Les violences conjugales sont multiples. L’arrêt Buturugă c. Roumanie rendu le 11 février 2020 par la Cour européenne des droits de l’homme en est une parfaite illustration. 

Alors que le Gouvernement français s’inquiète de la hausse importante du nombre de cas de violences conjugales recensés en cette période de confinement, un arrêt récent de la Cour européenne des droits de l’Homme revient sur les différentes manifestations de la violence conjugale et la réponse qui doit y être apportée par les Etats membres. 

A travers plusieurs arrêts, la Cour européenne avait déjà eu l’opportunité d’indiquer que les Etats membres étaient tenus de prendre les mesures nécessaires et adaptées :

  • à la prévention des mauvais traitements dont ils avaient ou auraient pu avoir connaissance ;
  • à la condamnation des actes de violences conjugales, en donnant aux victimes les capacités de se pourvoir efficacement en justice contre ces faits et de recevoir une réponse judiciaire rapide. 

Dans son arrêt Buturugă c. Roumanie rendu le 11 février 2020, la Cour européenne a eu l’opportunité de préciser l’étendue des obligations qui pèsent sur les Etats membres en matière de violence conjugale. 

Selon la Cour, les Etats doivent combattre toute forme de violences conjugales ; non seulement les faits de violence physique mais également la « violence psychologique ou le harcèlement », la cyberviolence constituant également une des manifestations de la violence conjugale. 

Peuvent être assimilés à de la cyberviolence, selon la Cour Européenne : « les violations informatiques de la vie privée, l’intrusion dans l’ordinateur de la victime et la prise, le partage et la manipulation des données et des images, y compris des données intimes » (§ 74).

En l’espèce, la requérante alléguait avoir subi des faits de violence de la part de son ex-époux. La requérante avait, de surcroît, déposé plainte à l’encontre de ce dernier pour des faits de violation du secret de la correspondance. Plus précisément, la requérante se disait victime d’interception, de consultation et de sauvegarde de ses messages électroniques, documents et photos, notamment par le biais de son compte Facebook par son ex-mari. Les autorités compétentes roumaines n’avaient pas poursuivi sur ce chef d’accusation, estimant que les faits reprochés étaient sans lien avec les violences conjugales alléguées. Or, d’après la Cour, les autorités compétentes roumaines auraient dû relier l’évocation de cyberviolence avec les autres manifestations de violence conjugale dont la requérante se disait victime. 

La prise en compte de cette cyberviolence aurait permis d’inscrire le litige dans un contexte plus global de violence conjugale et d’en prendre ainsi la pleine mesure. La Cour européenne a donc condamné la Roumanie pour ne pas avoir examiné les allégations de cyberviolence et ainsi avoir manqué à son obligation de mise en œuvre des moyens nécessaires au recueil des preuves visant à établir la réalité des faits.

Les autorités judiciaires compétentes devront porter une attention particulière aux cyberviolences qui s’inscriront dans un contexte de violences conjugales, et en ce sens examiner les plaintes pour violation du secret de la correspondance entre époux, ex-époux, -partenaires, ou -concubins, sous peine de condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme sur le fondement des articles 3 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.