordonnée, quand bien même d'autres immeubles resteraient indivis et seraient partagés en nature. Il est donc possible de concevoir un décalage des opérations dans le temps avec une licitation, puis un partage, en dehors de l'accord des héritiers.
Lorsque la demande de partage est accueillie favorablement, celui-ci n'est pas pour autant prononcé de plein droit, car il faut encore qu'il puisse être commodément effectué, faute de quoi, c'est la licitation qui doit être ordonnée, ce qui est conforme au nouveau principe de l'égalité en valeur dans le partage. La Cour de cassation a ainsi reconnu qu'une cour d'appel a pu ordonner la licitation et écarter le partage en nature, même si celui-ci n'était pas matériellement impossible.
Trois conceptions de la licitation peuvent être distinguées (Vocabulaire juridique, ss dir. G. Cornu : PUF, 6e éd. 1996, V° Licitation). La première est générale et s’écarte des deux autres qui sont très proches.
Selon la première conception, la licitation est un procédé permettant de dénouer par la vente simultanée de divers droits réels une situation de fait dont la complication s’oppose à l’exercice immédiat du droit privatif de chaque partie.
Dans ce cas, il n’est pas nécessaire qu’une indivision existe entre celui ou ceux qui demandent la licitation (en ce sens : Cass. civ., 27 nov. 1918 : DP 1922, 1, p. 238 où la licitation était demandée parce que plusieurs constructions enchevêtrées se trouvaient sur la ligne divisoire de deux fonds appartenant à des personnes distinctes).
Selon une seconde conception, la licitation est la vente aux enchères d’un bien qui ne peut être partagé en nature, soit que la consistance du bien s’y oppose, soit qu’aucun indivisaire ne veuille que l’on mette ce bien dans son lot lors du partage (Code civil, article 1686).
Selon la troisième, la licitation est l’acte par lequel des cohéritiers ou indivisaires d’une chose la mettent en vente entre eux aux enchères pour être adjugée au plus offrant, à charge pour ce dernier de payer à chacun des autres sa part dans le prix correspondant à sa quote-part dans l’indivision.
Ce troisième sens correspond à l’étymologie du mot licitation. Licitation vient du latin liceri qui veut dire mettre à prix une chose ; le verbe licitari signifie porter plusieurs enchères les unes au-dessus des autres.
En ce sens, la licitation est le procédé technique de formation du contrat de vente d’un bien indivis permettant d’obtenir le prix le plus élevé. C’est autrement dit une vente aux enchères dont la particularité est de porter sur un bien indivis.
Néanmoins, la licitation est en général traitée comme une opération de partage. La jurisprudence rattache le droit de demander la licitation au droit de demander le partage consacré par l’article 815 du Code civil.
- Licitation à des fins de partage
- Principe du partage en nature : Partage en nature des meubles
En principe, le partage doit avoir lieu en nature : « le partage en nature est la règle, la licitation ne devant être ordonnée que si les immeubles ne peuvent être commodément partagés ou attribués dans les conditions prévues par la loi . L’intensité de ce principe a varié avec le temps et s’est renforcée avec la réforme de 2006. Quoi qu’il en soit, le partage en nature demeure la règle de principe ».
L’application de ce principe de priorité du partage en nature se fait généralement sans trop de difficultés pour les meubles corporels (à propos, du partage d’une officine de pharmacie, énonce sans nuance que « l’arrêt considère à bon droit que la licitation n’était obligatoire que pour les immeubles », ce qui n’est pas correct.
Il en est de même pour les actions ou les parts sociales de sociétés, les obligations ou autres valeurs mobilières (sur le partage des fonds de commerce). La Cour de cassation estime que ces biens doivent être partagés en nature, même si leur répartition entre les différents héritiers fait perdre, au sein de la société, la majorité que détenait le défunt.
Il a également été jugé qu’il n’y avait pas lieu de tenir compte de ce que les parts sociales ou actions laissées par le défunt concernaient trois sociétés, et que, du fait qu’il laissait trois enfants, l’un d’entre eux souhaitait que chacun reçoive toutes les parts sociales d’une même société, sous réserve des soultes, alors que les autres héritiers s’y opposaient : le partage en nature implique que chaque enfant reçoive un tiers des parts sociales ou actions de chacune des trois sociétés : Cour cassation, 1re chambre civile du 13 avril 1976, cet arrêt approuve le juge du fond, qui avait ordonné la licitation des parts sociales comprises dans une succession, parce que, compte tenu des parts qu’ils avaient déjà dans la société, le partage en nature aurait abouti à ce que l’un des héritiers dispose de trois cents parts, et l’autre seulement de cent parts sur les quatre cents parts représentant le capital social.
Cela dit, la licitation peut apparaître comme le mode de partage le plus sûr en matière mobilière. Il permet d’éviter les contestations relatives à l’évaluation des biens et les récriminations des indivisaires qui prétendent a posteriori avoir été désavantagés au détriment des autres. Ainsi faut-il considérer que la force du principe du partage en nature est moins importante en matière mobilière qu’en matière immobilière.
- Principe du partage en nature : Partage en nature des immeubles
C’est surtout en matière d’immeubles que l’on doit se résoudre souvent à procéder à une licitation au lieu d’un partage en nature qui s’avère impossible, malcommode ou désavantageux. Pourtant, la Cour de cassation s’efforce de faciliter le partage en nature des immeubles, par différents moyens.
Ainsi, lorsqu’il y a plusieurs immeubles dans la succession, elle admet, s’ils sont de valeur inégale, que le juge du fond fasse constituer des lots comprenant chacun un immeuble, en rétablissant par des soultes l’égalité entre les héritiers (Cass. 1re civ., 21 janv. 1958, n° 1.587 : Bull. civ. I, n° 49. – Dans le même sens, V. déjà CA Caen, 24 août 1868 : DP 1871, 2, p. 168), à condition toutefois que les différences de valeur entre les immeubles ne soient pas si importantes que la soulte deviendrait l’élément essentiel de certains lots.
En dehors de ce cas extrême, la Cour de cassation laisse une grande liberté aux juges du fond pour rétablir l’égalité entre les lots, au moyen de soultes. Elle l’admettait déjà avant que le décret-loi du 17 juin 1938 vienne assouplir les règles du partage en nature, par modification de l’article 832 du Code civil (Cass. req., 10 févr. 1926 : S. 1926, 1, p. 255).
Il avait été aussi jugé que les dispositions de l’article 832 ancien du Code civil, d’après lesquelles chaque lot doit comprendre, autant que possible, les mêmes proportions d’immeubles et de meubles, sont satisfaites si l’un des lots comprend un immeuble bâti, et l’autre un terrain non bâti (CA Besançon, 2 juill. 1844 : DP 1845, 4, p. 386). À plus forte raison, n’y a-t-il pas lieu d’exiger que tous les lots comprennent une partie de chaque immeuble en indivision.
En revanche, la Cour de cassation n’admet pas que le juge du fond ordonne la licitation d’un immeuble, au motif qu’un partage en nature ne répondait pas aux vœux des copartageants, alors qu’une expertise avait conclu que les immeubles successoraux étaient parfaitement partageables en nature, ni qu’il se retranche derrière la diversité des immeubles de la succession, et la valeur d’affectivité qui s’attachait à certains d’entre eux, pour ordonner leur licitation.
- Déroulement de la procédure de licitation-partage
- Saisine du tribunal judiciaire
L’article 815-5-1 issu de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 prévoit que le tribunal de grande instance peut autoriser la licitation d’un bien indivis à la demande d’un ou de plusieurs indivisaires titulaires d’au moins les deux tiers des droits indivis. Le tribunal autorise la licitation si celle-ci ne porte pas une atteinte excessive aux droits des indivisaires qui s’y opposeraient expressément ou tacitement.
Le tribunal doit être saisi d’une demande en partage judiciaire pour pouvoir ordonner la licitation (Code civil, article 840). Le Code de procédure civile articule les demandes en partage et en licitation, en considérant la première comme principale, et la seconde comme incidente (Code civil, article 1361, al. 1er et 1377).
Il appartient aux héritiers de fournir au juge les éléments démontrant l’impossibilité du partage en nature. Ce dernier doit rejeter la demande quand cette impossibilité ne lui est pas démontrée.
En ce sens, la jurisprudence juge que la demande en licitation d’un bien indivis ne peut être formée qu’à l’occasion d’une instance en partage judiciaire. La solution a pour principal mérite de bien mettre en perspective, le principe du partage en nature et la licitation qui y fait exception. Elle pourrait néanmoins être considérée comme tatillonne ou excessive.
Après tout, le Code de procédure civile n’exige pas explicitement que la demande en licitation soit nécessairement incidente. Formée à titre principal, son bien-fondé dépend de conditions de fond qui supposent que la demande en partage en nature ne peut ou ne doit aboutir (CPC, art. 1377).
Le partage est judiciaire lorsque les indivisaires sont en désaccord sur le principe du partage, sur ses modalités ou sur son déroulement (Cass. civ., 8 déc. 1914 : DP 1917, 1, p. 78). Il en est de même lorsque le partage amiable n’a pas été autorisé ou approuvé lorsque l’un des indivisaires est présumé absent ou incapable (Code civil, article 840).
Par ailleurs, la licitation se fait soit lors d’une audience d’adjudication tenue par un juge spécialement désigné à cet effet, soit par un notaire commis par le tribunal judiciaire. Ce dernier déterminera les conditions essentielles de la vente, notamment la mise à prix.
À cette occasion, le Tribunal peut demander une estimation des biens par un expert. Concrètement, la licitation consiste en une vente aux enchères d’un bien détenu en indivision. À noter que plusieurs indivisaires peuvent décider ensemble de racheter la part de l’héritier qui souhaite sortir de l’indivision.
Les indivisaires doivent toujours participer aux enchères qu’implique la licitation d’un bien, celle-ci n’étant finalement qu’une modalité du partage (Code civil, article, 887-1). L’omission de l’un d’entre eux, lors de la licitation, serait une cause de nullité de celle-ci.
- Compétence d’attribution
La licitation judiciaire relève de la compétence du tribunal de grande instance (Code civil, article 815-5-1, al. 5. – CPC, art. 1359). C’est le cas même lorsque l’indivisaire débiteur est soumis à une procédure collective.
Alors la licitation et le partage peuvent être demandés par le liquidateur agissant, non dans l’intérêt personnel du débiteur, mais en sa qualité de représentant des créanciers (CA Amiens, 12 sept. 1997 : JurisData n° 1997-045955. – CA Grenoble, 1re civ., 23 nov. 1999, n° 98/00057 : JurisData n° 1999-105681).
Le tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession est exclusivement compétent (Code civil, article 841. – C. civ., art. 822 ancien. – CPC, art. 45).
Sources :
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000006975607/
Pas de contribution, soyez le premier