La succession est transmise aux héritiers désignés par la loi ou choisis par le défunt, sous réserve des droits réservés aux descendants ou au conjoint survivant. Les héritiers et les successeurs universels sont généralement responsables des dettes au-delà de l'actif et sont investis de la saisine. L'indignité successorale prive un héritier de sa part, mais il peut être représenté. Il convient de ne pas confondre l'indignité avec l'exhérédation.
Afin de revendiquer une part de la succession, il est nécessaire de prouver sa qualité d'héritier. Bien qu’il existe diverses façons de prouver sa qualité d’héritier, l'entrée en vigueur du règlement 650/2012 du 4 juillet 2012 a rendu possible l'établissement de cette qualité par le biais du certificat successoral européen. Ce certificat permet notamment de prouver sa qualité d'héritier dans le cas d'une succession transfrontalière au sein de l'Union européenne.
Ce certificat présente de multiples avantages (I) cependant, au fil du temps la jurisprudence est venue délimiter les effets produits par ce dernier dans le cadre des successions dites internationales (II).
- L’intérêt du certificat successoral européen
- Faciliter la preuve de la qualité d’héritier
Issu du règlement 650/2012 du 4 juillet 2012 (entré en vigueur depuis le 17 août 2015), le certificat successoral européen a été créé pour accélérer le traitement des successions internationales, c’est-à-dire présentant un élément d’extranéité. Ce certificat jouit d’un régime juridique autonome (CJUE 21 juin 2018, aff. C-20/17). Encore peu utilisé en France, il trouve notamment vocation à s’appliquer lorsque le défunt résidait en France et était propriétaire de divers biens dans plusieurs pays ou encore lorsque les héritiers vivent à l’étranger ou sont de nationalités différentes. Il est également possible d’émettre un certificat lorsque le défunt était français mais vivait à l’étranger. L’entrée en vigueur de ce règlement évite notamment les différents conflits de lois qui pourraient survenir à l’occasion de l’ouverture de la succession dite « internationale ».
Ce certificat peut être délivré aux les héritiers, légataires, exécuteurs testamentaires ou administrateurs de la succession afin de faciliter l’exercice de leurs droits ou pouvoirs dans les autres États membres (article 1381-1 du Code de procédure civile). Le contenu de ce certificat est précisé par l’article 68 du règlement. Son formulaire standard et multilingue permet également de franchir plus facilement les barrières linguistiques.
Il est délivré à la demande par les autorités compétentes de chaque État membre. En France, il est délivré par le notaire qui est exclusivement compétent pour établir un certificat successoral européen (article 1381-1 du Code de procédure civile). Néanmoins tout notaire n’est pas en droit de délivrer un certificat successoral européen. Le notaire français ne sera compétent que si les juridictions françaises sont compétentes en vertu du règlement pour connaître de la succession. Il convient de préciser que la demande de certificat ne suppose pas que les héritiers aient accepté la succession et elle n’emporte pas non plus acceptation de la succession.
Le notaire qui établit le certificat successoral européen devra obligatoirement en informer tous les bénéficiaires (article 67 du règlement).
Une fois établit, il produit tous ses effets dans tous les États membres de l’Union européenne sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure (article 69 du règlement). Il permet d’agir auprès du notaire en charge de la succession internationale mais également auprès des organismes bancaires, des compagnies d’assurances, des caisses de retraites et des autorités judiciaires d’un pays de l’Union Européenne.
Enfin, selon les dispositions de l’article 71 du règlement, le certificat successoral européen peut faire l’objet d’une rectification, d’une modification, d’un retrait, d’une suspension ou d’un recours. Si de telles circonstances se présentent, l’autorité émettrice doit informer sans délai toutes les personnes qui se sont vu délivrer des copies certifiées conformes et porter mention en marge sur son registre des certificats successoraux européens (articles 1381-2 et 1381-3 du Code de procédure civile).
Cependant, il convient de rappeler que les modes de preuve nationaux demeurent opératoires, y compris dans le cadre des successions internationales. En effet, il est possible que le notaire saisi du règlement de la succession ne soit pas habilité à délivrer un certificat. Certains modes de preuve nationaux sont plus simples et moins onéreux que le certificat, il reste donc possible d’établir un acte de notoriété. En Allemagne par exemple, le testament authentique suffit à attester de sa qualité d’héritier.
- La valeur juridique du certificat
Conformément à l’article 69, points 2 et 3, le certificat est présumé « attester fidèlement l’existence d’éléments qui ont été établis en vertu de la loi applicable à la succession ou en vertu de toute autre loi applicable à des éléments spécifiques. La personne désignée dans le certificat comme étant l’héritier, le légataire, l’exécuteur testamentaire ou l’administrateur de la succession est réputée avoir la qualité mentionnée dans ledit certificat et/ou les droits ou les pouvoirs énoncés dans ledit certificat sans que soient attachées à ces droits ou à ces pouvoirs d’autres conditions et/ou restrictions que celles qui sont énoncées dans le certificat ». (CJUE, 12 oct. 2017).
Le certificat successoral européen bénéficie également d’une priorité par rapport aux documents nationaux, tel que le mentionne le considérant 69 du préambule: « … aucune autorité ou personne devant laquelle serait produit un certificat délivré dans un autre État membre ne devrait être en droit de demander la production d’une décision, d’un acte authentique ou d’une transaction judiciaire en lieu et place du certificat ».
Cela révèle l’importance du règlement européen et du certificat. Il faut bien comprendre que l’existence de ce certificat permettra de déroger aux règles nationales et aura priorité sur le traitement interne de la succession.
Toutefois, afin de faciliter la vie des héritiers ou légataires résidant dans un autre État membre que celui dans lequel la succession est ou sera réglée, il est permis, selon l’article 13 du Règlement, à toute personne de faire les déclarations relatives à l’acceptation de la succession, d’un legs ou d’une réserve héréditaire ou la renonciation à ceux-ci ou une déclaration visant à limiter sa responsabilité à l’égard des dettes de la succession sous la forme prévue par la loi de l’État membre de sa résidence habituelle devant les juridictions dudit État membre. Les considérants 32 et 33 précisent les conditions de ces options successorales.
Le certificat européen admet donc davantage de libertés que le droit français interne. Toutefois, la juridiction compétente pour connaître la succession reste compétente.
- Précisions jurisprudentielles sur le certificat successoral européen
- Durée de validité du certificat
Seules les copies certifiées conformes peuvent circuler, l’autorité émettrice sera seule détentrice de l’original. C’est à l’occasion d’un récent arrêt que la CJUE est venue préciser la durée de validité de ces copies conformes.
Dans l’affaire en question une personne qui avait établi sa dernière résidence habituelle en Espagne, décéda en 2017 en laissant ses deux enfants. Sa succession fut donc réglée conformément au droit espagnol par un notaire de ce pays qui, à la demande de l'un seulement des héritiers, établit un certificat et délivra une copie certifiée conforme. Celle-ci contenait dans la rubrique « valide jusqu'au », la mention « illimité ».
Les héritiers tentèrent de produire cette copie auprès d'un tribunal autrichien pour obtenir la libération de biens placés sous séquestre, mais leur demande fut rejetée tant en première instance qu'en appel, les obligeant à saisir la Cour suprême autrichienne (l'Oberster Gerichtshof). Celle-ci décida de surseoir à statuer et d'interroger le juge européen sur l'interprétation de diverses dispositions du règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 (JOUE n° L 210/107, 27 juill. 2012) relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et la création d'un certificat successoral européen.
La CJUE précise que la copie certifiée conforme est en principe valable pour une durée de 6 mois, et ce même lorsqu'elle porte la mention « illimitée ». (CJUE, 1er juill. 2020, aff. C-301/20).
La CJUE légitime cette durée en ce qu’elle permet « de vérifier périodiquement que ce certificat n'a pas été rectifié, retiré ou modifié [...] ou que ses effets n'ont pas été suspendus » (§ 24). Bien entendu, comme l'arrêt le souligne, ce délai affecte uniquement les copies certifiées conformes ; et non le certificat en lui-même.
De plus, elle précise que « le calcul de la période de validité doit être effectué à partir de cette date, laquelle garantit la prévisibilité et la sécurité juridique requises en ce qui concerne l'utilisation de ladite copie » (§ 29). Même si le certificat successoral européen comprend une mention d'une durée plus longue, la copie n'est valable que pour une durée de 6 mois à compter de sa délivrance.
- Enregistrement des testaments établis à l'étranger et certificat successoral européen
Par un arrêt du 13 avril 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation (n° 20-23.530) affirme que l'exigence de l'enregistrement des testaments faits en pays étrangers constitue une formalité fiscale, qui ne remet pas en cause l'efficacité probatoire du certificat successoral européen.
En l'espèce, une banque ayant soumis la délivrance des fonds au légataire, titulaire d'une copie du certificat successoral européen établi en Allemagne, à la preuve de l'enregistrement du testament auprès de l'administration fiscale française par application de l'article 1000 du Code civil, celui-ci l'a assignée en libération des fonds et en paiement de dommages-intérêts.
Conformément au considérant 71 du règlement (UE) n° 650/2012 du 4 juillet 2012, le certificat successoral européen a une efficacité probatoire, mais ne constitue pas un titre exécutoire, de sorte que, s'il atteste de la qualité et des droits d'héritier, il n'épuise pas nécessairement les formalités à mettre en œuvre pour obtenir l'exécution de ces droits.
En outre, conformément à son considérant 10, le règlement exclut de son domaine matériel les questions fiscales et administratives.
En conséquence, l'exigence d'enregistrement de tout testament établi à l'étranger, prévue aux articles 1000 du Code civil et 655 du CGI, constitue une formalité fiscale dès lors qu'elle relève de l'administration fiscale et donne lieu au paiement d'un droit fixe.
Il s'en déduit qu'une telle exigence, qui ne remet pas en cause l'efficacité probatoire du certificat successoral européen et ne constitue pas une condition d'exécution des testaments prohibée par le règlement, ne porte pas atteinte au principe d'application directe du règlement ni ne le prive de son effet utile.
Partant, ne commet pas de faute de nature à engager sa responsabilité la banque qui refuse de remettre les fonds dépendant de la succession à un héritier titulaire d'un certificat successoral européen, mais ne prouvant pas s'être acquitté de la formalité d'enregistrement prévue par les textes précités.
- Les limites du certificat successoral
A l’occasion d’un nouvel arrêt en date du 9 mars 2023 la CJUE (CJUE, 5e ch., 9 mars 2023, aff. C-354/21, RJR c/ Registry centras VI) apporte de nouvelles des précisions sur le contenu du certificat successoral européen, dans ses liens avec les systèmes de publicité foncière des Etats de l’Union.
Dans l’affaire traitée la défunte avait établi sa résidence en Allemagne avant de décéder, son descendant s’était vu délivrer en Allemagne un certificat successoral européen indiquant que la défunte lui avait laissé son patrimoine et que la succession était acceptée sans réserve.
La succession comportait des biens en Lituanie, le certificat fut alors présenté afin d’obtenir l’inscription de ces biens au registre foncier lituanien.
Néanmoins, la demande d’inscription fut rejetée car le ce certificat ne contenait pas les informations nécessaires à l’identification des biens.
A la lumière des faits, la CJUE affirme que « l’article 1er, paragraphe 2, sous l), l’article 68, sous l), et l’article 69, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 4 juillet 2012, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen, doivent être interprétés en ce sens que :
ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre prévoyant que la demande d’inscription d’un bien immobilier dans le registre foncier de cet État membre peut être rejetée lorsque le seul document présenté à l’appui de cette demande est un certificat successoral européen qui n’identifie pas ce bien immobilier. »
Le certificat successoral européen, qui n’identifie pas les biens immobiliers à muter, ne permet pas un accès au registre foncier de l’État membre.
L’établissement d’une attestation de propriété immobilière demeure donc nécessaire pour muter un immeuble dans le contexte d’une succession transfrontière.
Précisions. L’attestation de propriété immobilière est un acte officiel notarié qui vous est remis dans le cas d’un achat, mais aussi d’une succession.
SOURCES :
Vidéo notaires de France : https://www.youtube.com/watch?v=9JcT-DtrTXg
RÈGLEMENT (UE) No 650/2012 :
https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2012:201:0107:0134:FR:PDF
CJUE, 5e ch., 9 mars 2023, aff. C-354/21, RJR c/ Registry centras VI : https://www.doctrine.fr/d/CJUE/2023/CJUE62021CJ0354
Sara Godechot-Patris et Nathalie Thevenet-Grospiron Fascicule 150-30 : SUCCESSIONS INTERNATIONALES, le 3 juillet 2019 (Lexis)
Commentaire par Cyril Nourissat Certificat successoral européen et publication des droits réels immobiliers (Lexis)
Commentaire par François Mélin Certificat successoral européen et inscription d’un bien au registre foncier (Dalloz Actualités)
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