Lorsqu’un fait accidentel survient au temps et au lieu du travail, ce fait accidentel est en principe considéré comme ayant une origine professionnelle, permettant ainsi au salarié de bénéficier d’un accident du travail.

Telle est la logique de l’article L 411-1 du Code de la Sécurité Sociale selon lequel « …Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail… ».

Il est ainsi établi une présomption d’imputabilité au travail de tout fait accidentel survenu dans l’entreprise.

Cette présomption peut cependant être renversée lorsque le salarié agit en dehors de son activité habituelle ; la jurisprudence recherche alors si le lien de subordination était ou non maintenu lors de la survenance de l’accident et si le salarié agissait au moment de l’accident dans l’intérêt de l’entreprise ou, au contraire, s’il n’agissait que dans son intérêt personnel se soustrayant dès lors à l’autorité de son employeur.

Cependant, la jurisprudence a au fil du temps considérablement ouvert le champ des accidents du travail en dégageant plusieurs hypothèses d’activité et/ou acte étranger aux fonctions du salarié mais qualifiées néanmoins dans la plupart des cas d’accident du travail :

  • Lorsque l’activité et/ou l’acte est accompli dans l’intérêt ou sur ordre de l’employeur ;

 

  • Lorsque le salarié victime porte secours à un collègue sans y avoir été autorisé ;

 

  • Lorsque le salarié subit une lésion à l’occasion d’une activité de loisir dans l’entreprise ;

 

  • Lorsque le salarié est blessé à l’occasion d’une rixe, dès lors que cette-ci a pour origine un motif d’ordre professionnel.

Récemment, la Cour de Cassation a ouvert encore un peu plus ce champ en estimant qu’un accident qui se produit alors que le salarié ne se trouve plus sous la subordination juridique de l’employeur constitue un accident du travail si l’intéressé établit qu’il est survenu par le « fait du travail ». Il s’agissait en l’occurrence du suicide d’un salarié à son domicile (Cass. 2ème Civ 24 janvier 2019 pourvoi V. / CPAM de Paris pourvoi n° 17-31282).

Dans ce contexte jurisprudentiel très libéral, un jugement du Tribunal de Grande Instance pôle social de LYON rendu le 17 juillet 2019 apporte néanmoins un tempérament important.

En effet, le Tribunal était saisi du cas d’un salarié ayant présenté des lésions psychologiques après une altercation avec son employeur au sujet de la disparition de biens de l’entreprise, en l’occurrence le trousseau de clés d’un hôtel.

Cette simple présentation objective de la situation suffirait à qualifier l’accident du travail, dans la droite ligne de la jurisprudence décrite ci-dessus.

Cependant, il a été établi que le salarié avait volontairement dissimulé le trousseau de clé et avait conditionné sa restitution à l’obtention d’une substantielle indemnité de départ, exerçant ainsi un chantage pour son seul intérêt personnel à l’origine de l’altercation avec l’employeur.

Ce faisant, il a été jugé que le salarié avait participé activement à l’apparition de ses troubles psychologiques constatés le lendemain des faits et justifiant la déclaration d’accident du travail.

Se fondant sur ces circonstances parfaitement établies par les pièces du dossier, le Tribunal a jugé qu’en agissant en faveur de ses seuls intérêts personnels, le salarié avait sciemment adopté à l’égard de son employeur un comportement « injustifiable », et qu’il s’était placé hors du lien contractuel d’autorité et de subordination.

Le Tribunal en a alors déduit que l’altercation entre l’employeur et le salarié ne peut être qualifiée d’accident du travail.

Prenant le contrepied du courant jurisprudentiel dominant sur la qualification d’accident du travail, le Tribunal de Grande Instance Pôle social de Lyon a ainsi fait prévaloir le lien de subordination au détriment de la notion particulièrement extensible de « fait du travail ».

Quand la morale et l’orthodoxie juridique se rejoignent…