Arrêt n°3675 du 23 janvier 2019 (18-82.833) - Cour de cassation - Chambre criminelle

La Cour de Cassation vient de rendre un arrêt concernant la Mise en accusation du chef de viols commis par surprise sur des victimes mises en contact avec l’auteur des faits grâce à l’utilisation d'un site internet de rencontre.

Des femmes avaient déposé plainte pour viol contre un homme rencontré via un site de rencontre sur internet.

Cet homme s'était présenté sur le site comme âgé de 38 ans, jouissant d’un métier de prestige exercé notamment à Monaco, et faisant preuve d'une aisance financière et avait fourni des photographies montrant un jeune homme au physique très avenant et sportif.

Après des échanges virtuels cet homme, qui refusait une rencontre dans un lieu public, proposait une rencontre dans son appartement pour avoir une relation sexuelle.

A leur arrivée les femmes trouvaient porte entr’ouverte, pénombre dans l’appartement, mise en place d’un bandeau sur les yeux (pour éviter de voir), mains attachées (pour éviter de toucher), enfin une relation sexuelle suivie ou précédée de prise de clichés

Les femmes lorsqu'elles enlevaient le bandeau découvrait un homme âgé de plus de soixante ans, perçu puis vu comme voûté, ridé, portant des lunettes, les cheveux teints et dégarnis a été un choc du fait de la répulsion ressentie mais aussi du fait du sentiment d’avoir été abusé, certaines des femmes entendues faisant valoir un traumatisme durable, voire un bouleversement dans leur vie affective.

La Cour de cassation censure un arrêt de  la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-En-Provence, en date du 12 avril 2018 qui avait invalidé l'ordonnance de mise en accusation du juge d'instruction.

Dans cette affaire il s'agissait de s'interroger sur d’une part, sur la définition du consentement à l’acte sexuel et d’autre part sur la notion de surprise.

L'avis de l'avocat Général était que "le fait d’accepter le risque d’avoir une relation sexuelle, sans le voir, avec un individu rencontré sur Internet, sur  lequel elles ne disposaient d’aucun renseignement autre que ce  qu’il  avait  bien  voulu  fournir,  s’il  atteste  de  la  crédulité  des  victimes,  et  de  leur éventuelle difficulté à appréhender les mondes virtuels et réels, ne peut, en tant que tel, établir leur consentement"

La cour de Cassation a considéré que le fait d'avoir donné son consentement à une relation sexuelle n'empêchait pas la mise en accusation pour viols dans la mesure où le consentement avait été donné à la suite d'un stratagème employé par le mis en cause, ce qui caractérise en droit la surprise.

"Attendu que, pour infirmer l’ordonnance du juge d’instruction, l’arrêt attaqué retient notamment que si le stratagème utilisé a pu incontestablement constituer un moyen pour amener les plaignantes à se présenter au domicile de M. Z..., elles avaient accepté d’avoir une relation sexuelle au domicile d’un nommé "I... B... ", suivant un scénario élaboré par celui-ci, qu’elles étaient capables d’analyser une situation pour le moins "originale" et le cas échéant, de s’y dérober, aucune contrainte ou menace sérieuse n’étant exercées contre elles ; qu’à l’issue, elles savaient que le bandeau leur serait enlevé ; que les juges énoncent ainsi que la surprise ne peut être assimilée au sentiment d’étonnement ou de stupéfaction des plaignantes lors de la découverte des caractéristiques physiques de leur partenaire ;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors qu’elle avait caractérisé l’emploi d’un stratagème, la chambre de l’instruction a méconnu le texte susvisé et le principe sus-énoncé ;"