L’article 1792-7 du Code civil dispose :

« Ne sont pas considérés comme des éléments d'équipement d'un ouvrage au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4 les éléments d'équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage. »

 

1. L’esprit du texte

Le législateur a voulu exclure du champ de la garantie décennale certains équipements et leurs accessoires lorsque leur seule fonction est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle.
Autrement dit, si un élément sert uniquement à l’activité économique exercée dans l’ouvrage (par exemple, une machine industrielle ou un dispositif technique propre à un usage professionnel), il échappe à la garantie décennale.

 

2. Le Conseil d’État : une exclusion pour les marchés publics

Le Conseil d’État a précisé que ces dispositions ne s’appliquent pas aux marchés publics de travaux.
Dans un arrêt du 5 juin 2023 (n° 461341), il juge que l’article 1792-7 du Code civil est étranger à la garantie décennale applicable en droit public.

Selon le rapporteur public, appliquer strictement cet article reviendrait à réduire excessivement la portée des garanties décennale et biennale, en excluant des équipements pourtant indissociables de l’ouvrage. De plus, en droit public, la garantie décennale n’a pas de caractère d’ordre public, et les ouvrages sont généralement destinés à un usage professionnel. Ainsi, le Conseil d’État a estimé qu’il n’y avait pas lieu de transposer les exclusions prévues par le Code civil.

L’affaire concernait des groupes de production de froid nécessaires au bon fonctionnement d’un bâtiment professionnel. Le Conseil d’État a confirmé que la garantie décennale des constructeurs restait applicable, sans que l’article 1792-7 puisse être invoqué.

 

3. La Cour de cassation : une approche nuancée

En 2025, la Cour de cassation a rendu plusieurs arrêts précisant l’application de l’article 1792-7 en droit privé.

  • Station de lavage – séparateur d’hydrocarbures (Cass. 3e civ., 6 mars 2025, n° 23-20.018)

La Cour censure une décision ayant admis la garantie décennale pour un séparateur d’hydrocarbures, dont la fonction exclusive est de permettre l’activité professionnelle de la station de lavage. Ce type d’équipement a donc vocation à relever de l’exclusion prévue par l’article 1792-7.

  • Unité de production d’ammoniaque – revêtement réfractaire (Cass. 3e civ., 25 sept. 2025, n° 23-18.563)

La Cour valide au contraire la décision ayant refusé d’appliquer l’article 1792-7, considérant que les travaux de rénovation du revêtement réfractaire constituaient en eux-mêmes un ouvrage, et non un simple équipement. La garantie décennale reste donc applicable.

  • Toiture photovoltaïque – fonction de clos et de couvert (Cass. 3e civ., 25 sept. 2025, n° 23-22.955)

Dans une autre affaire, la Cour casse un arrêt pour défaut de recherche sur la nature des modules photovoltaïques et leurs boitiers de connexion défectueux intégrés à une toiture en acier.
La Cour d’appel devait déterminer si ces modules assuraient une fonction de clos ou de couvert (et donc relevaient de la garantie décennale), ou s’ils servaient exclusivement à une activité professionnelle (et donc entraient dans le champ de l’article 1792-7).

Cette affaire, déjà jugée en 2022 (Cass. 3e civ., 21 sept. 2022, n° 21-20.433), illustre bien la complexité de la qualification des éléments intégrés à un ouvrage.

La cassation n° 23-22.955 du 25 septembre 2025 renvoie l’affaire devant une nouvelle Cour d’appel pour qu’elle se prononce, cette fois expressément, sur la fonction réelle des modules photovoltaïques intégrés à la toiture.

Le débat porte sur la frontière entre :

  • des éléments d’équipement dont la fonction exclusive est de permettre une activité professionnelle (production d’électricité), exclus du champ de la garantie décennale par l’article 1792-7 du Code civil,
  • et des éléments intégrés à l’ouvrage, participant au clos, au couvert ou à l’étanchéité, relevant du régime de la responsabilité décennale.

Ainsi, soit les modules participent au clos et au couvert : application de la garantie décennale. Si la Cour de renvoi retient que les panneaux photovoltaïques assurent une fonction d’étanchéité ou de protection du bâtiment, ils devront être considérés comme éléments constitutifs de l’ouvrage. La garantie décennale s’appliquera alors, conformément à la logique de l’arrêt du 21 septembre 2022 (n° 21-20.433), qui reconnaissait déjà la fonction constructive de ces installations intégrées.

Soit les modules ont une fonction exclusivement professionnelle : exclusion au titre de l’article 1792-7. À l’inverse, si la toiture en acier assure seule la fonction de couverture et que les modules photovoltaïques ne servent qu’à produire de l’électricité, ils seront regardés comme éléments d’équipement professionnels, exclus du champ de la garantie décennale.

La décision dépendra étroitement du procédé d’intégration et du rôle technique effectif des modules dans la toiture.

Néanmoins, la tendance actuelle de la Cour de cassation invite à retenir une approche fonctionnelle : dès lors qu’un équipement contribue au clos, au couvert ou à la destination de l’ouvrage, il doit relever du régime de la garantie décennale.

 


En définitive, la jurisprudence tend à privilégier une approche pragmatique et fonctionnelle : dès lors qu’un élément participe à la structure ou à la destination de l’ouvrage, la garantie décennale a vocation à s’appliquer.


Cette orientation, confirmée tant en droit privé qu’en droit public, consolide la cohérence du régime tout en laissant subsister une part de casuistique.