Le confinement de près d’un tiers de l’humanité a contraint de nombreuses entreprises à fermer temporairement leurs portes dans la précipitation ou, pour les plus chanceuses, à réduire leur activité.
Que deviennent les contrats, français et internationaux, qui étaient alors en cours d’exécution, ou qui devaient, sous peu, être exécutés ?
Pour tous les contrats, il faut d'abord vérifier s'il existe une clause relative à la force majeure.
Ces clauses peuvent s'intituler clause de « force majeure », de « hardship » (en anglais), de « caso fortuido » ou encore de « fuerza mayor » (en espagnol).
S’il existe une telle clause, il faut se référer à ses seuls termes : elle précisera les conditions pour se prévaloir de la force majeure et les conséquences qu’elle peut emporter.
Le contrat peut en effet tout à fait limiter les cas de force majeure en retenant une définition étroite ou en listant les cas susceptibles d’être qualifiés de force majeure, ou plus radicalement exclure ce mécanisme.
A défaut de clause spécifique, c’est le droit commun choisi par les parties ou désigné par la règle de conflit de loi objective qui s’appliquera : analyse des droits français (1.), anglais (2.) et espagnol (3.).
1. En droit français
Il y a force majeure, selon les articles 1129 (pour les contrats conclus après le 1er octobre 2016) et 1148 (pour les contrats conclus avant) du code civil, lorsqu'un événement extérieur, irrésistible et imprévisible lors de la conclusion du contrat empêche l'exécution d'une obligation.
On peut raisonnablement penser que le Covid-19 et le confinement qu’il a entraîné est un cas de « force majeure ». Bruno Le Maire, ministre français de l’économie, a lui même qualifié dès février le coronavirus de « cas de force majeure ».
Pour les contrats conclus alors que le confinement prenait progressivement place, il est en revanche peu probable que la situation puisse être qualifiée de faute majeure faute d'avoir été imprévisible.
L’exception de force majeure ne permet pas d’échapper à toutes les obligations contractuelles mais aux seules obligations qui ne peuvent plus, en raison de cet évènement, être exécutées. Il faut donc apprécier, au cas par cas, l'incidence que la situation a eu sur l'exécution de l'obligation.
La Cour de cassation décide par ailleurs qu’un débiteur ne peut jamais être exonéré d’une obligation de paiement d’une somme d’argent (Com., 16 septembre 2014, pourvoi n°13-20306, Bull. n°118). Dans ce cas le débiteur peut négocier des délais de paiements avec le créancier ou, à défaut, solliciter un délai de grâce au juge sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil.
Si l’empêchement est momentané, le débiteur n’est pas libéré et l’exécution de l’obligation est seulement suspendue jusqu’au moment où la force majeure vient à cesser (3ème Civ., 22 février 2006, pourvoi n°05-12032, Bull. n°46). Mais si l’empêchement est permanent, le contrat peut être résolu (1ère Civ., 2 juin 1982, pourvoi n°81-10158, Bull. n°205) et les sommes déjà versées devront, en tout ou partie, être restituées.
2. En droit anglais
Le droit anglais applique un mécanisme similaire à celui de la force majeure en droit français, celui de la frustration.
Le mécanisme de la frustration (appelé doctrine of frustration) s’applique lorsqu’un événement inattendu que les parties ne peuvent contrôler rend l’exécution du contrat matériellement ou légalement impossible ou change de manière radicale les obligations des parties.
Cet événement peut être de nature très variée : un incendie qui détruit une salle de spectacle louée (Taylor c. Caldwell, [1863]), la maladie ou le décès du débiteur (Condor c. Baron Knights, [1966]) ou encore un changement de législation rendant l’exécution d’un contrat illicite (Denny, Mott and Dickson c. James B Fraser & Co Ltd, [1944]).
Ici également, il semble que l’apparition du virus et la mise en place d’une politique de confinement constituent un événement inattendu, qui échappe au contrôle des parties.
Mais, ici aussi, tous les débiteurs ne sont pas déchargés de toutes leurs obligations mais uniquement de celles qu’ils ne peuvent exécuter ou qui ont été a été radicalement modifiées.
Il faut ainsi tenir compte de la nature de l’obligation et des conséquences concrètes que le confinement a eu sur son exécution.
Si les conditions sont remplies, la partie est « déchargée » de son obligation. La restitution des sommes déjà versées est organisée par le « Law Reform (Frustrated Contracts) Act 1943 ».
3. En droit espagnol
Selon l'article 1105 du code civil espagnol, il y a force majeure lorsque survient un événement imprévisible et cas fortuit lorsque survient un événement prévisible mais irrésistible.
Ici également, on peut raisonnablement penser que le Covid-19 et le confinement qu’il a entraîné est un cas de force majeure.
Mais ici aussi, seules sont concernées les obligations qui n’ont pu être exécutées en raison de cet événement.
La force majeure et le cas fortuit ont pour conséquence d’exonérer le débiteur de son obligation. Il ne peut donc lui être reproché de ne pas avoir exécuté son obligation, mais en contrepartie, le créancier peut se voir restituer tout ou partie des sommes qu’il aurait déjà versées.
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