Quelles conséquences pour la notification d’un refus d’autorisation d’urbanisme après l’expiration du délai d’instruction ? 

Les travaux de construction, qu’ils relèvent du régime juridique du permis de construire, du permis d’aménager ou de la déclaration préalable, ne peuvent être entrepris qu’en vertu d’une autorisation d’urbanisme.

Aussi, le délai d’instruction varie selon le type d’autorisation sollicitée, puisqu’il est par principe d’un mois pour une déclaration préalable, deux mois pour un permis de construire et trois mois pour un permis d’aménager. Surtout, ce délai peut faire l’objet de prorogation ou de majoration.

En principe, et sous certaines conditions, le silence gardé par l’autorité compétente à l’issue du délai d’instruction vaut acception et suppose la naissance d’une autorisation tacite.

Or, il n’est pas rare de recevoir après l’expiration du délai d’instruction, et donc postérieurement à la naissance d’une autorisation tacite, une décision de refus du projet.

A ce titre, il convient de s’intéresser aux conséquences de la notification tardive d’une décision de refus suite à la naissance d’une autorisation tacite.

 

  • Le principe du silence valant acceptation et la possible naissance d’une autorisation tacite

 

L’article L. 424-2 du Code de l’urbanisme indique que « le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction ».

Aussi, le délai d’instruction peut facilement être calculé puisqu’il doit figurer sur le récépissé de dépôt d’autorisation délivré par l’autorité compétente conformément à l’article R. 423-4 du Code de l’urbanisme.

Néanmoins, le délai initial peut être prolongé en application des articles R. 423-24 à R. 423-33 du Code de l’urbanisme, notamment si le projet est soumis à l’avis de l’Architecte des Bâtiments de France en raison de sa situation.

De même, si l’autorité compétente considère qu’un dossier est incomplet, il lui appartient de solliciter du pétitionnaire la communication de pièces complémentaires. Or, comme le prévoit l’article R. 423-19 du Code de l’urbanisme,  le délai d'instruction ne court qu’à compter de la réception en mairie d'un dossier complet.

Dans ces deux hypothèses, il appartient à l'autorité compétente d’informer le pétitionnaire de la modification du délai d’instruction ou de l’existence demande de pièces complémentaires, et ce dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier d’autorisation.

En outre, dans le cadre d’une demande de pièces complémentaires, celle-ci ne peut intervenir que par courrier recommandé ou par échange électronique en cas d’acception dans le formulaire Cerfa, comme prévu par l’article R. 423-38 du Code de l’urbanisme.

Ainsi, si la demande de pièces complémentaires est régulièrement notifiée le mois suivant le dépôt de la demande, le délai d’instruction initial recommence à courir pour la même durée à compter de la réception de l’ensemble des pièces demandées.

A l’inverse, si la demande de pièces complémentaires est notifiée au-delà du délai d’un mois, le délai d’instruction initial n’a pas été interrompu et une autorisation tacite est susceptible de naître à l’expiration du délai d’instruction.

Cependant, il reste important de communiquer l’ensemble des pièces complémentaires au Service instructeur dans un délai de trois mois, à défaut la demande d’autorisation sera implicitement rejetée.

Par exception au principe de délivrance d’une autorisation tacite, l’article R. 424-2 du Code de l’urbanisme énumère de manière exhaustive les situations dans lesquelles le défaut de notification de décision expresse équivaut à un rejet implicite de la demande d’urbanisme.

Par conséquent, à l’issue du délai d’instruction, une autorisation tacite est susceptible de naître en raison du silence gardé par l’autorité compétente.

 

  • La notification d’un refus d’autorisation postérieur à la naissance d’une autorisation tacite

 

Selon l’article L. 424-8 du Code de l’urbanisme, le permis tacite et la décision de non-opposition à une déclaration préalable sont exécutoires à compter de la date à laquelle ils sont acquis.

De même, en cas de permis tacite ou de non-opposition à un projet ayant fait l'objet d'une déclaration, l'autorité compétente en délivre certificat sur simple demande comme le prévoit l’article R. 424-13 du Code de l’urbanisme.

Pour autant, la difficulté réside dans la notification par l’autorité compétente d’une décision de refus après la naissance d’une autorisation tacite.

Le Juge Administratif considère que le refus notifié postérieurement à la naissance d’une autorisation tacite doit en réalité être requalifié de retrait de l’autorisation tacite.

D’ailleurs, il importe peu que la date mentionnée sur l’arrêté de refus soit antérieure à la naissance de l’autorisation tacite puisqu’il convient en réalité de s’attacher à la date de notification du refus valant retrait.

 

  •  Le retrait de l’autorisation tacite est-il légal ?

 

L’article L. 424-5 du Code de l’urbanisme prévoit notamment qu’une autorisation, qu’elle soit expresse ou tacite, peut être retirée dans les trois mois de sa naissance.

En premier lieu, si la décision de refus est notifiée trois mois après la naissance de l’autorisation tacite, le refus sera probablement illégal, puisque le délai est dépassé.

En deuxième lieu, l’autorité compétente ne peut retirer une autorisation de construire, même tacite, sans avoir au préalable respecté une procédure contradictoire spécifique.

Envisagée par l’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, cette procédure contradictoire impose à l’autorité compétente de vous informer de l’existence d’une autorisation tacite à votre profit, qu’elle envisage de retirer, et vous offre la possibilité de présenter des observations avant tout retrait.

 

A défaut de respecter une telle procédure, la décision de refus valant retrait de l’autorisation tacite est illégale.


 

Ainsi, il est important de contester le refus valant retrait, dans les deux mois suivant sa notification, par le biais d’un recours gracieux ou contentieux, afin de ne pas perdre le bénéfice de l’autorisation tacite.

Pour autant, invoqué trop tôt ou maladroitement ce vice de procédure pourrait être contreproductif puisque l’autorité compétente pourrait alors procéder à un nouveau retrait dans le délai de trois mois et cette fois-ci de manière régulière.

 

Maître Pierre-François STUART

pierrefrancois.stuart.avocat@gmail.com