Le Conseil d’Etat, dans un récent arrêt, rappelle que la responsabilité de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) en raison de l’illégalité fautive d’une décision d’orientation rendue par la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) peut être engagée et donner lieu à l’indemnisation du préjudice professionnel et financier qui en est résulté.
Les Commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) ont été créées par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Leur fonctionnement a été précisé par le décret 2005 -1589 du 19 décembre 2005.
Au sein de la Maison Départementale des Personnes Handicapées, la Commission des Droits et de l’Autonomie prend les décisions concernant les aides et les prestations pouvant être attribuées, au regard de l’évaluation de la situation de la personne en situation de handicap réalisée par l’équipe pluridisciplinaire.
La responsabilité de la Maison Départementale des Personnes Handicapées peut-elle être engagée pour des décisions rendues par la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées ?
Dans les textes, la réponse est oui. Cette personne morale de droit public est responsable des décisions rendues par la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, comme le rappellent les dispositions de l’article R241-31 du code de l’action sociale et des familles :
« Les décisions de la commission sont motivées. Elles sont prises au nom de la maison départementale des personnes handicapées. Leur durée de validité ne peut être inférieure à un an ni excéder dix ans sauf dispositions législatives ou réglementaires spécifiques contraires. »
Toutefois, pour que soit engagée cette responsabilité, il faut pouvoir démontrer classiquement l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
A quel moment peut-on considérer que la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées engage la responsabilité de la Maison départementale des personnes handicapées dans le cadre de son pouvoir de décision ?
Dans une récente décision, le Conseil d’Etat est venu préciser ce point.
Par décision en date du 28 décembre 2018, le Conseil d’Etat a en effet confirmé que l’erreur d’appréciation commise par la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées rendait sa décision illégale, et constituait en tant que telle, une faute, engageant la responsabilité de la Maison Départementale des Personnes Handicapées [1].
Dans cette espèce, un étudiant en situation de handicap, d’abord orienté vers une formation conduisant à l’obtention d’un baccalauréat professionnel de niveau IV, avait sollicité un changement d’orientation vers une formation visant à l’obtention d’un Brevet de Technicien supérieur, auprès de la Commission des Droits et de l’Autonomie.
La Commission des droits et de l’autonomie a rejeté sa demande et orienté l’intéressé vers la formation conduisant au Baccalauréat professionnel de niveau IV.
Le Tribunal administratif, saisi de l’illégalité de cette décision (rappelons que les décisions de la CDAPH relatives à l’orientation professionnelle des personnes handicapées sont susceptibles de recours devant la juridiction administrative), s’est soumis à une évaluation de la situation de l’intéressé et il a notamment analysé [2] :
- La précision de son projet professionnel,
- Son parcours scolaire et les diplômes qu’il a obtenus,
- Ses capacités d’apprentissages au regard des bilans dressés par les professionnels.
Au regard de ces éléments, le Tribunal administratif a alors jugé que la Commission des droits et de l’autonomie avait commis une erreur d’appréciation, rendant illégale sa décision.
Saisi, cette fois, d’un recours en indemnisation, le Tribunal administratif a alors déduit de l’erreur d’appréciation commise par la Commission des Droits et de l’autonomie, une faute engageant la responsabilité de la Maison départementale des personnes handicapées [3] :
« (…) le jugement du 14 mars 2013 se fonde sur l’erreur d’appréciation dont cette décision était entachée ; que compte tenu de ce motif d’annulation, l’illégalité de cette décision constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la MDPH (…) »
Le Tribunal ne reconnaitra néanmoins aucun préjudice moral, financier ou professionnel découlant de cette faute.
C’est dans ce contexte que le Conseil d’Etat, tout en confirmant la faute résultant de l’erreur d’appréciation commise par la Commission des droits et de l’autonomie, relève l’erreur de droit commise par le Tribunal administratif sur l’existence d’un préjudice financier et professionnel tenant à une perte d’années de formation et une perte de chance de concrétiser son projet professionnel, subi par l’étudiant.
La Maison départementale des personnes handicapées devra indemniser ce préjudice.
Ce n’est pas la première fois que la Maison départementale des personnes handicapées se voit condamnée à indemniser le préjudice subi par une personne en situation de handicap, et résultant d’une faute commise par la Commission des droits et de l’autonomie dans le cadre de son pouvoir de décision.
Ainsi, le Tribunal du Contentieux de l’incapacité de Nantes, par jugement en date du 13 juin 2013, suivi par la CNITAAT, par un arrêt en date du 18 février 2015 (n°1304583), ont reconnu la faute commise par la Commission des droits et de l’autonomie dans l’appréciation des besoins en aide humaine d’un jeune homme en situation de handicap, et le préjudice direct et certain qui en est résulté pour lui.
La Maison départementale des personnes handicapées a ainsi été condamnée à réparer le préjudice subi en raison de l’insuffisance du nombre d’heures d’aide humaine octroyée par la Commission des droits et de l’autonomie.
Là encore, c’est l’erreur d’appréciation de la Commission des droits et de l’autonomie qui est sanctionné.
Néanmoins, la condamnation de la Maison départementale des Personnes Handicapées à indemniser le préjudice résulté de l’illégalité fautive d’une décision rendue par la Commission des droits et de l’autonomie, si elle est juridiquement possible, reste rare, au regard du peu de jurisprudence en ce sens.
Depuis le 1er janvier 2019, le Pole social des Tribunaux de Grande Instance a remplacé les Tribunaux du contentieux de l’incapacité.
Attendons leur position sur cette question.
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