Les héritiers désignés comme réservataires, tels que les descendants, bénéficient d'une protection spécifique et ne peuvent normalement pas être privés de leur part d'héritage.
Toutefois, il est possible de déshériter explicitement une personne qui n'est pas un héritier réservataire en le précisant, par exemple, dans un testament.
Il convient cependant de noter que certains actes peuvent avoir le même effet de déshériter une personne, même si le défunt n'a pas exprimé clairement sa volonté de le faire.
- L’impossibilité de déshérité selon le droit successoral français
Conformément à l’article 912 du Code civil (1), lors d'une succession, une partie des biens est réservée aux héritiers réservataires, constituant ce qu'on appelle la réserve héréditaire. Cette réserve représente la part des biens et droits successoraux qui est garantie par la loi à certains héritiers réservataires, à condition qu'ils soient appelés à la succession et l'acceptent.
Un enfant adopté est considéré comme un héritier réservataire, tout comme les enfants biologiques, à l'exception de la réserve héréditaire à l'égard des ascendants de l'adoptant. Par conséquent, un enfant adopté peut être exclu de l'héritage des grands-parents adoptifs.
La réserve héréditaire est déterminée en fonction du nombre d'enfants et est ensuite partagée de manière égale entre chaque enfant, chacun ayant une réserve individuelle.
En plus de la réserve héréditaire, il existe ce qu'on appelle la quotité disponible, qui représente la part des biens et droits successoraux dont le défunt pouvait disposer librement par des libéralités. Chaque personne a le droit de décider de l'utilisation de cette quotité disponible et de la distribuer entre les bénéficiaires de son choix. L'évaluation de la quotité disponible est basée sur le nombre de descendants.
Exemple : si le défunt laisse trois enfants, il peut décider que l'un des enfants recevra la totalité de la quotité disponible, en plus de sa réserve, tandis que les deux autres enfants n'auront droit qu'à leur réserve. Ainsi, bien que les deuxième et troisième enfants soient désavantagés, ils ne sont pas complètement exclus de l'héritage.
- Les dispositifs implicites permettant de priver un héritier de sa part successorale
- La souscription d’une assurance-vie
Le premier mécanisme consiste à souscrire une assurance-vie avec un bénéficiaire différent des enfants ou en faveur d'un enfant spécifique.
La transmission d'un contrat d'assurance-vie s'effectue en dehors de la succession. Par conséquent, le contrat n'est pas inclus dans l'actif successoral qui est partagé entre les héritiers. Ainsi, au décès du souscripteur du contrat d'assurance-vie, les sommes investies reviennent aux bénéficiaires désignés par le souscripteur via la clause bénéficiaire, et non nécessairement aux héritiers.
Toutefois, l’article L 132-13 du Code des assurances dispose que les primes d’assurance-vie versées par le souscripteur peuvent être réduites si elles sont manifestement exagérées au regard des ressources du souscripteur.
- L’adoption du régime de la communauté universelle en cas de remariage
Une autre possibilité consiste à se remarier avec un conjoint dont les enfants ne sont pas issus du premier mariage et à adopter le régime de la communauté universelle avec clause d'attribution intégrale des biens mobiliers et immobiliers au conjoint survivant.
La clause d’attribution intégrale prévoit qu’au décès de l’un des époux la totalité des biens communs et non pas seulement la moitié revient au survivant.
Dans ce cas, les enfants issus du premier mariage pourront, au mieux, prétendre à une indemnité de retranchement, mais n'auront pas droit à une part équitable de ces biens.
- La donation au profit de tiers ou des autres enfants
Le troisième moyen consiste à faire des donations en faveur d'un tiers ou d'autres enfants que celui que l'on souhaite spécifiquement déshériter.
La donation prend effet de son vivant et entraîne le paiement des droits de mutation.
Les enfants lésés pourraient engager une action en réduction si la valeur de la donation excède la quotité disponible. Cependant, cette action ne peut être intentée qu'au moment du décès du donateur, c'est-à-dire lors de l'ouverture de la succession.
- Les dons manuels
Lorsqu’un parent souhaite privilégier un enfant par rapport à un autre, il peut effectuer des dons manuels en sa faveur. Ces dons consistent généralement en des sommes d'argent de petite à moyenne importance qui sont transférées du compte bancaire du parent donateur vers celui de l'enfant bénéficiaire.
Même si les montants sont modestes, ils peuvent représenter une part significative de la succession et échapper ainsi à un partage équitable entre les héritiers.
L'enfant qui se sent lésé peut mener des investigations au décès de son parent afin de détecter ces mouvements financiers, qu'il s'agisse de chèques émis directement en faveur de l'autre héritier bénéficiaire, de virements effectués sur le compte du bénéficiaire ou de retraits réalisés avec la carte bancaire du défunt.
E- Les avantages indirects
D'autres mécanismes ont été envisagés pour priver un enfant ou plusieurs enfants de leur part d'héritage, notamment :
- L'utilisation d'un contrat en viager avec un prix artificiellement bas, désavantageant ainsi les autres héritiers qui ne bénéficient pas de la même plus-value.
- L'acquisition d'un bien en indivision sans que l'un des coindivisaires n'ait effectivement investi des fonds.
- L'ouverture d'un compte bancaire en indivision au nom du parent et d'un enfant, alimenté uniquement par les revenus du défunt.
- La possibilité offerte à l'un des enfants de résider dans le domicile des parents ou d'occuper un bien immobilier appartenant aux parents, ce qui lui permet de réaliser des économies de loyer.
La jurisprudence de la Cour de cassation a établi que cette situation peut être considérée comme un prêt à usage, sans qu'il soit nécessaire de la requalifier en donation indirecte rapportable. (Cass. 1re civ., 11 oct. 2017, n° 16/21419 (7)
- Les actions judiciaires
Lorsque des excès et contournements sont commis, il existe des actions permettant de parvenir à un rééquilibrage de la succession.
- L’action en rapport successoral
Un héritier peut demander au tribunal de contraindre un autre héritier qui a bénéficié d'une donation à restituer cette donation à la succession, que ce soit en valeur ou en nature.
En principe, sauf volonté contraire du donateur, une donation est considérée comme une avance sur la part d'héritage du bénéficiaire. Ainsi, au décès du donateur, le bénéficiaire est tenu de restituer cette donation à la succession afin d'assurer une répartition équitable entre tous les héritiers.
Le rapport des libéralités a pour objectif de garantir l'égalité entre les héritiers lors du partage des biens. Ainsi, il ne peut être exigé que lorsqu'il y a plusieurs héritiers. En revanche, lorsqu'il n'y a qu'un seul héritier, le rapport n'est pas applicable.
Toutefois, le rapport des libéralités ne vise pas à assurer une stricte égalité entre les parts des héritiers, car le défunt a toujours la possibilité de favoriser certains héritiers.
Le défunt peut donc avantager un héritier au détriment des autres de différentes manières, telles que consentir une donation à un héritier réservataire en précisant qu'elle sera prélevée sur la quotité disponible plutôt que sur la réserve héréditaire. De même, il peut favoriser un héritier réservataire ou non par testament, en léguant la totalité de la succession, la quotité disponible, une fraction de la succession ou des biens spécifiques.
Lorsqu'une libéralité est soumise au rapport et que le bénéficiaire est tenu de la restituer, il doit rendre à la succession tous les biens ou valeurs qu'il a reçus en vertu de cette libéralité.
- L’action en réduction
Selon les dispositions des articles 920 et suivants (3) du Code civil, cn cohéritier qui s'estime lésé a le droit d'intenter une action en réduction contre un autre cohéritier ou un tiers ayant reçu une gratification excessive de la part du défunt.
Il peut arriver que de son vivant, le donateur ait consenti une donation d'une valeur considérable à l'un de ses enfants ou à un tiers, au détriment des autres héritiers réservataires, de sorte qu'il ne reste plus suffisamment de biens pour les autres enfants.
Dans le cas où la donation excède la quotité disponible, le bénéficiaire de la donation devra verser aux cohéritiers une indemnité de réduction correspondant à cet excédent.
La prescription de l'action en réduction est fixée à cinq ans à compter de l'ouverture de la succession. Cependant, ce délai peut être suspendu ou interrompu si l'héritier lésé prouve qu'il a découvert le recel successoral ultérieurement. Il est important de souligner que ce délai de prescription est relativement court, il est donc nécessaire d'agir rapidement pour protéger ses droits.
- L’action en recel successoral
Lorsque les cohéritiers constatent que l'un d'entre eux a commis des actes frauduleux pour détourner des actifs de la succession à leur insu, créant ainsi un déséquilibre dans le partage, il est recommandé d'engager une action en recel successoral.
L’action en recel successoral sera engagée en vertu de l'article 778 du Code civil (4).
La prescription de l'action en recel successoral est fixée à cinq ans à partir de l'ouverture de la succession. Cependant, ce délai peut être repoussé si l'héritier lésé prouve qu'il a eu connaissance du recel plus tard. Il est important de noter que ce délai d'action est relativement court.
- L’action en annulation du partage
Dans des situations exceptionnelles, il est possible de remettre en cause un partage successoral amiablement signé chez le notaire, notamment en cas d'erreur juridique ou d'erreur factuelle significative, telle que l'omission d'un héritier par exemple.
Conformément à l’article 887-1 du Code civil (5), le partage peut être également annulé si un des cohéritiers y a été omis.
Attention, l’héritier omis peut toujours demander de recevoir sa part, soit en nature, soit en valeur, sans annulation du partage.
- L’action en comblement de part successorale
L’action en comblement de part vise à de demander la rectification d'un partage en utilisant l'action en comblement de part, notamment si des éléments d'actifs ont été omis. Ces actions reposent sur la bonne foi des parties.
En vertu de l’article 889 du Code civil (6), lorsque l’un des copartageants établit avoir subi une lésion de plus du quart, le complément de sa part lui est fourni, au choix du défendeur, soit en numéraire, soit en nature. Pour apprécier s’il y a eu lésion, on estime les objets suivant leur valeur à l’époque du partage.
Cependant, si la dissimulation a été délibérément intentionnelle, il est recommandé d'engager une action en annulation de l'acte de partage et en recel successoral.
L’action en complément de part se prescrit par deux ans à compter du partage.
SOURCES :
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006435530
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000020616239
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006433749
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000020616239
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006433465
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006433161
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000035807088/
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