Lors d’un accident de la route, la loi du 5 juillet 1985 dite Loi BADINTER prévoit un statut spécial pour les conducteurs: En effet, les conducteurs en matière d’accident de la route peuvent ne pas être pleinement indemnisés. Ainsi, dans certains cas ils sont même privés totalement de leur indemnisation.  En effet, la loi stipule qu’en cas de faute, les conducteurs victimes d’accident de la route voient leur indemnisation soit réduite soit supprimée. Bien entendu cela encourage les assurances à priver ces victimes de leur indemnisation. Alors que la Cour de cassation impose un examen au cas par cas les assurances généralisent l’exclusion. Par conséquent, les conducteurs victimes ont tout intérêt à s’informer !

Que dit la loi ?

L’article 3 prévoit :

« Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subis, …»

Article 4

« La faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subis. »

Article 5

« La faute, commise par la victime a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages aux biens qu’elle a subis. Toutefois, les fournitures et appareils délivrés sur prescription médicale donnent lieu à indemnisation selon les règles applicables à la réparation des atteintes à la personne.

Lorsque le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur n’en est pas le propriétaire, la faute de ce conducteur peut être opposée au propriétaire pour l’indemnisation des dommages causés à son véhicule. Le propriétaire dispose d’un recours contre le conducteur. »

Que dit la jurisprudence ?

Après des évolutions de jurisprudence, la Cour de cassation a précisé l’appréciation qu’il fallait avoir de la faute du conducteur. Ainsi, c’est une étude au cas par cas qu’il convient de faire. En effet, en matière d’accidents de la route le conducteur fautif ne doit pas être automatiquement privé de son indemnisation ! Or, les assurances ont tendance à écrire immédiatement aux conducteurs que leur faute les prive du droit à indemnisation. C’est pourquoi, elles sont recadrées par les tribunaux. En effet, la faute doit être appréciée au cas par cas. Donc les juges doivent examiner dans quelle mesure la faute a contribué à l’accident. Car il peut y avoir une faute qui n’a pas contribué à l’accident; ou bien encore une faute qui y contribué de manière importante. Il faut donc apporter cette nuance dans l’appréciation des faits.

Or, le comportement de l’autre conducteur n’a pas a été pris en compte

« les juges devaient, abstraction faite du comportement de l’autre conducteur dont le véhicule était impliqué dans l’accident, rechercher si le conducteur avait commis une faute qui était de nature à limiter ou à exclure son droit à indemnisation »

Ainsi, le fait que le défendeur n’ait commis aucune faute n’implique pas la privation totale et automatique de l’indemnisation du conducteur.

 

Mais les juges n’ont pas à rechercher si la faute du conducteur a été la cause exclusive de l’accident

Cour de Cassation. 2ème chambre civile., 28 janv. 1998, 96-13596, 96-19336 et 96-14849

« que s’il appartient au juge d’apprécier que la faute du conducteur-victime a pour effet de limiter l’indemnisation ou de l’exclure, il n’a pas à rechercher si cette faute est la cause exclusive de l’accident, mais si elle a contribué à son dommage »- Cour de cassation 2ème chambre civile 11 juillet 2002, n° 00-22445,

Et récemment encore Cour de cassation, chambre criminelle, 3 mai 2017 N°16-84485

Donc, si lors d’un accident de la route, la victime conducteur fautif peut voir son indemnisation simplement réduite elle n’est pas systématiquement exclue.

Car le juge doit apprécier dans quelle mesure la faute a contribué à la réalisation du dommage

« lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l’indemnisation des dommages qu’il a subis, directement ou par ricochet, sauf s’il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice ; qu’il appartient alors au juge d’apprécier souverainement si cette faute a pour effet de limiter l’indemnisation ou de l’exclure » (Cour de cassation chambre mixte, 28 mars 1997, n° 93-11078 ).

 

Exemples :

Exemples de cas d’exclusion de l’indemnisation pour la victime jugée conducteur fautif :

Le conducteur qui ne respecte pas la signalisation :

Exemples de cas de simple limitation de l’indemnisation pour la victime jugée conducteur fautif :

La faute est opposable à la famille !

De plus, la limitation ou l’exclusion de l’indemnisation du conducteur fautif est opposable aux proches. Qui sont ils ? Il s’agit victimes par ricochet et les ayants droits. La famille subit donc la double peine : D’une part il y a la survenance de l’accident et le proche blessé ou pire décédé. Et d’autre part, les proches ne pourront pas bénéficier de l’entière indemnisation.

Conclusion

Ainsi, la situation du conducteur victime d’un accident de la route est donc extrêmement délicate. Et les assurances ont tendance à ne rien proposer à ces victimes. Mais il est possible de contester la position de l’assurance. Et le conducteur doit défendre ses droits énergiquement. Les arrêts qui précédent démontrent que le contentieux est important. Les jugements rappellent fréquemment les règles aux assureurs.

Note à mes aimables lecteurs : Cet article sera complété au fil  du temps si je vois des arrêts illustrant des cas particulièrement intéressants et/ou fréquents. J’espère que la lecture ce cet article vous a intéressée.

 

Olivia Chalus Pénochet

Avocat – Nice

Dommage corporel

Novembre 2017