Le 1er janvier 2020 est entrée en vigueur la réforme des juridictions judicaires prévues par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019.

Cette réforme est de grande ampleur. Elle supprime les Tribunaux de Grande Instance et Tribunaux d’Instance (les Juges de Proximité avaient déjà été supprimés depuis juillet 2017).

Elle modifie également les modes de saisine des juridictions civiles.

L’objectif annoncé de cette réforme est une simplification du droit et un accès facilité au juge.

Les premiers mois d’application de cette réforme, bien qu’entrecoupés par l’état de confinement et la quasi fermeture des juridictions, font naitre de vives critiques, notamment en ce qui concerne l’accès au juge pour les litiges inférieurs à 5.000 €.

Pour plus de clarté un rappel de l’organisation jusqu’au 31 décembre 2019 :

Deux juridictions existaient : le Tribunal de Grande Instance et le Tribunal d'Instance.

Il s’agissait de juridictions différentes avec un président et des greffes distincts.

La répartition de la compétence entre les deux juridictions était la suivante :

Pour le Tribunal de Grande Instance :

Compétence générale pour toutes les affaires civiles ou commerciales pour lesquelles compétence n'est pas attribuée à une autre juridiction (art. L .211-3 et R.211-3 du COJ)

Des compétences exclusives : pour le Président une compétence pour les procédures sur requêtes et les référés), un Juge de la mise en état, un Juge aux affaires familiales, un Juge de l’exécution et un Juge chargé de contrôler l’exécution des mesures et les commissions rogatoires

Pour le Tribunal d'Instance :

Compétence exclusive du tribunal d’instance pour les litiges dont le montant est inférieur à 10.000 € et pour certaines matières :

  • Actions aux fins d'expulsion des occupants sans droit ni titre des immeubles à usage d'habitation.
  • Contentieux crédit à la consommation
  • Demandes de mainlevée de l'opposition frappant les titres perdus ou volés
  • Contestation sur les conditions d’organisation des funérailles
  • Contestation des procédures de paiement direct des obligations alimentaires
  • Révision des rentes viagères
  • Contestation concernant la possession des chemins ruraux
  • Demandes relatives aux frais, émoluments et débours des auxiliaires de justice et des officiers publics ou ministériels
  • Action en bornage
  • Contrat de travail des marins
  • Dommages aux cultures
  • Vente des objets abandonnés
  • Litiges concernant les plantations en bordures de propriété
  • Elargissement des cours d’eau etc .

La majorité du contentieux était le contentieux portant sur des montants inférieurs à 10.000 €, le contentieux locatif et le contentieux de crédit à la consommation

La saisine du Tribunal d'Instance pouvait se faire directement soit par requête soit par assignation.

 

Organisation depuis le 1er janvier 2020 :

Il n’existe plus qu’un seul Tribunal dans lequel le Tribunal de Grande Instance et le Tribunal d'Instance ont été fusionnés, le Tribunal Judiciaire  

Le Tribunal Judiciaire est une enveloppe qui englobe les différentes chambres du tribunal : le Juge aux Affaires Familiales, le pôle économique et social, les litiges locataires / propriétaires, les litiges civils, les litiges commerciaux et le pénal.

La distinction en fonction de l’intérêt du litige (montant des demandes) disparait.

Si le département comprend plusieurs Tribunaux Judiciaires, les tribunaux pourront se spécialiser.

C’est le cas de la Corrèze qui a un Tribunal Judiciaire à Tulle, auprès duquel se trouve la chambre de la famille du département, et un Tribunal Judiciaire à Brive la Gaillarde où se situe le juge des enfants.

Les anciens Tribunaux d'Instance deviennent une chambre détachée du Tribunal Judiciaire dont la dénomination est Tribunal de proximité lorsqu’ils se trouvent dans une commune différente de celle où se trouve l’ancien Tribunal de Grande Instance devenu Tribunal Judiciaire.

Si l’ancien Tribunal d'Instance se trouve dans la même commune mais à une adresse différente c’est un pôle civil de proximité.

Les compétences de ce Tribunal de proximité sont celles de l’ancien Tribunal d'Instance sauf le contentieux des élections professionnelles et le contentieux des contrats de travail des marins qui relèvent de la compétence exclusive du Tribunal Judiciaire.

Au sein du Tribunal Judiciaire un juge spécialisé est créé : le Juge des contentieux et de la protection.

Le Juge des contentieux et de la protection est compétent pour les litiges suivants :

  • Le crédit à la consommation,
  • Le surendettement des particuliers,
  • Le contrat de louage d’immeuble à usage d’habitation, c'est à dire les litiges entre propriétaires et locataires
  • La protection des majeurs, c'est à dire le juge des tutelles
  • L’expulsion des personnes sans droit ni titre.

Une autre particularité est à souligner : les décisions du juge des contentieux de la protection connaîtra peuvent être contestées en appel en fonction des actions en raison de la nature du litige.

L’appel ne sera possible que pour les litiges :

  • Qui tendent à l’expulsion des personnes,
  • Lorsque la somme sur laquelle porte le litige est supérieure à 5 000 € ou est indéterminée.

Attention : dans certains cas il n’est pas possible de saisir directement le juge.

Une des nouveautés de la réforme est la tentative préalable de règlement amiable. Il peut s’agir d’une conciliation, de médiation ou d’une tentative de procédure participative.

Cette démarche est obligatoire à peine d’irrecevabilité de la demande présentée devant le Tribunal Judiciaire lorsqu’elle concerne un litige inférieur ou égal à 5.000 € ou lorsque la demande est relative à un conflit de voisinage.

Cette première étape indispensable pose de nombreuses difficultés : coût de la prise en charge de la médiation ou de la procédure participative et délai pour obtenir un rendez-vous avec un conciliateur.

De nombreuses critiques s’élèvent aussi lorsque les parties vivent dans des départements éloignés. Comme procéder à une conciliation si l’un habite en Bretagne et l’autre en Provence ?

Cette mesure qui tendait à diminuer le volumes du contentieux est pour l’instant perçu comme une limitation à l’accès au juge et est mal perçu.

Par exemple pour un litige concernant la réparation d’un véhicule pour un montant de 1.000 € plusieurs semaines voire mois vont être nécessaires pour qu’une tentative de conciliation se mette en place et en l’absence d’accord la saisine du Juge des contentieux et de la protection aura été retardée d’autant.

La loi a également étendu la postulation et sa territorialité.

L’avocat est devenu obligatoire dans des procédures qui ne nécessitaient pas jusqu’alors son intervention.

Sont concernées les procédures en référé lorsque la demande est indéterminée ou lorsque le montant de la demande est supérieur à 10.000 €.

Autre nouveauté très critiquée : les décisions rendues sont assorties de l’exécution provisoire ; cela signifie qu’en cas d’appel la décision n’est plus « suspendue » comme c’était le cas dans la majorité des cas, mais doit être exécutée.

Cette mesure est considérée comme un frein à l’exercice de la voie de recours qu’est l’appel. Non seulement la décision d’applique, et les conséquences peuvent être importantes, mais l’inexécution de la décision peut bloquer la procédure d’appel ;