Le maître d’ouvrage a fait appel à un entrepreneur pour réaliser des travaux de construction ou de rénovation mais les ouvriers ont déserté le chantier. La date de livraison prévue dans le contrat ou le devis est dépassée et l’entreprise de travaux ne donne plus de nouvelles.
Les abandons de chantier donnent lieu à un contentieux très abondant.
Dans le meilleur des cas, l’entreprise travaille sur un autre chantier. Dans le pire des cas, il se peut qu’elle ait déposé le bilan et fasse l’objet d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.
Les maîtres d’ouvrage se trouvent totalement démunis face à une entreprise qui a souvent été payée à l’avance.
Voici quelques réflexes à avoir et quelques conseils à suivre en cas d’abandon de chantier.
La mise en demeure de reprendre les travaux
C’est la première démarche à effectuer. Cette formalité est essentielle.
Le maître d’ouvrage doit mettre son entrepreneur en demeure, par lettre recommandée avec accusé de réception, de reprendre les travaux en lui fixant un délai déterminé (huit jours à compter de la réception de la mise en demeure).
Dans ce courrier, il convient de rappeler la date précise de livraison, telle qu’elle avait été définie et d’envisager l’application d’éventuelles pénalités de retard si la date de livraison est déjà dépassée.
Il faut également indiquer que les paiements seront suspendus jusqu’à la reprise des travaux.
En application de l’article 1226 du Code civil introduit par l’ordonnance du 10 février 2016, il est désormais possible pour le maître d’ouvrage de résoudre le contrat par voie de notification sans obtenir nécessairement au préalable l’autorisation du juge.
Dans ce cas, la mise en demeure de reprendre les travaux « mentionne expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat ».
Il faut donc impérativement informer l’entrepreneur du risque qu’il encourt à voir son contrat résolu.
La rédaction de la mise en demeure est donc particulièrement importante, notamment si le maître d’ouvrage décide de mettre fin à la mission de l’entreprise défaillante.
L’inertie de l’entreprise est souvent due à ses difficultés financières et à sa mise en redressement judiciaire ; il faut alors adresser la mise en demeure à l’administrateur judiciaire qui représente la société et dont on peut obtenir les coordonnées auprès du greffe du Tribunal de Commerce du siège de l’entreprise. Ce dernier dispose d’un délai d’un mois pour répondre, étant précisé que son silence dans ce délai est considéré comme un refus de poursuivre le chantier.
Le procès-verbal de constat d’abandon de chantier par un huissier de justice
Si l’entrepreneur n’a pas déféré à la mise en demeure dans le délai imparti, qu’il n’a pas répondu ou n’a pas fourni d’explication valable ; il est alors indispensable de faire constater l’arrêt du chantier par un huissier de justice.
L’huissier établit un procès-verbal de constat d’abandon détaillant les travaux déjà exécutés et ceux qui ne sont pas terminés (les non-façons), il signale l’absence d’ouvriers et recense le matériel abandonné sur place.
Ce constat sera également utile si le maître d’ouvrage décide ensuite de confier l’achèvement du chantier à une autre entreprise. Il est donc important de remettre à l’huissier le devis d’origine et de lui indiquer le montant des acomptes qui ont déjà été versés à l’entreprise défaillante.
La résolution du contrat
A ce stade, il est établi que l’entrepreneur n’a pas déféré à la mise en demeure de reprendre les travaux et l’abandon du chantier est donc définitif.
Comme rappelé ci-dessus, le maître d’ouvrage peut désormais résilier seul le contrat de l’entreprise défaillante.
Il a désormais la faculté, en application de l’article 1226 du Code civil, de résoudre le contrat par voie de notification sans être contraint d’obtenir, au préalable, l’autorisation du juge : « lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent ».
Il convient donc d’adresser une lettre recommandée avec accusé de réception à l’entrepreneur afin de l’informer de la résolution de son contrat.
Cette lettre doit être motivée par la situation de blocage et l’urgence, il faut rappeler que l’entreprise n’a pas déféré à la mise en demeure de reprendre les travaux et lui réclamer, le cas échéant, le trop-perçu ainsi que les malfaçons éventuelles.
Attention, l’entrepreneur « peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution » et le maître d’ouvrage « doit alors prouver la gravité de l’inexécution ».
L’établissement d’un nouveau devis par une autre entreprise pour l’achèvement du chantier
Le maître d’ouvrage doit alors choisir une autre entreprise et lui demander d’établir un devis complet et détaillé pour terminer le chantier. Ce devis sera indispensable pour chiffrer la réclamation devant le juge.
Dans un prochain article, je vous exposerai la procédure judiciaire à suivre à l’issue d’un tel abandon de chantier.
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