L’exproprié ne peut renoncer au droit de rétrocession avant que les conditions de sa mise en œuvre ne soient réunies.
Dans un arrêt du 19 janvier 2022 n°20-19.351, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a confirmé un arrêt de la Cour d’Appel de Saint-Denis de la Réunion qui avait jugé qu’un exproprié était fondé à réclamer la rétrocession d’une parcelle expropriée, après avoir constaté l’impossibilité de la rétrocéder, et a condamné l’expropriant à lui payer des dommages et intérêts.
La question jugée était de savoir si l’exproprié pouvait renoncer à son droit de rétrocession avant même d’en être titulaire. La décision de la Cour de cassation permet de préciser les conditions de mise en œuvre du droit de rétrocession.
On rappellera que, conformément à l’article L.421-1 du Code de l’expropriation, si les immeubles expropriés n'ont pas reçu, dans le délai de cinq ans à compter de l'ordonnance d'expropriation, la destination prévue ou ont cessé de recevoir cette destination, les anciens propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel peuvent en demander la rétrocession pendant un délai de trente ans à compter de l'ordonnance d'expropriation, à moins que ne soit requise une nouvelle déclaration d'utilité publique.
Dans le cas d’espèce, l’exproprié avait renoncé à son droit de rétrocession dans le cadre d’un acte de quittancement de l’indemnité conclu avec l’expropriant après l’ordonnance d’expropriation mais avant l’expiration du délai de 5 ans. Le terrain n’ayant finalement pas reçu la destination prévue par l’acte déclaratif d’utilité publique, l’exproprié a assigné l’expropriant devant le tribunal de grande instance et, alléguant que la rétrocession de son bien était devenue impossible, a demandé l’indemnisation de ses préjudices.
Par un arrêt du 19 mai 2020, la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion a jugé que l’exproprié était fondé à réclamer la rétrocession de la parcelle expropriée, constaté l’impossibilité de rétrocéder, et condamné l’expropriant à payer à l’exproprié la somme de 278 000 € à titre de dommages et intérêts. Insatisfait de cette décision l’expropriant s’est pourvu en cassation, estimant que le droit de rétrocession des biens expropriés naît de l’expropriation elle-même, et que l’exproprié peut donc y renoncer dès que le transfert de propriété a été prononcé.
La Cour de cassation ne retient pas son analyse et décide que l’exproprié ne peut renoncer au droit de rétrocession, qui relève de l’ordre public de protection, qu’une fois celui-ci acquis et qu’il ne peut pas valablement renoncer à un droit d’ordre public avant qu’il ne soit acquis.
En l’espèce, la Cour considère que c’est à bon droit que la Cour d’Appel a retenu que l’exproprié n’avait pu valablement renoncer à son droit de rétrocession dans une convention conclue avec l’expropriant, dès lors que son droit n’était pas encore né à cette date.
Ainsi, l’expropriant ne peut, à l’occasion de la signature d’un acte d’adhésion quittance faire renoncer l’exproprié au droit de rétrocession avant que les conditions de sa mise en œuvre ne soit acquis.
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