Tout parent disposant d’un droit de garde effectif à l’égard de son enfant doit pouvoir déterminer avec l’autre parent son lieu de vie.

Si l’autre parent déplace l’enfant ou le retient dans un Etat autre que celui de sa résidence habituelle au jour de l’enlèvement parental, le parent victime peut saisir les juridictions compétentes afin que le retour de l’enfant soit ordonné sur le fondement de la Convention de LA HAYE du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants.

La procédure de retour n’a pas vocation à déterminer les droits de chaque parent au fond mais à permettre un retour le plus rapide possible à la situation initiale.

L’article 12 de la Convention de LA HAYE du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants prévoit en ce sens:

« Lorsqu'un enfant a été déplacé ou retenu illicitement au sens de l'article 3 et qu'une période de moins d'un an s'est écoulée à partir du déplacement ou du non-retour au moment de l'introduction de la demande devant l'autorité judiciaire ou administrative de l'Etat contractant où se trouve l'enfant, l'autorité saisie ordonne son retour immédiat. »

La Convention trouvera à s’appliquer chaque fois que l’Etat dans lequel est retenu l’enfant est partie à ladite Convention.

Une des questions centrales concerne la détermination de la résidence habituelle de l’enfant immédiatement avant son déplacement ou son non-retour.

 

Premier cas d’espèce. Arrêt rendu par la Cour de cassation le 12 juin 2020, RG n°19-24.108

A cet égard, par un arrêt en date du 12 juin 2020 (RG n°19-24.108), la Cour de cassation redéfinissait, il y a un an, la notion de résidence habituelle appliquée aux nourrissons, rendant l’issue des procédures plus incertaines et affaiblissant le système de retour prévu par la Convention de la HAYE suscitée.

En effet, le but principal porté par la Convention internationale du 25 octobre 1980 est de permettre un prompt retour de l’enfant. C’est la raison pour laquelle les hypothèses de non-retour sont admises de manière très restrictive.

Or, suite à cet arrêt, les critères pris en compte pour déterminer la résidence habituelle de l’enfant jeune ont évolué.

Les faits d’espèce. Des époux mariés en GRECE, lieu de leur résidence habituelle et dont le père est originaire, donnent naissance à un petit garçon. Quatre semaines après la naissance, ils se rendent en FRANCE, Etat d’origine de la mère, avec l’intention d’y séjourner temporairement avant leur retour en GRECE. A l’issue de ce séjour, la mère y demeure cependant avec leur enfant.

Le père saisit quelques mois après - en tous les cas, avant un an - le juge aux affaires familiales compétent afin qu’il ordonne le retour immédiat de l’enfant.

En appel, la cour de COLMAR ordonne le retour immédiat de l’enfant en GRECE, au motif que sa résidence habituelle y était fixée immédiatement avant la rétention illicite (naissance et 4 premières semaines de vie en GRECE, famille vivant en GRECE, séjour temporaire en FRANCE avant un retour en GRECE, notamment). Ce faisant, la mère ne peut pas modifier la résidence habituelle de l’enfant de manière unilatérale.

La mère forme un pourvoi devant la Cour de cassation.

Réponse de la Cour de cassation. La Cour de cassation censure l’arrêt, aux motifs que la cour d’appel aurait dû, au regard du très jeune âge de l’enfant, rechercher non seulement le lieu de résidence habituelle de l’enfant immédiatement avant la rétention et l’intention commune des parents mais également si son centre de vie (déterminé par son environnement familial et social) ne se trouvait pas en FRANCE, Etat dans lequel le nourrisson vivait de manière ininterrompue avec sa mère de nationalité suisse depuis ses un mois.

Pourtant, l’article 3 de la Convention de LA HAYE du 25 octobre 1980 précise :

« Le déplacement ou le non-retour d'un enfant est considéré comme illicite :

a) lorsqu'il a lieu en violation d'un droit de garde, attribué à une personne, une institution ou tout autre organisme, seul ou conjointement, par le droit de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour ».

Aussi, la solution retenue peut surprendre ; ce d’autant plus que, par le passé, elle avait eu l’occasion d’ordonner le retour d’un nouveau-né considérant que sa résidence habituelle était située dans l’Etat de résidence habituelle des parents immédiatement avant sa naissance et non en FRANCE, Etat, dans lequel s’était installée la mère et était demeurée quelques temps avant la naissance, sans l’accord du futur père. Le nouveau-né n’avait pourtant jamais vécu dans cet Etat (Civ. 1ère, 26 octobre 2011, RG n° 10-19.905 ; Civ. 1ère, 7 décembre 2016, RG n° 16-20.858).

Cet arrêt constitue ainsi un revirement de jurisprudence.

Pour arriver à une telle solution, la Cour de cassation fait une application combinée de la Convention de LA HAYE ainsi que du règlement Bruxelles II bis, particulièrement son article 11, §1 et sa jurisprudence.

Elle revient ainsi sur les critères de détermination de la résidence habituelle de l’enfant par le juge européen, se fondant toutefois sur des jurisprudences aux faits d’espèce bien différents de la présente espèce, rendant délicate, en notre sens, une transposition Aussi, l’interprétation retenue par la Cour de cassation est discutable.

Surtout, ses conséquences sont désastreuses, conduisant à un affaiblissement de l’efficacité de la protection offerte par la Convention de LA HAYE.

Cette jurisprudence a en effet donné la possibilité aux juges de considérer, a posteriori, la question de la résidence habituelle de l’enfant au nom de son intérêt supérieur, prenant en compte du critère de proximité.

En conséquence, tout voyage d’un parent avec le très jeune enfant à l’extérieur de l’Etat de résidence habituelle peut faire craindre à l’autre parent un non-retour, dont l’issue procédurale semblait, somme toute, bien incertaine.

De même, les parents rapteurs ont tout intérêt à gagner du temps par quelque moyen que ce soit pour invoquer le changement de résidence habituelle de l’enfant à l’aune de cette jurisprudence.

 

Second cas d’espèce. Arrêt rendu par la Cour de cassation le 8 juillet 2021 (RG n°21-13.556)

Aussi, on ne peut que saluer l’arrêt rendu le 8 juillet 2021 (RG n°21-13.556), aux termes duquel la Cour de cassation rejette le pourvoi de la mère, installée en FRANCE avec l’enfant d’un an au jour du déplacement sans accord du père cotitulaire de l’autorité parentale, à l’encontre de l’arrêt ordonnant le retour de l’enfant en ALLEMAGNE, Etat de sa résidence habituelle.

La mère se prévalait d’une décision sur le fond rendue par un tribunal allemand, saisi postérieurement à la demande de retour, transférant provisoirement la résidence habituelle de l’enfant au domicile maternel.

La Cour de cassation rejette le pourvoi en reprenant les termes de l’article 17 de la Convention de LA HAYE, selon lesquels :

« Le seul fait qu'une décision relative à la garde ait été rendue ou soit susceptible d'être reconnue dans l'Etat requis ne peut justifier le refus de renvoyer l'enfant dans le cadre de cette Convention, mais les autorités judiciaires ou administratives de l'Etat requis peuvent prendre en considération les motifs de cette décision qui rentreraient dans le cadre de l'application de la Convention. »

Elle considère que la cour d’appel n’avait pas à rechercher si l’ordonnance allemande, rendue postérieurement à la rétention illicite, avait transféré le droit à la mère de déterminer la résidence de l’enfant à titre provisoire.

La décision d’ordonner le retour de l’enfant était justifiée dès lors qu’était constatée la résidence habituelle de l’enfant en ALLEMAGNE et qu’en dépit de l’opposition du père, cotitulaire de l’autorité parentale, la mère était demeurée avec l’enfant en FRANCE

Si la cour d’appel pouvait tenir compte des motifs contenus dans la décision allemande, elle n’était pas tenue de s’y conformer.

La Cour de cassation s’en tient ici à une application plus littérale de la convention.  

Ainsi, les éléments intervenus ultérieurement au déplacement ou à la rétention illicite ne conduisent pas ipso facto à une modification de la résidence habituelle de l’enfant.

Il est à espérer que cette jurisprudence augure d’un retour à une interprétation de la Convention internationale de LA HAYE du 25 mars 1980 plus conforme aux buts poursuivis ; à savoir, conformément à son article 1er :

« a) d'assurer le retour immédiat des enfants déplacés ou retenus illicitement dans tout Etat contractant ;
b) de faire respecter effectivement dans les autres Etats contractants les droits de garde et de visite existant dans un Etat contractant. »