Article co-rédigé avec Me Mathilde HELLEU
Les risques psychosociaux (stress, dépression, burn-out…) sont aujourd’hui très présents dans les entreprises, ce qui peut se traduire par la reconnaissance d’affections de nature psychologique au titre de la législation professionnelle.
Bien que les affections d’ordre psychologique soient, dans la grande majorité des cas, multi-factorielles, elles sont en effet fréquemment imputées au seul mal-être au travail.
De même, tout fait soudain au temps et au lieu du travail, tel un « malaise » du salarié après un entretien professionnel, est susceptible de recevoir la qualification d’accident du travail.
Les entreprises peuvent ainsi se voir imputer des accidents du travail ou des maladies professionnelles dans un contexte délicat avec un salarié donnant lieu à un contentieux prud’homal.
Cette prise en charge par la CPAM au titre de la législation professionnelle est alors bien souvent instrumentalisée par le plaignant devant le Conseil de Prud’hommes pour solliciter une plus forte protection et/ou indemnisation.
Quels sont les principaux cas d’instrumentalisation d’une reconnaissance AT/MP par le plaignant devant le Conseil de Prud’hommes ?
Il existe deux grands cas dans lesquels une reconnaissance AT/MP est régulièrement instrumentalisée par les salariés devant le Conseil de Prud’hommes aux fins d’indemnisation et de protection supplémentaires :
- L’inaptitude du salarié à son poste de travail ;
- Le harcèlement moral / sexuel dans l’entreprise.
Dans le premier cas, il s’agit de l’inaptitude du salarié prononcée par le médecin du travail dès qu’il constate que son état de santé est devenu incompatible avec son poste de travail.
Cette inaptitude n’est pas nécessairement en lien avec le travail et peut avoir des origines personnelles propres au salarié.
Cependant, le régime juridique de l’inaptitude d’origine professionnelle est plus avantageux pour le salarié notamment en termes d’indemnités versées à l’occasion de son départ de l’entreprise (indemnité de préavis ; indemnité spéciale de licenciement…).
Ainsi, le salarié licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement a intérêt à faire reconnaitre l’origine professionnelle de son inaptitude pour bénéficier des avantages tirés de la législation professionnelle.
La reconnaissance concomitante / ultérieure d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle constituera alors une pièce maîtresse permettant au plaignant d’obtenir des indemnités complémentaires en lien avec la rupture de son contrat de travail.
Dans le deuxième cas, il s’agit des faits de harcèlement moral / sexuel dans l’entreprise invoqués par un salarié au soutien d’une demande de dommages et intérêts et de nullité de son licenciement devant le Conseil de Prud’hommes.
Un salarié, qui impute la détérioration de son état de santé à des faits de harcèlement subis au sein de son entreprise aura ainsi intérêt à se prévaloir le cas échéant de la prise en charge concomitante d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle pour renforcer son argumentation et avoir une plus grande chance d’obtenir gain de cause.
En effet, s’il obtient par exemple en cours de procédure prud’homale la reconnaissance de sa dépression en maladie professionnelle, cette reconnaissance sera utilisée comme preuve du lien entre la dégradation de son état de santé et les faits allégués de harcèlement.
Comment l’employeur peut-il prévenir ou réduire ce risque d’instrumentalisation de la procédure ATMP par le plaignant devant le Conseil de Prud’hommes ?
Mode d’emploi :
Etape 1 : Dès le stade de la déclaration d’accident du travail ou de maladie professionnelle auprès de la Caisse Primaire d’Assurance maladie, formuler immédiatement des réserves motivées.
Cela imposera à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de mener une enquête de vérification et, à tout le moins, d’adresser un questionnaire à l’employeur et aux salariés sur la cause et les circonstances de l’accident du travail et/ou de la maladie professionnelle (article R. 441-11 CSS).
Une prise en charge précoce par la CPAM de la maladie ou de l’accident susceptible d’être instrumentalisée pourra ainsi être évitée.
Etape 2 : Ensuite, dès que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie a rendu sa décision, il conviendra selon les cas de :
- Contester la décision en cas de prise en charge par la CPAM de l’accident ou de la maladie au titre de la législation professionnelle :
- Comment ? Devant la Commission de Recours amiable.
- Quand ? Dans un délai de 2 mois compter de la notification de la décision pour la contester.
- Rester vigilant en cas de décision de refus de prise en charge par la CPAM de l’accident ou de la maladie au titre de la législation professionnelle :
En effet, le salarié peut contester la décision de refus de prise en charge par la CPAM, sans que l’employeur ne soit informé ; il convient alors d’effectuer une démarche auprès de la CPAM pour obtenir des informations.
De plus, si l’employeur a connaissance par incidence, au cours d’un contentieux prud’homal, d’une procédure parallèle devant le tribunal judiciaire introduite par le salarié pour faire reconnaître un accident du travail ou une maladie professionnelle, il a la faculté d’intervenir volontairement à l’instance ouverte par le salarié contre la CPAM devant le Tribunal Judiciaire.
Cette intervention volontaire de l’employeur lui permettra d’être entendu, de se défendre et d’être informé de la décision qui sera rendue sur le caractère professionnel ou non de l’accident ou de la maladie du salarié.
En définitive, l’employeur doit toujours avoir à l’esprit que le caractère professionnel d’un accident ou d’une maladie peut être reconnu, après de longues années de procédure, par le juge judiciaire et bouleverser le contentieux prud’homal en cours.
Afin d’éviter de se retrouver devant le fait accompli sans avoir la possibilité de se défendre, il convient d’appliquer le principe de précaution et d’émettre des réserves dès la déclaration d’accident du travail ou de maladie professionnelle, et de veiller à être informé continuellement de l’évolution de la procédure.
Sauf erreur, pour que la décision de justice soit opposable à un justiciable, il faut qu'il soit partie ou intervenant volontaire ou forcé. Est-ce judicieux de conseiller à un employeur de veiller au bon déroulement de la procédure devant l'ex TASS sachant que s'il n'a pas été été assigné comme intervenant la reconnaissance éventuelle de l'accident du travail ne lui sera pas opposable devant les prud'hommes ? Confraternellement