Aujourd’hui, avec la crise du logement, beaucoup de locataires sont tentés de sous-louer ou de prêter pour de courtes périodes leur logement quitte à ne plus l’occuper suffisamment.

L’insuffisance d’occupation d’un logement est régie par les articles 10-2 et 10-3 de la loi n° 48-1360 du 1 septembre 1948.

En effet, au sens légal, l’occupation insuffisante est caractérisée dans deux hypothèses :

  • L’occupation par le locataire lui-même, ou par ceux qui vivaient habituellement avec lui « n’a pas duré huit mois au cours d'une année de location et ni la profession ni la fonction de l'occupant ou tout autre motif légitime ne justifie une occupation d'une durée moindre. » Article 10-2 de la loi du 1er septembre 1948.

    OU lorsque

     

  • Le locataire « a plusieurs habitations, sauf pour celle constituant son principal établissement, à moins qu'il ne justifie que sa fonction ou sa profession l’y oblige » Article 10-3 de la loi du 1er septembre 1948.

La conséquence juridique de l’occupation insuffisante du logement, dans un cas comme dans l’autre est la déchéance, pour le locataire de son droit au maintien dans les lieux et par conséquent l’expulsion de tous les occupants de son chef.

  • La constitution de la preuve de l’occupation insuffisante

    Le bailleur devra prouver, soit que le locataire n’occupe pas son logement plus de huit mois dans l’année (art. 10-2), soit qu’il dispose d’une autre habitation (art 10-3).

    A ce titre, la jurisprudence confirme le refus du droit au maintien « d’un locataire qui a transféré son domicile ailleurs et ne fait qu’utiliser l’ancien appartement comme pied-à-terre de manière épisodique, espacée et éphémère » (Cass. Soc., 12 mai 1964).

    Dans les deux cas, il conviendra dans un premier temps pour le bailleur d’écarter l’hypothèse où une exception légale ou jurisprudentielle viendrait justifier cette occupation insuffisante, tels que :

  • Une inoccupation due à la profession ou fonction du locataire (Art. 10-2 de la loi de 1948)
  • Des raisons de santé le contraignant à quitter les lieux (Cass. soc, 15 nov. 1962)
  • Son grand âge nécessitant des séjours prolongés à la campagne (Cass. soc., 6 juin 1963)
  • Le fait de faire l’objet d’une incarcération (Cour d’appel de Paris, 15 avril 1970)

     

    Cette vérification faite, la difficulté principale sera ensuite, pour le bailleur, de réunir des éléments de preuve démontrant cette occupation insuffisante des lieux, la charge de cette preuve lui incombant.

     

L’inoccupation, fait juridique par nature pourra être prouvée librement, c’est-à-dire, par tous moyens :

  • Des témoignages écrits et respectant les conditions de fond et de forme prévues aux articles 200 à 203 du code de procédure civile, seront recevables à titre de preuve (le témoignage du gardien de l’immeuble ou de voisins pourra être utilement produit);

     

  • Surtout, un constat d’huissier, auquel la Cour de cassation reconnait un caractère suffisant pour établir l’occupation non effective par le locataire, pourra offrir une force probatoire supérieure :

« qu'ayant constaté que les logements n'étaient pas effectivement occupés par le locataire au vu d'un constat d'huissier de justice (...) la Cour d'appel qui n'était pas tenu de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision. » (Cass.civ 3ème., 13 décembre 2000 n° 99-14309)

Ce constat d’huissier devra faire l’objet d’une procédure dite de requête à fin de constat en vue d’obtenir une ordonnance du Président du TGI missionnant et autorisant l’huissier de Justice à pénétrer dans l’appartement du locataire pour établir son constat.

 

  • D’autres éléments de preuve seront également utiles pour corroborer le constat d’huissier et renforcer ainsi la preuve de l’insuffisante occupation des lieux.

     

    A titre d’exemple, les factures d’électricité, de gaz, téléphoniques, pouvant démontrer une consommation assez faible, le retour de courriers recommandés non réclamés, une boîte aux lettres pleine à craquer, etc.

 

Ces preuves seront de nature à constituer un faisceau d’indices sur la base duquel le juge sera amené à apprécier la déchéance du droit au maintien dans les lieux.

 

  • La procédure initiée par le bailleur pour reprendre possession du logement

    Une fois la preuve de l’occupation insuffisante recueille, le bailleur mettra en œuvre la procédure d’action en déchéance du droit au maintien dans les lieux :

     

  • Le congé

    Le bailleur qui souhaite se prévaloir de l’article 10-2 ou 10.3 de la loi de 1948, relatif à la contestation du droit au maintien dans les lieux pour un locataire qui, notamment, n’y effectue pas une occupation suffisante, doit délivrer, au préalable de toute demande de résiliation judiciaire, un congé à son locataire.

    La Cour de cassation rappelle cette exigence en énonçant que :

    « Ayant exactement énoncé que le droit au maintien dans les lieux naissant à l’expiration du bail, il incombe au bailleur, qui entend le contester, de délivrer préalablement au locataire un congé visant le motif invoqué avant de saisir la juridiction compétente d’une action en déchéance de ce droit, » (Cass. Civ., 3ème, 28 mai 2008 n° 07-10.550 publié au bulletin)

    Ce congé notifié par huissier doit viser l’un des motifs cité à l’article 10 de la loi de 1948 et les conditions d’occupation effective suffisante, sous peine de nullité.

     

  • L’assignation en validation de congé devant le Tribunal d’instance

    En cas de maintien dans les lieux du locataire à la date d’effet du congé, le bailleur devra l’assigner (devant le Tribunal d’Instance au fond) en validation de congé et demande de résiliation judiciaire du bail en invoquant la déchéance du droit au maintien dans les lieux et son expulsion.

    Dans le cas où le congé du locataire est notifié sur le fondement de l’article 10.2, soit pour le motif d’absence d’occupation effective suffisante pendant huit mois au cours d'une année de location, le point de départ du délai de huit mois est l’année précédant la date de prise d’effet du congé à laquelle il conviendra de se référer lorsque l’assignation est délivrée au cours de cette même année (Cass.civ 3ème, 9 juillet 2003).

    Si l'assignation n'est pas délivrée dans l'année, c'est à la date de cette assignation qu'il conviendra de se placer pour le calcul du délai (Cass. Civ 3ème., 23 octobre 1969).

 

Bref, la procédure d’expulsion du locataire pour insuffisante occupation est aléatoire et complexe…Les plateformes collaboratives en ligne de type AIRBNB ont encore de beaux jours devant elles…