La détermination de la résidence d’un contribuable est un préalable indispensable à l’établissement de sa situation fiscale.
Cela permet en effet aux personnes physiques de connaître l’étendue de leurs obligations fiscales.
Il convient dans un premier temps de rappeler les distinctions entre résidence, domicile et nationalité.
D’un point de vue purement fiscal, la détermination de la domiciliation d’une personne peut s’avérer ardue. En effet, une personne peut très bien détenir plusieurs logements dans différents pays ou alors payer divers impôts dans différents États.
Pour autant, la notion de domiciliation fiscale revêt une importance capitale puisque c’est elle qui conditionne le régime fiscal dont le contribuable dépend.
Cette notion de domiciliation est définie par chaque État. Or, cette notion n’est pas forcément homogène d’un pays à l’autre. C’est pourquoi, pour éviter qu’une personne soit domiciliée dans deux pays différents, des conventions internationales peuvent déroger à la définition retenue au plan national.
Pour ce qui est de la notion de résidence fiscale celle-ci ne diffère pas en réalité de la notion de domicile fiscal.
On parle de domicile fiscal sur le plan interne à un pays, ou de résidence fiscale sur le plan international, mais ces deux notions recouvrent la même chose.
Concernant la notion de nationalité, celle-ci n’a que peu d’impact. Une personne de nationalité étrangère peut être domiciliée fiscalement en France et inversement.
Le critère de la nationalité est rarement utilisé pour déterminer la résidence fiscale comme nous le verrons par la suite.
Ainsi, il faut bien comprendre que le domicile fiscal d’un contribuable est indépendant des notions de son domicile « civil » ou « ordinaire », ainsi que de sa nationalité.
Cette indépendance du domicile fiscal vis à vis des notions habituelles et issues du sens commun doit être soulignée afin d’éviter toute confusion.
I. Les règles de détermination du domicile fiscal énoncées par l’article 4B du CGI.
Cet article énonce 4 critères alternatifs qui doivent être examinés successivement afin de déterminer si le domicile fiscal du contribuable est situé en France. Il suffit que l’un d’entre eux soit rempli pour que le contribuable soit considéré comme résident fiscal français au regard des dispositions fiscales françaises en vigueur.
1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l’article 4 A :
a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ;
b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu’elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ;
c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques.
2. Sont également considérés comme ayant leur domicile fiscal en France les agents de l’État qui exercent leurs fonctions ou sont chargés de mission dans un pays étranger et qui ne sont pas soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l’ensemble de leurs revenus.
L’article 4 B regroupe donc 4 critères alternatifs que l’on peut classer en 3 catégories. Les critères d’ordre personnel (A), les critères d’ordre professionnel (B) et les critères d’ordre économique (C). A ces 3 catégories principales il est possible d’en ajouter une 4ème qui est celle des cas particuliers (D)
A - Les critères d’ordre personnel
1- Le Foyer
1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l’article 4 A :
a. Les personnes qui ont en France leur foyer...
Selon l’administration fiscale, le foyer d’une personne physique correspond à son lieu de résidence habituel, à caractère permanent.
Concrètement, les juges examinent l’existence de 2 éléments : le centre des intérêts familiaux et le lieu où le contribuable habite normalement (voir CE 3 novembre 1995 N° 126513). La satisfaction du premier critère entraine généralement celle du second, même si ce n’est pas automatique.
Ex : vous travaillez à l’étranger mais votre épouse et vos enfants résident en France, vous êtes donc résident fiscal français.
2- Le lieu de séjour principal
... ou le lieu de leur séjour principal
Ce critère s’applique de manière générale aux célibataires qui transportent avec eux leur résidence.
C’est ce que l’on appelle communément « la règle des 183 jours ».
Il s’agit du lieu où a séjourné la personne physique le plus longtemps.
Il suffit qu’une personne ait séjourné en France plus de 183 jours au cours d’une même année pour qu’elle soit réputée avoir son lieu de séjour en France.
Remarque intéressante : on est résident français en ayant séjourné moins de 183 jours en France, si la durée du séjour en France est supérieure aux séjours à l’étranger.
Si aucun des critères d’ordre personnel n’ont permis d’établir le domicile fiscal du contribuable, il faut alors examiner les critères d’ordre professionnel.
B- Les critères d’ordre professionnel
Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l’article 4 A :
b. Celles (les personnes) qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu’elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ;
Ainsi pour les salariés, leur domicile fiscal dépend du lieu où ils exercent effectivement et régulièrement leur activité professionnelle.
Pour les non salariés, il sera nécessaire de rechercher s’ils disposent en France d’un point d’attache fixe, un établissement ou une exploitation.
En cas d’exercice de plusieurs professions ou bien de la même profession dans plusieurs pays, le contribuable est considéré comme domicilié en France s’il y exerce son activité principale, en d’autres termes, où il y consacre le plus de temps effectif et ce même si cette activité ne dégage pas l’essentiel de ses revenus.
Enfin, si les critères d’ordre personnel et professionnel sont inopérants, il faut alors examiner les critères d’ordre économique.
C- Les critères d’ordre économique
Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l’article 4 A :
Celles (les personnes) qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques.
Même si cette personne n’y séjourne pas ou s’il n’y a pas son foyer ou son activité principale.
S’agissant de la définition du centre des intérêts économiques, cela correspondrait d’après l’administration fiscale au lieu où le contribuable a effectué ses principaux investissements, où il possède le siège de ses affaires, d’où il administre ses biens. Cela peut correspondre aussi au lieu où il a le centre de ses activités professionnelles ou encore celui d’où il tire la majeure partie de ses revenus.
D- Les cas particuliers
1- Le cas des agents de l’État
Les agents d’État en fonction ou chargés de mission dan un pays étranger et non soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l’ensemble de leurs revenu sont considérés comme fiscalement domiciliés en France, et ce même s’ils ne remplissent pas les critères d’ordre personnel, professionnel ou économiques énumérés précédemment.
2- Les expatriés avec mission temporaires à l’étranger (moins de 6 mois) restent imposables en France. Les travailleurs frontaliers sont résidents français (si habitation à moins de 20 km environ de la frontière)
L’article 4 B du CGI ne mentionne pas la nationalité de la personne qui n’est donc pas un critère en droit interne pour déterminer son domicile fiscal.
Vous l’avez compris, la seule application du droit interne propre à chaque pays peut néanmoins aboutir à ce qu’un contribuable soit considéré comme résident fiscal de plusieurs pays.
Le cas échéant, afin de déterminer un lieu de résidence fiscale unique, il conviendra de se reporter à la convention fiscale internationale signée entre les deux pays dont le contribuable serait susceptible d’être résident fiscal français.
II. Que se passe-t-il en cas de concurrence fiscale des États sur un même contribuable ?
A- Obligation fiscale illimité contre obligation fiscale limitée
Il convient de rappeler dans un premier temps qu’en vertu de l’article 4 A du CGI, les personnes fiscalement domiciliées en France ont une obligation fiscale illimitée (comprenez sont imposées sur leurs revenus de source française et étrangère). On parle d’imposition sur leur revenu mondial. Alors que les personnes fiscalement domiciliées hors de France ont quant à elles une obligation fiscale restreinte : seulement sur leurs revenus de source française.
Il s’agit des revenus provenant de biens, droits ou activités localisés en France (valeurs mobilières françaises, revenus d’exploitation en France, revenus d’activités professionnelles, revenus locatifs français…).
B) L’hypothèse de la « double résidence »
Il est cependant possible pour un même contribuable d’être considéré comme résident fiscal par deux États différents. Sur la base de l’article 4B du CGI en France et sur la base d’un dispositif légal équivalent dans un État étranger. Or, conventionnellement il est impossible d’être résident fiscal de deux États différents.
Il y a alors ce que l’on peut appeler un conflit de résidences qui sera tranché par l’application de la convention fiscale bilatérale liant les deux États. Ces conventions fiscales prennent pour la très grande majorité modèle sur la convention proposée par l’OCDE.
Celle-ci énonce les critères suivants pour apprécier la résidence fiscale des conjoints :
Le foyer d’habitation permanent (il s’agit de toute forme d’habitation dont le contribuable dispose de manière durable)
le centre de ses intérêts vitaux (relations familiales et sociales, occupations, activités politiques et culturelles de l’intéressé, siège de ses affaires, lieu d’où il administre ses biens, sans que soit établie une hiérarchie entre ses liens économiques et personnels
le lieu de séjour habituel
la nationalité
Dans le cas d’une double résidence, il faut analyser successivement les critères conventionnels. Ceci signifie que le second critère se substitue au premier lorsque celui-ci n’est pas applicable.
Cette problématique de « double résidence » fiscale est particulièrement intéressante dans le cas des couples dits « mixtes »
C- Le cas particulier des « couples mixtes »
Un coupe mixte est un couple au sein duquel l’un est résident fiscal français alors que l’autre ne l’est pas.
L’article 4B du CGI qui détermine la résidence fiscale en droit interne doit être appréciée et appliquée pour chacun des contribuables de manière isolée.
Ainsi, si les époux sont mariés sous le régime de la communauté, il y a imposition commune, et les règles de territorialité doivent s’appliquer à chaque conjoint.
Ainsi, si l’un est résident fiscal français et l’autre non, d’un point de vue déclaratif, il conviendra de déclarer de manière commune les revenus mondiaux du conjoint résident fiscal français et les revenus de source française du conjoint non résident fiscal français.
Par ailleurs, l’article 6,4 du CGI prévoit une imposition distincte pour les époux dans trois cas de figure :
Séparés de biens, ne vivant pas sous le même toit,
Séparation de corps ou de divorce en instance, autorisés à avoir des résidences séparées,
Abandon du domicile conjugal par l’un ou l’autre des époux.
Cette notion d’imposition séparée doit être combinée avec celle de territorialité.
En effet, des époux séparés de biens peuvent faire l’objet d’imposition séparée s’ils ne vivent pas sous le même toit.
L’appréciation de cette condition mérite réflexion quand l’un des conjoints est résident fiscal français et l’autre non.
Afin qu’il y ait une imposition séparée, la jurisprudence est venue indiquer que la résidence séparée à l’étranger ne soit pas temporaire.
L’enjeu est bien évidemment de savoir s’il convient pour le couple d’établir une déclaration commune, ou deux déclarations distincte, et en cas de déclaration commune, quoi déclarer.
La jurisprudence à eu à régler ces cas de couples mixtes :
CAA Marseille 4/10/2007 : Le fait que deux conjoints aient des résidences séparées ne suffit pas à établir qu’ils ont cessé toute vie commune
Il a été jugé, en l’absence de séparation de biens que l’époux résident au Canada et de nationalité canadienne n’avait pas cessé la vie commune avec son épouse installée en France, chacun d’eux faisait annuellement deux ou trois séjours de plusieurs semaines au domicile de l’autre (CE 19/01/1998).
Un contribuable séparé de biens de son épouse anglaise qui réside en permanence au Royaume-Uni avec leur fils et dispose de revenus personnels ne peut obtenir la prise en compte du quotient familial qu’il revendique dès lors que, domicilié en France, il travaille et réside en France et ne justifie pas d’une vie commune avec son épouse. CAA Paris 16/04/1998.
Enfin, il n’y a pas de difficultés lorsque les revenus sont distincts pour chacun des conjoints. La question est moins clairement résolue dans le cadre de revenus communs. On s’acheminerait néanmoins vers l’imposition de la moitié des revenus.
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