L'article L. 227-16 du Code de commerce, qui permet aux associés d'une SAS de faire figurer dans les statuts de celle-ci une clause d'exclusion, et l'article L. 227-19, en sa rédaction résultant de la loi n° 2019-744 dite Mohamed Soilihi du 19 juillet 2019 et autorisant à adopter ou modifier la clause d'exclusion autrement qu'à l'unanimité des associés, sont conformes à la Constitution.

    La Cour de cassation avait saisi le Conseil constitutionnel de quatre QPC, portant sur l'article L. 227-16 du Code de commerce, qui permet aux associés d'une SAS de faire figurer dans les statuts de celle-ci une clause d'exclusion, et/ou sur l'article L. 227-19, en sa rédaction résultant de la loi Mohamed Soilihi du 19 juillet 2019 et autorisant à adopter ou modifier la clause d'exclusion autrement qu'à l'unanimité des associés (Cass. com., 12 oct. 2022, n° 22-40.013 : JurisData n° 2022-016566 ; JCP E 2022, 1353).

    Le requérant reprochait à ces dispositions de permettre qu'un associé soit tenu de céder ses actions en application d'une clause statutaire d'exclusion à laquelle il n'aurait pas consenti. Selon lui, la privation de propriété qui en résulterait pour l'associé exclu ne serait pas justifiée par une nécessité publique légalement constatée, en méconnaissance des exigences de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. En tout état de cause, ces dispositions porteraient une atteinte disproportionnée au droit de propriété de l'associé, garanti par l'article 2 de la Déclaration de 1789.

    Dans sa décision du 9 décembre 2022, le Conseil constitutionnel confirme la conformité de ces textes à la Constitution.

    En premier lieu, ces dispositions ont pour seul objet de permettre à une SAS d'exclure un associé en application d'une clause statutaire. S'il en résulte qu'un associé peut être contraint de céder ses actions, elles n'entraînent donc pas une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789.

    En deuxième lieu, en permettant à une SAS de contraindre un associé à céder ses actions, le législateur a entendu garantir la cohésion de son actionnariat et assurer ainsi la poursuite de son activité. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 19 juillet 2019 que, en prévoyant que l'adoption ou la modification d'une clause d'exclusion puisse être décidée sans recueillir l'unanimité des associés, il a également entendu éviter les situations de blocage pouvant résulter de l'opposition de l'associé concerné à une telle clause. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d'intérêt général.

    En troisième lieu, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que la décision d'exclure un associé ne peut être prise qu'à la suite d'une procédure prévue par les statuts. Elle doit reposer sur un motif, stipulé par ces statuts, conforme à l'intérêt social et à l'ordre public, et ne pas être abusive.

    En quatrième lieu, l'exclusion de l'associé donne lieu au rachat de ses actions à un prix de cession fixé, selon l'article L. 227-18 du Code de commerce, en application de modalités prévues par les statuts de la société, ou, à défaut, soit par un accord entre les parties, soit par un expert désigné dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du Code civil.

    En dernier lieu, la décision d'exclusion peut être contestée par l'associé devant le juge, auquel il revient alors de s'assurer de la réalité et de la gravité du motif retenu. L'associé peut également contester le prix de cession de ses actions.

    Dès lors, les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété. Le grief tiré de la méconnaissance de ce droit doit donc être écarté.

    Par conséquent, ces dispositions, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. (Veille LEXIS NEXIS. La Semaine Juridique Entreprise et Affaires N° 50, 15 décembre 2022, act. 1069- Cons. Const., déc. n° 2022-1029 QPC, 9 déc. 2022)